Sciences - Paradis artificiel

Le mois dernier, le cosmologiste anglais Stephen Hawking a déclaré au quotidien The Guardian que le paradis n'existait pas. Bien que ce ne soit pas un scoop, l'information a fait immédiatement le tour du monde. C'est qu'on ouvre forcément plus grand les oreilles quand la science se met à parler des anges et du paradis. Un peu comme lorsque votre boucher se met à évoquer la théorie de la supergravité maximale à onze dimensions, dite Théorie M, en découpant des steaks.
Les propos exacts du physicien — qu'une dystrophie neuromusculaire oblige à s'exprimer par l'entremise d'un traducteur électronique commandé par de légers mouvements de son corps — ont été les suivants: «Je considère le cerveau comme un ordinateur qui s'arrête de fonctionner lorsque ses composants tombent en panne. Il n'y a pas de paradis ou d'au-delà pour les ordinateurs hors d'usage. C'est un conte de fées pour les gens qui ont peur de l'obscurité.»Assimiler le cerveau à un ordinateur est très flatteur pour au moins l'un des deux. Mais lequel? En tout cas, chez Hawking, l'inexistence du paradis semble être une conjecture plutôt que l'aboutissement d'un raisonnement logique. Son propos est en effet entièrement assis sur l'hypothèse qu'il n'y a pas de paradis pour les ordinateurs. Ces derniers ont pourtant un enfer: la chambre de ma petite-nièce où déjà quatre ordinateurs portables ont rendu l'âme dans des circonstances atroces.
Un peu avant Hawking, Montesquieu s'était exprimé sur la question: «Les hommes sont extrêmement portés à espérer et à craindre, et une religion qui n'aurait ni enfer ni paradis ne saurait guère leur plaire.» Pareil pour les physiciens. Ils n'ont pas d'églises, mais aiment à s'assembler autour de grands accélérateurs de particules en priant. Pourvu que cette putain de machine nous crache un boson de Higgs, sinon on va avoir l'air con avec nos théories du Grand Tout, implorent-ils en substance. Rappelons que le boson de Higgs donnerait une masse non nulle à certains bosons de jauge de l'interaction électrofaible. Et ajoutons immédiatement que l'on n'en a encore aucune preuve et que ça va être vraiment coton d'en avoir.
«Quelle importance y a-t-il à savoir pourquoi nous existons?», a également demandé le Guardian au physicien. Question effroyable quand il faut y répondre succinctement en se trémoussant sur un fauteuil roulant. Stephen Hawking a hasardé un «L'univers est gouverné par la science. Mais la science nous dit que nous ne pouvons pas résoudre toutes les équations comme ça, ex abrupto. Nous devons appliquer la théorie darwinienne de la sélection naturelle aux sociétés le plus à même de survivre [sic]. Nous leur assignons une valeur plus élevée.» Comprenne qui pourra.
Un débat a eu lieu sur le site du Guardian pour essayer de tirer la chose au clair. Meilleure interprétation: de multiples univers sont possibles, et une sorte de sélection nous fait vivre dans celui-ci plutôt que dans n'importe quel autre. Mais cela peut vouloir dire aussi que Hawking était très fatigué ce jour-là.