Réduire les méfaits des dépendances en collaboration avec les patients
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche
Elle a déjà remporté plus de 20 prix et distinctions et est considérée comme l’une des 100 femmes noires les plus prometteuses au Canada. La chercheuse et professeure de l’Université de Sherbrooke (UdeS) Magaly Brodeur se consacre à réduire les méfaits des dépendances comportementales, comme celles liées aux jeux de hasard et d’argent. Elle se démarque aussi par son parcours universitaire unique et son approche collaborative en recherche.
« On a créé Loto-Québec et, aujourd’hui, c’est l’État qui s’occupe des jeux de hasard et d’argent, observe Magaly Brodeur, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’UdeS et spécialiste des dépendances comportementales. Il y a beaucoup de joueurs qui ont des problèmes de jeux, c’est un problème de santé publique. Quelle est la responsabilité de l’État dans ce domaine-là ? Notre rôle, en tant que chercheurs, est de mieux comprendre le problème et de proposer des solutions pour réduire les méfaits. »
La jeune chercheuse observe que les patients ne savent pas toujours vers qui s’orienter, et que même les médecins de famille ont parfois du mal à bien connaître les ressources disponibles pour les personnes ayant une dépendance comportementale. À cet effet, elle planche sur l’élaboration d’un guide des pratiques à l’intention des médecins de la province, en collaboration avec la spécialiste en psychologie Andrée-Anne Légaré.
Environ 96 % des personnes ayant un trouble lié au jeu souffrent d’un trouble concomitant de santé mentale, comme un trouble anxieux ou une dépression, d’où l’importance d’une prise en charge médicale adéquate et concertée, continue Magaly Brodeur. « C’est une problématique très importante et émergente, dit-elle. Avec la pandémie, du jour au lendemain, on s’est retrouvés face à nos ordinateurs, à nos jeux vidéo. Je pense que la pandémie a permis de rendre la problématique plus visible. »
La chercheuse travaille d’ailleurs sur un projet de recherche qui explore les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les joueurs. Le projet s’intéresse particulièrement aux membres de la diversité sexuelle et de genre, plus à risque d’avoir été atteints au niveau de la santé mentale et de s’être tournés vers le jeu. En collaboration avec Loto-Québec et l’organisme Jeu : aide et référence, elle élabore aussi des outils de jeu responsable qui se basent sur l’économie comportementale.
Pour, par et avec les patients
« J’aime faire des projets qui sont collés aux besoins des gens sur le terrain, explique Magaly Brodeur. La recherche se fait pour, par et avec les patients. C’est ce qui permet, je crois, d’avoir le plus d’impacts et de faire des changements concrets. »
Lors de l’entrevue, Magaly Brodeur se trouvait à Paris. Elle y expose son travail collaboratif avec des patients-partenaires, des personnes ayant déjà vécu avec une dépendance comportementale et qui participent activement à des travaux de recherche, tant au niveau de l’élaboration des protocoles que de la collecte de données sur le terrain.
Si elle adore travailler dans le monde des idées, Magaly Brodeur le fait les deux pieds bien ancrés dans la réalité du terrain. En tant que clinicienne chercheuse, son emploi du temps se divise entre la recherche et le travail dans la clinique de l’Université Bishop’s.
Un parcours hors du commun
Magaly Brodeur a certainement une approche professionnelle et un parcours universitaire hors du commun. C’est lors d’un projet à la fin de son baccalauréat en économie et relations internationales qu’elle commence à s’intéresser aux sociétés d’État. Elle s’inscrit alors à la maîtrise en histoire politique et porte son regard sur la période de la prohibition, lorsque les jeux de hasard et d’argent étaient illégaux et contrôlés par le crime organisé au pays. Passionnée par le sujet, elle fait un premier doctorat de recherche sur les politiques de santé publique, avant de faire un second doctorat en médecine. Les dépendances comportementales, surtout celles associées au jeu, constituent son fil d’Ariane à travers ces diverses disciplines. Ce parcours multidisciplinaire lui permet à présent d’avoir des perspectives beaucoup plus larges dans ses travaux de recherche.
Brillant par son talent et sa contribution à l’avancée des connaissances, la jeune femme remporte, au fil des ans, plus d’une vingtaine de prix et de distinctions. En 2009, elle fait partie des 15 récipiendaires d’une bourse de 180 000 $ de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, l’une des bourses les plus prestigieuses au pays en sciences humaines et sociales. En 2022, elle est nommée parmi les 100 femmes noires les plus prometteuses au Canada, selon le Canada International Black Women Excellence.
« Quand on appartient à une minorité visible, parfois, notre parcours peut être plus difficile, dit la jeune chercheuse, touchée par cette dernière nomination. Parfois, on peut avoir peur et se demander ce qu’on fait. Pour innover, il faut oser, sortir des sentiers battus et croire en ses projets. »
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.