Prix Urgel-Archambault - L'ARN en 3D

François Major: «Je me considère comme un informaticien avant tout.»
Photo: Source Acfas François Major: «Je me considère comme un informaticien avant tout.»

Il y a déjà 25 ans, pendant qu'il préparait sa maîtrise en informatique à l'Université de Montréal, François Major a conçu un système qui s'imposa rapidement dans son secteur de recherche: le MC-SYM.

Le MC-SYM est une démarche informatique permettant de modéliser et de prédire la structure de l'ARN, cette espèce de véhicule qui transporte l'information génétique des molécules d'ADN à l'intérieur des cellules.

François Major a eu le temps depuis de perfectionner son modèle d'analyse constamment réalimenté par rétroaction; ses résultats dépassent ceux qu'on peut attendre des autres systèmes coûteux et encombrants, comme la cristallographie à rayons X et la résonance magnétique nucléaire. Il a aussi publié des articles dans les revues scientifiques les plus prestigieuses (Nature, Science, etc.) et dirigé des projets et des équipes de recherche un peu partout en Europe et en Amérique. En créant son Laboratoire de biologie informatique et théorique et en se joignant ensuite à l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) comme chercheur principal, François Major est devenu le spécialiste de la modélisation en 3D de l'ARN.

Mais pourquoi s'amuser à modéliser l'ARN en 3D? Qu'est-ce qu'on trafique de nos jours dans les laboratoires (wet ou dry) de bio-informatique? Le reséquençage mène-t-il vraiment à une toute nouvelle génération de médicaments qui vont agir directement là où le drame se joue, au coeur de chacune de nos cellules? Tout cela tient-il de la légende urbaine ou de l'avenir prévisible?

Le sourire au bout de la voix, François Major a pris le temps de répondre à toutes ces questions en nous faisant saisir ainsi l'ampleur des retombées de ses recherches...

Activer ou désactiver

«Je me considère comme un informaticien avant tout, précise d'abord le chercheur au téléphone. L'informatique, c'est un peu mon moyen d'expression: ma méthode est au fond plus symbolique que numérique, puisque ce ne sont pas des équations mathématiques que je programme dans l'ordinateur... Mais c'est clair, l'informatique joue maintenant partout un rôle incontournable et c'est encore plus vrai dans ce champ de recherche fondamentale très précis où je travaille et qui se consacre à l'ARN.»

L'ARN. François Major explique qu'il y en a plusieurs types — ARNr, ARNt, ARNm, etc. — qui jouent des rôles différents en visant des cibles spécifiques chaque fois différentes. D'où l'importance de la modélisation 3D qui permet de prédire la structure de l'ARN. Parce que la structure d'une molécule d'ARN donne des informations sur sa fonction, sur le rôle qu'elle va jouer dans la cellule.

Voilà. C'est cela qui fait que les travaux de François Major viennent s'inscrire dans un secteur de recherche crucial. On parle d'identification et, bientôt peut-être, de programmation par séquençage, ce qui peut permettre, à l'aide de molécules d'ARN recodées, d'activer ou de désactiver, selon le cas, une protéine spécifique de la cellule visée. Les conséquences sont énormes. Il n'y a pas de hasard dans le fait que trois des derniers prix Nobel dans le secteur ont été attribués pour souligner des travaux de recherche sur l'activation ou la désactivation des gènes (gene silencing)...

Mais nous débordons du sujet. Toutes les conséquences concrètes auxquelles on peut penser, tous ces médicaments sur mesure auxquels on rêve maintenant en parlant de «médecine personnalisée»... tout cela relève d'un tout autre secteur de recherche et concerne plus directement les biotechnologies: ce n'est pas là que se situe le travail de François Major. Avec son équipe, il cherche à améliorer la capacité de prédiction de son système, à le rendre encore plus performant, plus efficace.

«Si le système a bien prédit la structure, il nous permettra d'être plus efficace et éventuellement d'agir plus efficacement. Comme l'ARN se situe en amont de tout le processus d'intervention, on peut agir beaucoup plus directement... et on se dirige, oui, vers une médecine de plus en plus pointue, de plus en plus personnalisée.»

Nous n'en sommes pas tout à fait là, mais vous aurez été prévenu...

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Le prix Urgel-Archambault a été créé en 1953 en l'honneur d'Urgel Archambault, directeur-fondateur de l'École polytechnique de Montréal. Il récompense une personne travaillant en sciences physiques, en mathématiques, informatique ou en génie. Il est parrainé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

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