L'hypothèse Zamboni analysée

L'hypothèse du chirurgien italien Paolo Zamboni, qui affirme que la sclérose en plaques serait due à une occlusion des veines évacuant le sang hors du cerveau et de la colonne vertébrale, laisse encore sceptique une grande partie de la communauté médicale. Un article paru récemment dans le Journal de l'Association médicale canadienne continue d'alimenter le doute, ses auteurs se disant incapables à l'heure actuelle de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse, et recommandant la poursuite des recherches.
Dans le but de vérifier l'hypothèse du Dr Zamboni, qui a suscité beaucoup d'espoir ces dernières années chez les patients atteints de sclérose en plaques (SP), des chercheurs canadiens ont procédé à une méta-analyse, une revue de la littérature scientifique publiée à ce jour sur le sujet. Des 471 publications qu'ils ont d'abord repérées, ils n'ont retenu pour leur méta-analyse que les huit articles figurant dans une revue à comité de lecture, et dont l'étude qu'ils rapportaient comportait un groupe contrôle. Ces huit études avaient été effectuées en Italie, en Allemagne, en Jordanie et aux États-Unis.«Nous avons trouvé une très grande variabilité entre les résultats des différentes études», a souligné en entrevue le Dr Andreas Laupacis, de l'Hôpital St. Michael de Toronto. «Par exemple, dans l'étude de Zamboni, tous les patients souffrant de SP présentaient une IVCC [insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique], alors que dans une autre étude, aucun patient n'a reçu le diagnostic d'IVCC. Zamboni a ainsi vu que l'IVCC était beaucoup plus fréquente chez les personnes souffrant de SP que chez celles qui n'en étaient pas atteintes, alors que quelques autres études ont montré que la fréquence était similaire entre les deux groupes. Mais quand on a combiné statistiquement les résultats de toutes ces études, a subsisté tout de même une association significative entre la SP et l'IVCC.»
Des résultats inhabituels
Dans le but de vérifier la robustesse de leurs résultats, voire d'éliminer le biais que pourrait induire l'étude du Dr Zamboni qui est critiquée par plusieurs, les auteurs de l'article du JAMC ont refait une analyse en écartant les résultats obtenus par l'équipe du Dr Zamboni, qui affirmait avoir identifié une IVCC chez tous les patients atteints de SP ayant participé à son étude et n'en avoir observé aucune chez toutes les personnes exemptes de SP formant son groupe témoin, «ce qui est d'un résultat très inhabituel, commente le Dr Laupacis. Il n'existe pratiquement aucun facteur de risque associé à une maladie qui soit présent chez tous les patients atteints de cette maladie. Par exemple, plusieurs personnes souffrant d'un cancer du poumon ne fument pas. Et plusieurs fumeurs ne souffriront jamais de ce cancer.»
Or, même en éliminant les résultats du Dr Zamboni, l'IVCC est apparue significativement plus fréquente chez les personnes atteintes de SP que chez celles qui n'en souffrent pas. Toutefois, compte tenu de la grande hétérogénéité des résultats analysés, les auteurs de la méta-analyse ne veulent tirer «aucune conclusion définitive». Ils soulèvent cependant la possibilité que l'anomalie veineuse soit une conséquence de la SP, plutôt qu'une cause de la maladie, étant donné les résultats de l'étude du Dr Zivadinov, de Buffalo, montrant que l'IVCC était plus fréquente chez les patients atteints de la maladie depuis de nombreuses années que chez ceux où elle venait d'apparaître.
La méthode d'échographie
«Nous ne savons pas pourquoi les résultats sont si différents d'une étude à l'autre. Cela dépend peut-être de la méthode d'échographie utilisée et de l'expérience du technicien dans chaque étude. Sachant que le diagnostic d'une IVCC requiert un long (de plus d'une heure) et délicat examen échographique, peut-être ont-ils eu recours à des techniques d'échographie différentes? Ont-ils vraiment mesuré la même chose? À l'avenir, il serait important que les techniciens qui procèdent à l'échographie s'entendent sur une façon de faire standardisée», souligne le Dr Laupacis.
Aussi, le fait que, dans certaines études, le technicien et le radiologiste savaient que la personne qu'ils examinaient était atteinte de SP a pu «influencer leur intervention et leur interprétation du résultat», fait aussi remarquer le Dr Laupacis. «Nous pensons qu'il est très important que les individus qui effectueront l'examen et ceux qui l'interpréteront ignorent si la personne qu'ils examinent est atteinte de la maladie ou non. D'un autre côté, on ne peut ignorer cette hypothèse. Il faut que de plus amples recherches soient effectuées», conclut-il, tout en ajoutant que «si ce dossier n'était pas si controversé, notre article ne susciterait pas autant d'intérêt, car comme vous l'avez constaté, nos résultats ne sont pas clairs».