Faut-il porter un masque pendant les épisodes de smog?

Malgré l’efficacité documentée du masque N95 pour filtrer les particules fines émises par les feux de forêt à l’origine d’une diminution de la qualité de l’air dans plusieurs régions du Québec, le port de celui-ci par la population des secteurs concernés n’est pas recommandé par le directeur national de santé publique, Luc Boileau.

« Les niveaux [de polluants] auxquels on est exposés ne sont pas extrêmement élevés », relève Luc Boileau, en entrevue au Devoir mardi. Dans ce contexte, l’expert et son équipe ne jugent pas nécessaire de recommander aux Québécois des régions affectées par le smog de porter un masque N95, même si plusieurs études démontrent son efficacité.

Dans la nuit de lundi à mardi, la qualité de l’air s’est grandement dégradée dans la grande région de Montréal et dans l’Outaouais, entre autres, en raison des feux de forêt qui font rage depuis quelques jours dans le nord de la province. Dans la métropole, qui a été recouverte d’un épais nuage de smog mardi, l’indice de la qualité de l’air a atteint environ 80 en début d’après-midi, au centre-ville. Cet indice — jugé « mauvais » quand il dépasse 50 — est déterminé par une analyse de la concentration de cinq polluants présents dans l’atmosphère, comme le monoxyde de carbone et les particules fines.

Si cette concentration de polluants est considérablement au-dessus de la normale, elle demeure limitée, tempère Alexandre Barris, toxicologue à la Direction régionale de santé publique de Montréal. Dans ce contexte, le port du masque à l’extérieur « n’est vraiment pas une de nos recommandations actuellement », indique-t-il. Une position que partage Luc Boileau, qui précise que la concentration de polluants dans l’air devrait être beaucoup plus élevée pour que le port du masque N95 soit recommandé à l’extérieur par la Santé publique.

Des risques

Or, une exposition pendant plusieurs heures au smog peut avoir des effets négatifs sur la santé pouvant mener, dans certains cas, à des hospitalisations. « Les personnes qui arrivent le plus souvent à l’urgence en raison de la fumée, ce sont les travailleurs extérieurs », précise le Dr Stéphane Trépanier, directeur de la santé publique du CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue. Une étude universitaire menée en 2021 a d’ailleurs montré que les Canadiens sont plus à risque d’être victimes de décès prématurés reliés à une exposition à la pollution atmosphérique générée par les feux de forêt, qui augmenterait aussi le risque d’être la proie d’un cancer du poumon ou du cerveau, selon une autre étude.

Ainsi, « si pour des travaux plus essentiels il faut être à l’extérieur pour une période prolongée, c’est toujours possible d’utiliser un masque N95, mais ce n’est pas quelque chose qu’on recommande en général à la population de l’Abitibi-Témiscamingue », relève M. Trépanier. Par ailleurs, si l’efficacité du masque N95 pour filtrer les polluants émis par les feux de forêt a été démontrée par plusieurs études universitaires, les masques chirurgicaux et les couvre-visages en tissu ne sont, quant à eux, « vraiment pas efficaces », rappelle le Dr Luc Boileau.

Le pneumologue et professeur à l’Université d’Ottawa Shawn Aaron estime, pour sa part, que la Santé publique du Québec devrait recommander davantage le port du masque N95 aux personnes à risque qui se rendent à l’extérieur pendant des épisodes de smog. « Je pense que la Santé publique devrait prévenir les gens à risque, ceux qui ont des maladies, les enfants et les personnes âgées, de limiter leurs activités extérieures et que si elles sont à l’extérieur plus de 30 minutes, elles doivent porter un masque N95 », insiste-t-il.

De façon générale, « même les gens en bonne santé » devraient faire attention « de ne pas faire des activités de haute intensité à l’extérieur », rappelle pour sa part Éric Lavigne, qui est professeur auxiliaire à l’École d’épidémiologie et de santé publique de l’Université d’Ottawa. Lui aussi recommande d’autre part aux personnes travaillant plusieurs heures à l’extérieur de porter un masque, « de préférence le N95 ». « C’est vraiment le type de masque qui va nous protéger le mieux. »

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