Jeux vidéo: progrès majeur pour le français
Dora l'exploratrice, Bob l'éponge, les joueurs de la ligue nationale de hockey, Spider-man et Wilbur Robinson vont devoir se faire à l'idée. Dans 18 mois, ils devront tous s'exprimer en français dans les jeux vidéo qui leur sont consacrés. Ainsi en a décidé le gouvernement qui a annoncé hier la signature d'une entente, qualifiée «d'historique», avec l'industrie du divertissement numérique pour la francisation des logiciels de divertissement au Québec.
«La francisation des jeux électroniques pose un problème depuis des années, a indiqué hier en conférence de presse la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre. Nous devions arriver à cette entente qui représente un geste significatif en faveur d'une plus grande offre de produits en français sur le marché québécois.»Dans les grandes lignes, le document paraphé par l'Office québécois de la langue française (OQLF) et l'Association canadienne du logiciel de divertissement (ACLD), stipule qu'à compter du 1er octobre prochain, les jeux vidéo vendus au Québec devront offrir une version française aux consommateurs si cette dernière est disponible ailleurs dans le monde. Le 1er avril 2009, tous les nouveaux produits introduits sur le marché devront répondre à cette exigence. En cas d'infraction, l'Office pourra alors entreprendre des démarches juridiques contre les éditeurs.
Par ailleurs, depuis juillet dernier, les emballages des jeux qui font leur apparition dans les magasins du Québec doivent être bilingue ou multilingue et offrir également des instructions en français. Ce qui n'est pas toujours le cas, comme l'a constaté Le Devoir lors d'une enquête menée en avril 2005.
«Cette entente s'inscrit dans le respect des dispositions de la Charte de la langue française», a souligné France Boucher présidente de l'OQLF pour justifier l'absence de mesures plus coercitives. Cette Charte précise que les produits culturels étrangers doivent être servis dans la langue de Nelligan quand des traductions en français existent déjà dans le monde. «Nous ne forçons pas la traduction, mais nous venons faire entrer sur le marché une règle d'équité en permettant aux consommateurs du Québec d'avoir accès aux mêmes produits, en français, que les consommateurs suisses, belges ou français.»
Actuellement, à peine 40 % des logiciels de divertissement vendus au Québec le sont dans la langue maternelle de la majorité des utilisateurs: le français. À titre comparatif, la France peut se vanter d'offrir à ses joueurs près de 80 % de ces jeux vidéo traduits. Ces versions ne traversaient toutefois pas l'océan jusqu'à maintenant en raison de normes vidéo — PAL et SECAM plutôt que NTSC — différentes. Développés également pour des claviers «azerty» plutôt que «qwerty», ces jeux auraient nécessité, selon les éditeurs, d'importants investissements afin d'être adaptés au contexte technique nord-américain. Et ce, pour un bassin de consommateurs trop petit.
Après plusieurs mois de discussions, l'industrie du jeu a toutefois plié qualifiant même cette entente de «viable» qui permet «de répondre aux attentes du marché tout en étant réalisable d'un point de vue d'affaires», a indiqué Danielle Parr, directrice de l'ACLD. Cela devrait par contre avoir des «coûts significatifs», selon elle, pour les éditeurs de jeux vidéo. Coûts qui ne devraient pas être répercutés sur la facture du consommateur: Les produits équivalents en français et en anglais doivent être vendus au même prix au Québec, selon la Charte.
En 2005-2006, l'OQLF a enregistré 262 plaintes concernants les logiciels et les ludiciels vendus au Québec. Pour France Boucher, «quand toute une industrie se met au diapason du français, on peut alors parler d'un progrès majeur», a-t-elle indiqué. Elle espère aussi que, ce faisant, l'entente signée «ouvre à l'avenir la voie à la négociation d'ententes similaires avec les représentants d'autres secteurs.»