Prix Ressources naturelles et Desjardins - Des étudiants convaincus convainquent!
Pour l'une, les Minutemen, pour l'autre, les canards et les castors, et un dernier qui surveille les bernaches en plein vol. Résultat: un prix de l'Acfas pour reconnaître l'importance de recherches originales.
Étudiante en science politique à l'UQAM et chercheure à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, Julie Dufort s'est intéressée de près aux relations frontalières entre le Mexique et les États-Unis. C'est dans le cadre de son mémoire fraîchement déposé que la chercheure, lauréate du prix Desjardins maîtrise, a étudié le phénomène des Minutemen.«Les Minutemen, c'est un mouvement de civils américains qui se font les gardiens de l'invasion des immigrants illégaux à la frontière sud des États-Unis. Ils tentent d'empêcher les immigrants en provenance du Mexique et de l'Amérique latine de traverser aux États-Unis en se postant à la frontière pour les dissuader», précise Mme Dufort.
Afin d'étudier la façon dont les Minutemen ont émergé, la chercheure a privilégié un niveau d'analyse individuel et développé le concept théorique des entrepreneurs sécuritaires. Selon elle, le succès et la réputation des Minutemen reposent sur les épaules de deux individus, Jim Gilchrist et Chris Simcox, présidents des deux principales organisations de patrouilles civiles frontalières.
«Je suis partie du fait que la rhétorique de ces deux hommes est vraiment importante, car elle a réussi à convaincre les médias et la sphère politique qu'il s'agit d'un vaste mouvement, malgré le fait que, lorsqu'on s'intéresse de près aux organisations, on s'aperçoit que Jim Gilchrist et Chris Simcox ne sont entourés que de quelques personnes et que le reste, c'est une coquille vide. Ils réussissent à faire parler d'eux dans les médias et au Congrès même s'ils ne sont pas du tout aussi importants que ce qu'ils en disent, et ça, c'est très intéressant», explique la chercheure.
Si plusieurs journalistes ont accordé beaucoup d'attention au phénomène depuis 2005, peu de travaux de recherche universitaires ont été consacrés au sujet. Par ses travaux, la chercheure a réussi à poser un regard neuf sur le phénomène, ce qui a éveillé l'intérêt de l'Acfas.
Heureuse d'avoir remporté le prix Desjardins maîtrise, Julie Dufort affirme que cette récompense l'encourage à poursuivre sur la même voie: «C'est une belle reconnaissance du milieu de la recherche francophone. Ça me motive à poursuivre au doctorat et ça confirme que mes recherches ont une portée intéressante!»
Prix Acfas - Ressources naturelles
Depuis son jeune âge, Christian Roy se passionne pour la nature. Son père étant féru de chasse et de pêche, c'est en partie grâce à lui que le scientifique a développé un intérêt pour la faune et la flore. Aujourd'hui, l'homme poursuit ses études doctorales en biologie à l'Université Laval et, dans le cadre de ses travaux de recherche, il s'intéresse de près aux castors et aux canards arboricoles, particulièrement à leur habitat dans la forêt boréale de l'Amérique du Nord.
Pour mener à bien son projet de doctorat, le lauréat du prix Ressources naturelles a décidé de travailler avec l'inventaire aérien du Waterfowl Breeding Pairs and Habitat Survey (WBPHS), effectué depuis les années 60 à l'échelle du continent. Parce qu'elles sont cumulées depuis longtemps et qu'elles couvrent un vaste territoire, les données du WBPHS permettront à M. Roy de répondre à certaines questions auxquelles il aurait difficilement pu apporter de réponses s'il avait choisi de fonctionner avec des données qu'il aurait lui-même récoltées sur le terrain.
«Je suis content de travailler avec le WBPHS, mais il y a quand même un prix à payer lorsqu'on veut utiliser des bases de données de ce genre: il faut avoir un ordinateur puissant et des outils statistiques complexes. Certains pourraient être découragés par cet aspect, mais, dans mon cas, ç'a été tout le contraire. L'idée de travailler avec ces outils m'a grandement motivé», indique le chercheur
Le projet de M. Roy poursuit deux objectifs principaux: identifier les facteurs écologiques qui influencent la présence des canards arboricoles dans la forêt boréale et expliquer l'évolution de ces populations au cours des 40 dernières années. Étant l'un des premiers projets au pays qui tentent de modéliser la distribution spatiotemporelle des différentes espèces à l'échelle du continent, il pourrait avoir d'intéressantes retombées.
