Virgin dévoile le SpaceShipTwo

Le milliardaire britannique Richard Branson présente au public la navette SpaceShipTwo.
Photo: Agence Reuters Phil McCarten Le milliardaire britannique Richard Branson présente au public la navette SpaceShipTwo.

Lundi dernier, le milliardaire britannique Richard Branson, dirigeant du groupe Virgin, présentait au public la concrétisation de ses rêves: une petite navette spatiale commerciale, dénommée SpaceShipTwo, qui permettra d'envoyer dans l'espace des touristes qui auront déboursé 200 000 $ pour cette aventure d'à peine 2h30.

«En terme de voyage, l'expérience que vivront ces fortunés touristes se comparera aux tout premiers vols habités dans l'espace réalisés au début des années 1960 par les Russes avec le programme Voskhod [avec Gagarine] et par les Américains avec le programme Mercury [avec Alan Shepard notamment]», fait remarquer le professeur d'astronomie de l'Université de Montréal, Robert Lamontagne, avant d'ajouter que «bien sûr, les apprentis astronautes monteront, cette fois, à bord d'un véhicule technologiquement beaucoup plus perfectionné».

Les vols suborbitaux que proposera l'entreprise Virgin Galactic, avec sa navette SpaceShipTwo (SS2) et son avion mère WhiteKnightTwo (WK2, également surnommé Virgin MotherShip Eve en l'honneur de la mère de Richard Branson), mèneront les voyageurs à une altitude d'environ 100 km qui représente la frontière entre l'atmosphère terrestre et l'espace. «À cette altitude, il subsiste quelques molécules d'air de l'atmosphère terrestre qui génèrent un peu de friction. C'est la raison pour laquelle les engins spatiaux que l'on désire mettre en orbite autour de la Terre sont posés un peu au-dessus de cette altitude, de 100 à 120 km», explique M. Lamontagne qui rappelle que la navette spatiale de la NASA atteint, pour sa part, une altitude de 400 km pour rejoindre la Station spatiale internationale, et que le télescope Hubble se situe, quant à lui, à environ 600 km d'altitude.

Pour ce spécialiste de l'exploration spatiale, SS2 est en quelque sorte une version réduite de la navette spatiale, à l'exception du fait que celle-ci, comme la plupart des autres engins spatiaux, décolle verticalement du sol grâce à des fusées d'appoint, tandis que la SS2 sera lancée horizontalement d'un avion, le WK2, au moment où ce dernier aura atteint 18 000 mètres d'altitude. En d'autres termes, la SS2 sera d'abord arrimée à son véhicule de lancement (WK2), formant ainsi une sorte d'assemblage siamois d'avions à réaction. Les six astronautes et les deux pilotes seront assis dans l'unité centrale SS2, qui sera suspendue à l'aile centrale du WK2, qui est formé de deux fuselages joints ensemble par une longue aile. Le WK2 élèvera le tout à environ 18 000 mètres d'altitude. À partir de là, la SS2 se détachera du WK2 et allumera ses propres moteurs, qui la propulseront vers l'espace à plus de 3000 km/h en 10 secondes.

Selon les concepteurs de la SS2 et du WK2, le fait d'effectuer le lancement de leur navette au-dessus des couches les plus denses de l'atmosphère est beaucoup plus sécuritaire et efficace, en termes de consommation d'énergie, qu'un lancement depuis le sol. On évite ainsi l'énorme friction générée lors du passage de la navette à grande vitesse à travers les couches plus denses de l'atmosphère. Il n'y a plus besoin d'un fuselage plus robuste et par conséquent plus lourd qui nécessiterait davantage de carburant pour le transporter, lequel ajouterait aussi un poids supplémentaire à la navette.


Moins de carburant

Le vaisseau SS2 est identique au SpaceShipOne qui avait remporté le Ansari X-Prize en 2004, sauf pour sa taille qui est double. Ses dimensions (d'une longueur de 18 mètres et d'une largeur d'un peu plus de deux mètres) se comparent aisément à celles d'un jet d'affaires Falcon 900. Le SS2 et le véhicule de lancement WK2 sont constitués de composite de fibres de carbone, un matériau quatre fois plus fort que l'acier, qui ne se détériore pas à l'usage comme l'acier, et dont le poids vaut le quart de celui de l'acier, ce qui nécessite beaucoup moins de carburant pour les propulser.

Le SS2 sera propulsé par un moteur à réaction hybride, composé d'un carburant solide à base de caoutchouc et d'un oxydant liquide, sous forme d'oxyde d'azote. La rencontre entre le carburant et l'oxydant sera commandée par une valve, qui permettra de mettre en marche ou d'éteindre le moteur en tout temps. Ce type de système hybride offre plus de sécurité, ainsi que des avantages environnementaux par rapport aux systèmes liquide et solide qui sont plus couramment utilisés dans les véhicules spatiaux habités.

La façon dont SS2 réintègre les couches plus denses de l'atmosphère en provenance du vide de l'espace est aussi unique en son genre et constitue l'une de ses caractéristiques les plus importantes, sachant qu'il s'agit probablement du moment le plus critique de tout vol spatial. L'ingénieur Burt Rutan, de Scaled Composites, qui a conçu et construit les engins spatiaux pour Virgin Galactic, s'est inspiré du petit volant de badminton pour concevoir un système «d'empenne» respectant les principes de l'aérodynamisme et les lois de la physique et qui permettra de contrôler la vitesse et l'altitude du SS2 lors de sa rentrée dans l'atmosphère. Avant d'entamer le retour dans l'atmosphère, on fera pivoter la queue et les ailes du vaisseau spatial afin qu'ils reproduisent une configuration d'empenne, ou de moineau de badminton, qui ralentira la chute de l'engin, lui donnera une plus grande stabilité et permettra de contrôler l'altitude. À une altitude de 21 km, les ailes et la queue reprendront leur position originale, et la navette deviendra alors un simple planeur qui glissera doucement jusqu'à la piste d'atterrissage. Un tel système, combiné au fait que le vaisseau est fait de matériaux très légers, prévient toute surchauffe, qui autrement aurait nécessité des tuiles de protection.

Une fois parvenus à la frontière de l'espace, les passagers pourront se lever de leur siège et observer la Terre à travers de grands hublots spécialement conçus pour profiter du spectacle. Pendant quelques minutes, ils flotteront en apesanteur comme de vrais astronautes. Le simple fait qu'on coupera les moteurs de la navette lorsqu'elle aura atteint l'espace permettra aux passagers de faire l'expérience de l'apesanteur pendant les quelques minutes où l'engin se mettra à descendre en chute libre, selon une trajectoire purement balistique, et soumise uniquement aux forces de gravitation, explique M. Lamontagne.

Le principal défi que devait relever Virgin Galactic était probablement celui de réduire au maximum les coûts d'une telle opération qui, jusqu'à ce jour, sont demeurés exorbitants, souligne Robert Lamontagne, tout en précisant que chaque vol de la navette spatiale de la NASA coûte près de 500 millions de dollars. Il sera également essentiel, dit-il, que les équipements soient suffisamment résistants pour permettre d'effectuer des vols à une fréquence plus élevée que ne le permet la navette spatiale de la NASA qui, la plupart du temps, est retenue au sol pour des vérifications, des réparations et son entretien. Sinon, il en coûtera encore longtemps 35 millions de dollars pour s'envoyer en l'air comme l'a fait Guy Laliberté. Néanmoins, ces balbutiements de la commercialisation de l'espace s'annoncent plutôt bien.

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