Science - Une matière grise épaisse est signe d'intelligence

Photo: Agence Reuters

Une étude anatomique du cerveau de quelques centaines de jeunes a révélé que plus le cortex des zones cérébrales dédiées à l'intégration des informations auditives et visuelles ou à la planification est épais, plus le niveau d'intelligence de l'individu est élevé.

Un cortex cérébral plus épais serait signe d'intelligence, selon une vaste étude menée par les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis et l'Institut neurologique de Montréal sur des jeunes de moins de 18 ans. Une matière grise plus abondante ne signifierait pas pour autant que l'intelligence est innée, prévient toutefois l'investigateur principal.

Il s'agit de la première étude du genre ayant été effectuée sur un échantillon substantiel de 216 sujets âgés de 6 à 18 ans et représentatif de la composition de la population états-unienne en matière d'origine ethnique, de milieu socioéconomique, de sexe pour chaque tranche d'âge.

Dans le cadre de l'étude, les chercheurs des NIH ont photographié le cerveau des jeunes sujets par la technique de résonance magnétique et les ont soumis à diverses épreuves neuropsychologiques, dont le test développé par l'Américain David Wechsler pour mesurer le quotient intellectuel (QI). Les images du cerveau ainsi que les mesures cognitives ont ensuite été envoyées à l'Institut neurologique de Montréal (INM) où elles ont été analysées.

«Le laboratoire du Dr Alan Evans de l'INM dispose des outils les plus perfectionnés qui soient pour estimer l'épaisseur du cortex [matière grise qui forme la couche superficielle des hémisphères cérébraux] à partir d'images du cerveau générées par résonance magnétique. Il fait appel à une centaine d'ordinateurs mis en parallèle qui permettent de déterminer l'épaisseur corticale automatiquement, et ce, beaucoup plus rapidement que si celle-ci était estimée manuellement», souligne le Dr Sherif Karama, premier auteur de l'article relatant cette découverte dans la revue scientifique Intelligence.

Les chercheurs ont ainsi relevé que l'épaisseur du cortex cérébral dans les zones dites «associatives» où convergent des informations en provenance de différentes régions du cerveau était significativement liée aux habiletés cognitives. «Pour un âge donné, plus le cortex était épais dans les zones associatives, plus le niveau d'intelligence était élevé, résume le chercheur. «Bien que toutes les zones d'association du cerveau soient apparues comme étant significatives, les deux zones où l'épaisseur était la plus marquée étaient, d'une part, une zone à l'intersection des lobes temporal, pariétal et occipital qui intègre des informations auditives, visuelles et plus abstraites, et, d'autre part, la zone latérale-préfrontale qui semble importante dans la planification.»

Affaire de connexions

Entre deux individus donnés, l'épaisseur corticale s'expliquerait principalement par un nombre différent de connexions entre les neurones. «Si on naît avec plus de neurones, il y a aussi des chances que notre cortex soit plus épais. Mais si en plus on a plus de connexions, il sera encore plus épais», explique le psychiatre Karama, tout en précisant par ailleurs que, de façon générale, le cortex cérébral ne s'épaissit que jusqu'à l'âge de quatre à six ans. Ensuite, il a tendance à s'amincir avec l'âge, et ce, même si jusqu'à l'âge de 18 ans les individus accroissent leur intelligence.

«En comprenant mieux comment fonctionne la cognition chez le sujet normal, nous serons plus en mesure d'élucider ce qui la module. Connaissant désormais les zones corticales où surviennent des changements d'épaisseur corticale, nous essaierons d'identifier les gènes qui modulent cette épaisseur. Il deviendra ainsi davantage possible de ralentir le déclin cognitif qui survient lors du vieillissement ainsi que chez les personnes atteintes d'une psychopathologie, comme la dépression», fait valoir le neuroscientifique.

«Notre étude ne nous permet pas d'affirmer que l'intelligence est innée, car dans une seconde étude qui sera publiée sous peu, nous avons montré que la pratique peut induire un épaississement cortical. Il n'y a absolument personne aujourd'hui qui vous dira que les gènes n'ont aucune influence. Je crois que l'intelligence est une combinaison d'inné et d'acquis. Les deux sont indissociables», souligne le Dr Karama, qui fait remarquer que, chez les jeunes, le QI à la fin de l'été est inférieur à ce qu'il était au début de l'été, au moment où les enfants sortent de l'école. «Il est donc possible que cette diminution intellectuelle soit associée à un changement d'épaisseur corticale, car avec la pratique on peut modifier l'épaisseur corticale», dit-il.

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