Côte-Nord - Des travaux suspendus pour un fossile d'un milliard d'années

La Fondation Rivières a demandé hier par télégramme à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, d'interrompre les travaux de construction d'une petite centrale de 8,8 MW sur la Côte-Nord en raison de la découverte dans des débris de dynamitage d'un fossile qui pourrait être d'une exceptionnelle valeur.

La loi protégeant les biens patrimoniaux permet à la ministre de protéger tous les types de sites de haute valeur potentielle afin de donner le temps aux experts d'établir s'il est opportun de leur assurer une protection permanente.

C'est à quelque cinq kilomètres au nord de la municipalité de Francolin, sur la Côte-Nord, que des ouvriers de la Société d'énergie rivière Franquelin — Axor et la municipalité — ont découvert un fossile de plus d'un mètre de long dans des roches dont l'âge remonte généralement à plus d'un milliard d'années.

La découverte a surpris plusieurs scientifiques, car à cette époque lointaine, la planète n'avait comme faune que de tout petits animaux de quelques centimètres. Le plus long connu était un ver de 40 cm de long et c'était, pour l'époque, le plus redoutable des prédateurs connus...

«Qu'un animal aussi gros se retrouve dans des roches qui dateraient d'un milliard d'années, expliquait hier au Devoir Jacques Gélineau, porte-parole local de la Fondation Rivières, pourrait remettre en question plusieurs des certitudes que nous avons sur l'origine de la vie sur Terre. Et la question qui se pose ensuite est tout aussi importante: sommes-nous en face d'un site fossilifère d'une importance majeure? Y a-t-il d'autres fossiles aussi rares qu'on pourrait détruire par les dynamitages en cours? Il serait normal d'en évaluer la valeur avant de tout dynamiter pour une petite centrale, fût-elle autorisée par Québec, car rien jusqu'ici ne permettait d'entrevoir que ces travaux de construction pourraient avoir un impact sur un site patrimonial d'une grande importance potentielle.»

À Miguasha, en Gaspésie, la découverte d'un site fossilifère majeur a donné lieu à la création d'un parc national aujourd'hui classé comme «site naturel du patrimoine mondial».

«Les retombées permanentes et à long terme, ici à Franquelin, d'un pareil trésor patrimonial seraient beaucoup plus importantes que celles d'une minicentrale hydroélectrique», estime Jacques Gélineau, d'autant plus que la commission du BAPE chargée d'évaluer le projet n'a jamais pu valider la rentabilité de ce projet, les chiffres n'étant pas disponibles, contrairement aux autres dossiers examinés par cet organisme.

Intérêt international

Le surprenant fossile a été montré à la télévision locale la semaine dernière dans le cadre d'un reportage de la station CFER de TVA, note le porte-parole de la fondation dans sa demande de classement temporaire adressée hier à la ministre St-Pierre. Effectivement, les images captées dans ce reportage sont impressionnantes par la netteté du profil de l'animal, désormais figé dans la pierre.

Dans sa lettre à la ministre St-Pierre, Jacques Gélineau insiste sur le fait qu'un arrêt des travaux est d'autant plus impératif que le site pourrait se révéler d'un «intérêt international» s'il jetait un éclairage nouveau sur l'origine de la vie sur Terre. Le comité scientifique qui serait chargé d'en faire l'évaluation, souligne-t-il, devrait aussi «identifier les options» que Québec devrait retenir par la suite.

Le projet de minicentrale sur la rivière Franquelin a été recommandé, mais sous condition par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Par contre, plusieurs recommandations centrales des commissaires n'ont pas été respectées par le décret et le certificat d'autorisation gouvernementaux.

Ainsi, le débit réservé d'eau dans le tronçon asséché à la longue entre l'ancienne chute et la future centrale, sur 1,5 km, sera de 0,90 m/s, alors que le BAPE recommandait un débit conforme aux critères habituels, soit 1,5 m/s. Les biologistes du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) qui ont rédigé ce rapport d'analyse justificative, donnent raison au promoteur qui soutient que s'il devait relâcher en tout temps 1,5 m/s, la rentabilité du projet serait compromise. Ils lui font donc confiance pour mettre en place diverses mesures de compensation, mais sans exiger le démantèlement de l'ouvrage si les suivis devaient donner lieu à des pertes de productivité, une exigence standard aux États-Unis mais pas au Québec, où on considère comme normal que cela puisse se produire.

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