Des souris et des sentiments

Comme les humains, les souris sont capables d'empathie. À la vue de congénères qui éprouvent de la douleur, elles en viennent à ressentir elles aussi une vive douleur. Les chercheurs de l'université McGill qui ont fait cette étonnante observation espèrent désormais comprendre les mécanismes biologiques de l'empathie.

Jusqu'à tout récemment, l'équipe de Jeffrey Mogil, du Laboratoire de génétique de la douleur à l'université McGill, concentrait ses efforts à chercher des gènes intervenant dans le contrôle de la douleur. Mais comme il devenait de plus en plus évident que la variabilité de la douleur éprouvée par divers individus n'était pas principalement d'origine génétique mais en grande partie imputable à des facteurs environnementaux, les chercheurs de McGill ont commencé à s'intéresser aux comportements sociaux et à leur influence sur la sensibilité à la douleur.

Le professeur Mogil et ses collègues ont donc mesuré la douleur qu'éprouvaient des souris, qui se connaissaient bien pour avoir cohabité ensemble, dans deux contextes distincts: alors qu'elles se trouvaient séparées l'une de l'autre, puis alors qu'elles étaient réunies dans une même cage. Les scientifiques ont remarqué que lorsque deux souris étaient en présence l'une de l'autre et voyaient la douleur que ressentait l'autre, elles étaient plus sensibles à la douleur et se comportaient comme si elles éprouvaient une douleur plus vive que lorsqu'elles étaient isolées l'une de l'autre et ignoraient ainsi ce que vivait leur copine. «Ceci est clairement de l'empathie, affirme Jeffrey Mogil. Il ne s'agit pas de sympathie ou d'altruisme mais de la faculté de devenir comme l'autre [de ressentir ce que l'autre ressent, selon Le Petit Robert].»

Le comportement empathique que les chercheurs ont observé chez la souris est la forme d'empathie la plus élémentaire, appelée la contagion affective, précise le professeur du département de psychologie de McGill, dont les résultats sont publiés aujourd'hui dans l'édition en ligne de la revue Science. L'exemple le plus connu de cette forme d'empathie chez l'humain est la fatigue contagieuse. «Si vous voyez quelqu'un bâiller et s'ennuyer, vous vous sentirez à votre tour fatigué même si vous ne l'êtes pas», explique-t-il.

M. Mogil croit que la souris pourra désormais servir de modèle animal pour étudier et comprendre le mécanisme biologique par lequel les facteurs sociaux arrivent à moduler la douleur. Le petit animal permettra d'élucider le fonctionnement de l'empathie et de découvrir les gènes et les messagers chimiques qui y sont associés.

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