La pharmaceutique qui doit produire des vaccins à Montréal pourrait fermer boutique

L’usine de vaccins du gouvernement fédéral à Montréal risque de voir son occupant actuel la déserter. L’entreprise pharmaceutique américaine Novavax, dont le vaccin contre la COVID-19 doit être fabriqué dans ces installations flambant neuves, éprouve des difficultés financières majeures qui menacent sa survie. Elle assure toutefois que sa collaboration avec le Canada se poursuit.
En février 2021, Ottawa annonçait en grande pompe une entente avec Novavax, qu’il invitait à s’installer sur le site du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) de la rue Royalmount, à Montréal. Le gouvernement fédéral y finançait alors, à hauteur de 123 millions de dollars, la construction d’une nouvelle usine de vaccins.
Quatre mois plus tard, en juin 2021, la construction du Centre de production de produits biologiques de Montréal était achevée. Le vaccin de Novavax n’était toutefois pas encore autorisé par Santé Canada — il le serait en février 2022, quand la majorité de la population serait déjà vaccinée — et sa production nécessiterait encore de nombreuses approbations réglementaires avant de pouvoir débuter.
Ces processus se poursuivent jusqu’à aujourd’hui : aucune dose du vaccin de Novavax n’a encore été produite dans la métropole québécoise. En décembre dernier, l’entreprise basée au Maryland affirmait qu’elle fabriquerait de premiers lots à Montréal au début de l’année 2023.
Or, dans ses résultats financiers présentés mardi soir, Novavax a soulevé des « doutes sérieux » quant à sa capacité à rester en affaires pendant plus d’une année. Ses revenus pour l’année 2023 sont loin d’être assurés. La direction envisage de réduire ses dépenses, ce qui pourrait impliquer d’abolir des postes.
Peu populaire
Le laboratoire a révélé mardi que le gouvernement américain lui avait fait part de la fin anticipée de son contrat d’achat de vaccins dès le mois de décembre prochain. Au début de la pandémie, Washington avait promis d’acheter 100 millions de doses de ce vaccin, au prix total de 1,6 milliard $US. Pour l’instant, moins de 80 000 doses de Nuvaxovid ont été administrées aux États-Unis.
Le Nuvaxovid n’est pas plus populaire au Canada. À peine 30 000 doses ont été injectées au pays, sur les presque 100 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 administrés. Au Québec, moins de 5000 doses de Nuvaxovid ont trouvé preneur.
Christine Jodoin, la vice-présidente des Initiatives stratégiques au Conseil national de recherches du Canada, affirme maintenant que, malgré les embûches financières de Novavax, la collaboration avec ce partenaire se poursuit.
Elle précise aussi, dans une déclaration transmise au Devoir, que le CNRC continue « à explorer des options avec des collaborateurs potentiels pour produire des vaccins et d’autres produits biologiques sur la seconde ligne de production de l’installation » de Montréal.
Dans un courriel au Devoir, Novavax indique pour sa part : « Nous continuons à travailler avec le CNRC sur la production de notre vaccin contre la COVID-19, le Nuvaxovid, et la fabrication des lots de qualification de la performance du processus devrait commencer au début de l’année 2023. »
Selon les études cliniques — réalisées avant l’émergence du variant Omicron —, le vaccin contre la COVID-19 de Novavax est efficace à 90 % pour protéger les adultes contre les cas légers, moyens ou graves de la maladie.
Le Nuvaxovid est un vaccin un peu plus classique que ceux à ARN messager fabriqués par Pfizer ou Moderna. Pour le fabriquer, on utilise des cellules de papillon de nuit pour produire en grand nombre les « petits pics » à la surface du coronavirus. Ces spicules sont ensuite assemblés dans une molécule synthétique, qui est administrée au patient.
Medicago
Les sombres développements au sujet de Novavax surviennent un mois après ceux concernant Medicago. Début février, le propriétaire japonais de cette entreprise basée à Québec annonçait l’interruption définitive des activités de sa filiale. Medicago avait reçu plus de 250 millions de dollars en prêts et en subventions d’Ottawa et de Québec pour son vaccin contre la COVID-19.
L’entreprise biopharmaceutique fondée en 1997 n’a ainsi livré qu’une poignée de doses après l’approbation de son vaccin contre la COVID-19 au Canada, en février 2022. Ses déboires financiers s’expliquent notamment par le refus de l’Organisation mondiale de la santé de recommander ce vaccin fabriqué grâce à des feuilles de tabac parce que le cigarettier Philip Morris faisait partie de ses actionnaires.
La production future de vaccins au Canada repose donc maintenant en bonne partie sur Moderna, qui bâtit actuellement une usine de vaccins à ARN messager à Laval. Celle-ci, censée pouvoir produire 100 millions de doses par année, doit entrer en fonction l’an prochain. Polyvalente, elle pourra produire des vaccins ou des traitements pour d’autres maladies que la COVID-19.
La pharmaceutique française Sanofi bâtit pour sa part à Toronto une installation de fabrication de vaccins contre l’influenza. Le gouvernement fédéral soutient cette initiative avec une enveloppe allant jusqu’à 415 millions de dollars.
Avec l’Agence France-Presse