Sciences - Le GG, gage d'empathie?

Pour les littéraires, les lettres GG sont synonymes d'une chose: les prestigieux prix littéraires du Gouverneur général (remis aujourd'hui même dans la capitale nationale; pour tout savoir à ce sujet, voir l'article de Johanne Seymour). Pour les scientifiques, ces lettres jettent aujourd'hui une lumière sur le phénomène de l'empathie, dont une composante serait inscrite dans les tourbillons de notre ADN.

On connaît depuis un certain temps les propriétés de l'oxytocine, l'«hormone de l'amour», dont la présence est associée notamment à la confiance, à la générosité, à l'empathie et à l'esprit de sacrifice dont fait montre un individu. Ce qui suit est un peu technique, mais accrochez-vous, je vous promets de ne pas utiliser indûment de termes comme «nucléotide». Voici: le gène responsable de la synthèse du récepteur sensible à l'oxytocine peut présenter plusieurs formes. Les individus porteurs de la combinaison GG du gène auraient tendance à éprouver davantage d'émotions positives et se montreraient plus sociables et plus compatissants. À l'inverse, les individus dont le gène présente plutôt la combinaison AA (quelque 15 % de la population) courraient un plus grand risque de souffrir d'autisme et seraient moins sensibles. Les gens dont le gène présente une combinaison mixte (AG) se situeraient quant à eux entre ces deux extrêmes.

Fort bien, mais comment faire, me demandez-vous, pour savoir si le bel inconnu qui vous invite à dîner est un monstre d'égoïsme ou si au contraire il a la fibre de l'empathie merveilleusement développée? Bonne nouvelle, nul besoin de se munir d'un séquenceur d'ADN portatif, il suffit d'astiquer vos lunettes.

En effet, les résultats d'une étude publiée hier dans les Proceedings of the National Academy of Sciences indiquent que ces infimes variations génétiques sont visibles à l'oeil nu, et rapidement — 20 secondes suffisent. Après avoir sollicité la collaboration de 23 couples, les chercheurs ont demandé à l'un des membres de chacun de raconter une expérience pénible tandis que son compagnon ou sa compagne écoutait son récit. Une centaine d'observateurs neutres, qui n'entendaient pas les histoires des sujets ni ne connaissaient leur profil génétique, mais étaient à même d'observer leur langage corporel, devaient évaluer le degré d'empathie de l'auditeur. Quelques secondes leur suffisaient pour se faire une opinion, le plus souvent juste. Les auteurs de l'étude ne précisent cependant pas s'ils ont pris en compte l'état d'esprit des couples au moment de l'expérience ou l'existence d'éventuelles disputes de ménage susceptibles de fausser les résultats, car nul ne saurait nier que l'on se montre forcément moins empathique face à son conjoint quand celui-ci vient de vider le compte du même nom, ou qu'il a invité sans prévenir son équipe de hockey au grand complet à souper à la maison. Mais je m'égare.

Toujours est-il que, parmi les 10 sujets identifiés comme les plus empathiques et les plus compatissants, six étaient porteurs de la forme GG du gène et 4, de sa forme mixte. Parmi les 10 sujets perçus comme les moins empathiques, neuf étaient porteurs d'au moins un allèle A. Moralité: si nous réussissons assez bien à repérer les individus dignes de confiance, nous savons presque à coup sûr reconnaître ceux qui ne le sont pas. Jean-François Nadeau, directeur des pages culturelles, m'invite ici à livrer une liste, mais chacun saura bien faire la sienne.

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