«D'abord, avoir une bonne description de la sélection d'habitats va nous permettre de cibler les zones les plus importantes pour ces espèces et donc de les inclure dans les efforts de conservation», explique le chercheur.
«Dans un deuxième temps, poursuit M. Roy, la base de données que j'utilise va me permettre de tester certaines idées théoriques et de vérifier quels sont les facteurs écologiques pouvant influencer les populations de canards. Ces analyses pourraient être réutilisées plus tard pour d'autres espèces de canards, ou, ultimement, pour prévoir l'impact des changements climatiques sur les espèces que j'étudie.»
Prix Acfas - Desjardins doctorat
Chercheur en biologie à l'Université d'Ottawa, Éric Vaillancourt a su piquer la curiosité de l'Acfas grâce à un projet de recherche quelque peu inusité. Afin d'étudier le métabolisme énergétique des oiseaux migrateurs voyageant sur de longues distances, le scientifique se propose d'observer des bernaches du Canada en plein vol à bord d'un paramoteur.
Inspiré de deux articles scientifiques portant sur des expériences réalisées avec des oiseaux et des véhicules motorisés, le lauréat du prix Desjardins doctorat 2010 a choisi de travailler avec des bernaches fécondées et un paramoteur parce que cette façon de faire lui confère beaucoup de latitude.
Selon le scientifique, la portée de ses travaux de recherche est multiple. Ayant pour objectif de déterminer à quel taux les oiseaux migrateurs mobilisent leur graisse dans le sang, le projet de M. Vaillancourt pourrait élucider comment certains oiseaux peuvent passer d'un état prémigratoire obèse à un phénotype postmigratoire d'apparence mince et, ultimement, engendrer de nouvelles tangentes de recherche sur l'obésité humaine.
Si, depuis le début, Éric Vaillancourt croit à la réussite de son projet, certains mem-bres de la communauté scientifique se sont montrés particulièrement perplexes devant ses travaux. Selon le chercheur, le prix que vient de lui remettre l'Acfas devrait se révéler être un important outil de persuasion pour convaincre ces quelques sceptiques de l'utilité de ses travaux de recherche.
«Pour moi, c'est un soutien moral extraordinaire, c'est une belle tape sur l'épaule de la part des membres du jury qui se sont intéressés à mon projet. Mais c'est surtout un merveilleux outil pour que les gens qui se sont montrés réfractaires à mes travaux de recherche comprennent la contribution que j'essaie d'apporter à la science et me donnent enfin un petit peu d'appui», confie M. Vaillancourt.
La bourse de 5000 dollars accompagnant le prix Desjardins doctorat apportera aussi une aide non négligeable au chercheur. Estimant ses dépenses à près de 18 000 dollars pour l'achat de son paramoteur et l'acquisition de la formation de pilotage nécessaire à l'utilisation sûre de celui-ci, M. Vaillancourt s'avoue très heureux de bénéficier d'un soutien financier supplémentaire.
En guise de reconnaissance, le chercheur entrevoit la possibilité d'apposer le logo de l'Acfas sur sa voile de paramoteur. «J'ai toujours pensé que ce projet pourrait attirer l'attention, affirme M. Vaillancourt. Je pense que ce serait un beau clin d'oeil à l'Acfas, une petite publicité sympathique. Ce serait pour moi une façon de leur dire merci.»
***
Collaboratrice du Devoir
***
Le prix Ressources naturelles est destiné à une étudiante ou un étudiant qui a commencé son doctorat dans le domaine des ressources naturelles (énergie, mines, minéraux, métaux, foresterie, sciences de la terre) à l'automne 2008 ou après. Il souligne les résultats des études de deuxième cycle et la qualité du projet de doctorat et est parrainé par Ressources naturelles Canada.
Les deux prix Desjardins sont destinés à des étudiantes ou des étudiants qui ont commencé leur maîtrise ou leur doctorat à l'automne 2008 ou après. Ils ont pour but de souligner l'excellence du parcours universitaire des lauréats et de les encourager à poursuivre leur carrière en recherche. Ils sont parrainés par la Fondation Desjardins.