Le basilic qui rend malade

Un parasite tropical quasi inconnu des pays nordiques, le Cyclospora, a réussi à faire son chemin jusqu'au Québec, ont constaté non sans surprise les autorités de la santé publique de la Montérégie. Là-bas, pas moins de 250 personnes auraient été infectées par le minuscule protozoaire responsable de la cyclosporiase, une affection qui figure sur la liste canadienne des maladies à déclaration obligatoire.

Rarissime au Canada, la cyclosporiase est généralement diagnostiquée chez des voyageurs au retour d'un séjour passé dans un pays tropical. Mais une éclosion de l'ampleur de celle que connaît la Montérégie fait mentir les statistiques habituelles de Santé Canada. À titre indicatif, on compte en moyenne 80 cas isolés par année depuis 2000 au Canada.

On est loin, très loin de l'éclosion montérégienne qui pourrait toucher jusqu'à 250 personnes selon les calculs de la Direction de la santé publique (DSP) de la Montérégie, qui a mené son enquête de pair avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ). C'est que cette fois, le parasite s'est trouvé un nid ici, rendant sa propagation beaucoup plus aisée.

Les 29 et 30 juin dernier, des enseignants sont venus célébrer la fin des classes au Manoir Rouville-Campbell, à Mont-Saint-Hilaire. Tous se sont vus servir le même menu. Un peu plus d'une semaine plus tard, la maladie se déclarait. «Sur 53 personnes ayant fait l'objet d'une enquête, 50 avaient une diarrhée très liquide et très abondante, de la fièvre, des crampes, des ballottements et des nausées attribuées au Cyclospora», raconte la Dre Jocelyne Sauvé, directrice de la DSP de la Montérégie.

Le responsable serait un lot de basilic frais importé de l'étranger et contaminé par le fameux protozoaire, indique le MAPAQ qui, en menant son enquête, a remonté jusqu'à l'entrée froide accommodée de basilic qui a été servie à cette occasion. Une simple malchance contre laquelle le manoir ne pouvait strictement rien, estime le ministère.

Le tout premier signal d'alarme a été tiré par une enseignante, Julie Borduas, qui s'est inquiétée de voir que son groupe composé d'une vingtaine de personnes était sous l'emprise d'une gastro-entérite hors du commun, un peu plus d'une semaine après avoir fêté ensemble au Manoir Rouville-Campbell.

Encore sous le choc, l'enseignante qui a perdu dix livres en une semaine, s'étonne aujourd'hui de voir que l'événement soit resté dans l'ombre en dépit de la menace que présente le parasite. «L'incubation est longue, il est donc difficile de faire le lien entre le malaise et un aliment. Ça m'inquiète de savoir que des gens peuvent avoir été infectés et ignorer que c'est un parasite qui est derrière leur mal.»

À la DSP de la Montérégie, on estime toutefois que le risque est mince qu'un mauvais diagnostic soit posé. Selon sa directrice, toutes les personnes susceptibles d'avoir été contaminées ont été rejointes par lettre. Quant à d'éventuelles éclosions ailleurs au Québec, les DSP de toutes les régions ont été mises sur un pied d'alerte et sauront rapidement prendre les choses en main, assure la Dr Sauvé.

L'enquête du MAPAQ devrait également permettre d'en savoir un peu plus dans les prochains jours sur cet épisode malheureux. Mais les recherches promettent d'être difficiles car il est aujourd'hui impossible de mettre la main sur les lots incriminés, admet la coordonnatrice provinciale aux toxi-infections alimentaires, Danielle Ramezay.

Difficile donc de savoir si le basilic a été apprêté ailleurs au Québec. Pour le moment du moins, prévient Mme Ramezay. «On travaille à déterminer la provenance du basilic; on sait que ce n'est pas un produit du Québec ou du Canada. En fait, on hésite entre deux pays, que je préfère ne pas nommer tant que l'enquête n'est pas terminée.»

Quand le lot sera déterminé, le MAPAQ émettra un avis à la grandeur de la province et en avisera l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour qu'elle prenne les mesures nécessaires. En attendant un éventuel retrait, tous les établissements de santé ont été invités à ouvrir l'oeil et à ne pas hésiter à faire faire des analyses supplémentaires si des symptômes se déclaraient chez l'un de leur patient.

Selon les experts, il faut se méfier des petits fruits et des fines herbes qui sont les hôtes préférés du Cyclospora, un parasite tenace qui, s'il n'est pas traité, peut miner la santé de celui qui en est infecté pendant quelques jours à un mois, parfois même au-delà. Fait à noter, le parasite ne se transmet pas d'humain à humain.

Un antibiotique permet généralement de se débarrasser efficacement du parasite, précise la Dre Sauvé non sans faire preuve de prudence dans ce dossier. «C'est une maladie relativement récente qu'on ne connaît pas très bien; on ne peut pas assurer que toutes les personnes traitées répondront aux antibiotiques», prévient-elle.

Maladie récente en Amérique du Nord, le premier cas humain de Cyclospora a été recensé en 1979, indique le CDC (Centers for Disease Control and Prevention). L'éclosion la plus importante remonte à 1997 alors que 21 grappes de cas d'infection à Cyclospora avaient été recensées dans huit États américains (Californie, Floride, Maryland, Nebraska, Nevada, New York, Rhode Island et Texas) et une province canadienne (Ontario). Cette fois-là, le Cyclospora a été retrouvé sur des framboises fraîches.

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