Les allers-retours entre CHSLD et maisons des aînés inquiètent

La chercheuse estime qu’on devrait limiter le plus possible de déménager des personnes ayant des troubles cognitifs avancés ou, du moins, de s’assurer qu’elles peuvent rester à la maison des aînés une fois déménagées.
Francis Vachon Le Devoir La chercheuse estime qu’on devrait limiter le plus possible de déménager des personnes ayant des troubles cognitifs avancés ou, du moins, de s’assurer qu’elles peuvent rester à la maison des aînés une fois déménagées.

Les déménagements de pensionnaires des CHSLD vers les maisons des aînés doivent être abordés avec beaucoup de précaution, prévient une experte du domaine qui s’inquiète des effets sur les résidents et les proches aidants.

« Presque 100 % des gens qui vivent en CHSLD ont des troubles cognitifs », fait valoir Jessika Roy-Desruisseaux, gérontopsychiatre à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

Un déménagement donne lieu, dit-elle, « a une perte de repères » chez ces personnes. « C’est difficile de s’adapter, de comprendre pourquoi on est à un autre endroit, où on est. »

Elle a été alarmée par les révélations du Devoir sur le recours, dans plusieurs régions, aux maisons des aînés partiellement vides pour héberger les résidents de CHSLD en rénovation. Mme Roy-Desruisseaux, qui suit des patients en CHSLD dans le cadre de son travail en Estrie, n’était pas au fait de cette pratique.

Elle estime qu’on devrait limiter le plus possible les déménagements de personnes ayant des troubles cognitifs avancés ou, du moins, de s’assurer qu’elles peuvent rester en maison des aînés une fois déménagées — et qu’elles ne sont pas déplacées une fois de plus à la fin des travaux.

En entrevue au Devoir, les autorités de la santé des régions qui ont recours à cette pratique ont indiqué qu’il serait possible pour les personnes de rester, mais que ce ne serait pas automatique. Par contre, celles et ceux qui resteront en maison des aînés ne seront pas traités par le même personnel parce que les employés, eux, devront nécessairement retourner au CHSLD.

De la pression sur les proches aidants

Jessika Roy-Desruisseaux souligne à quel point ce type de déménagement peut-être lourd pour les proches aidants des résidents. Dans le cadre d’une recherche qu’elle mène à ce sujet, ces derniers ont raconté « à quel point c’était compliqué ». « Ils sont souvent avertis à la dernière minute », mentionne-t-elle.

« Ça veut dire que chacune des familles doit aller faire les bagages, avertir, orienter la personne », ajoute-t-elle, en soulignant que les proches aidants ne sont « pas toujours bien accompagnés » par le personnel. Et si le déménagement à la maison des aînés est temporaire, c’est dur pour eux, « parce que ça signifie deux déménagements ».

La directrice de l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale, Suzanne Girard, dit quant à elle ressentir un « malaise profond » face à ce « brassage de personnes aînées ».

Elle rappelle que pendant la pandémie, les personnes aînées ont « été ballottées à gauche et à droite ». « Là, ce n’est pas la même chose. Mais elles vont vivre des problèmes d’adaptation, des pertes cognitives certainement aussi. Le problème fondamental, c’est qu’on ne mise pas assez sur le maintien à domicile. »

À voir en vidéo