Climatologie - La faute au soleil

Que nous apprennent les changements climatiques du passé pour prévoir ceux de demain? La question est lancée à un groupe d'océanographes, de biologistes et de géographes à l'occasion du 71e Congrès de l'Acfas. Au banc des accusés, le cycle solaire qui règle les grandes tendances climatiques à l'échelle du post-glacière, affirme le professeur Bernard Hétu.

En deux jours, les 20 et 21 mai prochains, toutes les échelles du temps et de l'espace seront analysées dans leurs moindres détails depuis 15 000 ans au Canada. En point de mire des chercheurs: les changements climatiques et leurs impacts sur l'environnement à court, moyen et long termes. Car on ne peut parler des changements climatiques actuels sans tenir compte de ces trois cycles, insiste le géomorphologue Bernard Hétu, responsable du colloque intitulé «Les changements climatiques au Canada: plusieurs histoires à suivre...». Et ce n'est pas tout. «Quand on travaille sur la période qui s'étend de la déglaciation à nos jours, on ne peut faire abstraction du grand cycle contrôlé par la géométrie orbitale», précise-t-il.

Selon cette géométrie complexe, trois paramètres doivent être pris en considération: l'inclinaison de l'orbite terrestre de 23 degrés, l'excentricité de l'ellipse qui s'étire et se contracte sur un cycle de 100 000 ans, et la précession des équinoxes.

Ainsi, il y a 11 000 ans, la terre était dans une configuration telle qu'elle recevait un maximum d'insolation par rapport à ce qu'elle reçoit aujourd'hui, ce qui a mis fin à l'ère de la glaciation.

La grande débâcle

La période de déglaciation qui a suivi s'est étendue sur plusieurs millénaires. Bernard Hétu explique qu'au Québec, la fin de l'époque glacière s'est produite 8000 ans avant nos jours. «On a franchi un seuil de température qui a fait décoller la calotte glacière, qui s'est mise à flotter dans la mer d'Hudson et à se désagréger en icebergs», rappelle-t-il. Cette fonte accélérée, qui porte le nom de débâcle glacière, est sans commune mesure avec ce que l'on observe aujourd'hui, note le chercheur. La toundra fait alors place à la forêt, le climat devient plus humide et la tourbe s'accumule. On constate aussi une remontée du niveau des lacs un peu partout dans le nord-est de l'Amérique du Nord.

À partir de 5000 ans avant nos jours, des indices de refroidissement climatiques — accélération de la tourbière, humidification du climat — portent à croire qu'on entre dans une période de néoglaciation. «C'est paradoxal puisqu'on dit que le climat se réchauffe présentement. Mais quand on regarde l'évolution climatique à long terme, il s'agit d'une période de refroidissement qui se prolonge jusqu'à nos jours», indique le scientifique.

La dernière des néoglaciations, qui se situe entre 1350 et 1850, annonce le XXe siècle. «Dans les années 1850 à 1870, la moyenne de la température annuelle est d'un degré sous la température actuelle.»

À qui la faute?

Depuis 1970, alors que cette période de refroidissement persiste, on remarque tout de même une hausse de température. Les chercheurs attribuent de plus en plus les changements climatiques au cycle solaire. Et que dire des gaz à effet de serre? «On incrimine les gaz à effet de serre, qui contribuent sûrement [au réchauffement de la planète], mais ce qu'on ne dit pas assez, c'est que ces gaz accentuent une tendance au réchauffement qui existe de toute manière en raison du cycle solaire.»

Ce réchauffement devrait se poursuivre jusqu'aux années 2050 à raison d'un ou deux degrés. Cette variation en apparence minime laisse toutefois présager les pires catastrophes. «On peut franchir des seuils et changer complètement de régime climatique avec un ou deux degrés seulement. Par exemple, si la température de l'océan augmente, l'évaporation et les contrastes de température entre l'équateur et les pôles augmentent aussi. On génère alors des conditions propices au développement de tornades et de températures tropicales. La réponse de l'environnement peut être drastique», énonce M. Hétu.

Où en sommes-nous donc? Vivons-nous une période de réchauffement ou de refroidissement? En fait, sur un cycle court, la tendance serait au réchauffement, tandis que sur un cycle long, elle serait au refroidissement. Lorsque le cycle solaire actuel prendra fin, on prédit à nouveau une période d'insolation moindre. «Sur des milliers d'années, il faut considérer les cycles reliés aux paramètres orbitaux. Et selon ces cycles, nous avons déjà franchi la partie la plus chaude de notre période interglaciaire et nous allons vers une prochaine glaciation.»

«La grande question se pose: lequel de ces deux cycles va en imposer à l'autre? Le réchauffement relié aux gaz à effet de serre est-il suffisamment intense pour annihiler l'effet du cycle long qui nous conduit vers un refroidissement?» Incapable d'y répondre, Bernard Hétu renvoie la balle au conférencier vedette Jean-Claude Duplessy qui abordera sans doute cette problématique en début de colloque. «C'est évident que les compagnies pétrolières seraient très heureuses d'entendre ce contre-discours, à l'effet que le réchauffement actuel serait peut-être lié à un cycle solaire. Reste à savoir maintenant dans quelle proportion les gaz expliqueraient le réchauffement.»

D'ici les 30 prochaines années...

La reconstitution de la fréquence des phénomènes sur plusieurs siècles permet au scientifique de constater une augmentation de la fréquence d'événements extrêmes depuis 4000 ans. Alors que nous réservent les prochaines décennies? Un problème d'eau majeur à la source des guerres du XXIe siècle, répond Bernard Hétu. «Des régions [entrent dans un processus] de désertification accélérée, tandis que d'autres, au contraire, vont connaître la surabondance excessive pendant une très courte période. Pensons aux pluies du Saguenay.»

Il indique que, dans le nord du Québec, la sécurité publique est sur les dents devant la fonte rapide du pergélisol, qui risque de causer l'affaissement des routes construites sur ce sol minéral gelé en permanence à une dizaine de mètres de profondeur dans les villages nordiques. Depuis une trentaine d'années, poursuit-il, l'érosion des côtes s'est considérablement accrue, notamment sur la Côte-Nord. À ce sujet, le directeur du groupe Ouranos, Réal Decoste, viendra dresser le bilan des effets du changement climatique pour la société québécoise. Ça vaut le détour.

Les changements climatiques au Canada: plusieurs histoires à suivre, les 20 et 21 mai à l'Institut maritime du Québec, salle A614.

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