Liberté d'expression réclamée pour les scientifiques fédéraux

Les journalistes et les communicateurs scientifiques canadiens ont dénoncé hier le musellement des scientifiques fédéraux par Ottawa, lors d'un des plus grands congrès scientifiques au monde, celui de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS), qui se tient à Vancouver.

L'Association des communicateurs scientifiques du Québec, la Canadian Science Writers' Association et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada ont fait salle comble lors d'une table ronde pour dénoncer la situation.

La journaliste scientifique pour PostMedia News Margaret Munro a abondamment documenté ses échecs à parler avec des scientifiques fédéraux, même lorsque leurs recherches sont publiques et disponibles dans les revues scientifiques. «Il n'y a pas si longtemps, on pouvait leur téléphoner et leur parler en une heure. Les choses ont changé dramatiquement», a-t-elle expliqué. Réponse des relationnistes bien après les tombées, refus d'entrevues non justifiés, réponses par courriel avec des lignes de presse préapprouvées: Mme Munro croit que le gouvernement Harper «a un besoin obsessif de contrôler son message aux médias».

En tout, 7000 scientifiques et 700 journalistes du monde entier assistent à ce congrès qui se termine lundi.

Selon Mme Munro, le gouvernement n'admet pas le problème et prétend que les journalistes ont un accès adéquat aux scientifiques. C'est pourquoi les journalistes songent à documenter les cas, à l'image d'initiatives américaines qui commencent à porter leurs fruits dans l'ère post-Bush, explique l'organisatrice de la table ronde, Binh An Vu Van, une journaliste scientifique québécoise.

Les scientifiques sont tout aussi frustrés que les journalistes. «Nous croyons que le musellement des scientifiques au service du bien collectif compromet la sécurité de tous les Canadiens, sape notre démocratie et la capacité de notre pays à réaliser son plein potentiel», explique Gary Corbett, président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

Aucun représentant du gouvernement conservateur n'a accepté l'invitation des panellistes à participer. «Plusieurs ont décliné l'invitation, mais le ministre d'État [Sciences et Technologie] Gary Goodyear ne nous a même pas répondu», a souligné Kathryn O'Hara, professeure à l'Université Carleton. Le bureau du ministre Goodyear n'a pas rappelé Le Devoir, hier.

Ottawa «reconnaît l'importance de ses scientifiques»

Lundi, le député libéral Ted Hsu a demandé au ministre Gary Goodyear «pourquoi le gouvernement [s'oppose-t-il] à la liberté d'expression des scientifiques?»

«Nous reconnaissons l'importance de nos scientifiques, a répondu le ministre Goodyear. Voilà pourquoi nous faisons constamment part des résultats de leurs recherches dans de nombreuses publications. Nous respectons beaucoup nos scientifiques et les recherches qu'ils mènent. Le député a tort de dire que nous agissons de la sorte.»

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