Ratés dans les centrales de rendez-vous des hôpitaux
Attendre de longues minutes (ou même des heures) au téléphone pour prendre rendez-vous avec un médecin spécialiste, devoir rappeler plus tard parce que les plages horaires sont réservées ou pas encore affichées, être incapable d’annuler une consultation… Les centrales de rendez-vous des hôpitaux québécois connaissent de nombreux ratés et les patients en font les frais, signale l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ).
Le regroupement mène une enquête auprès de ses membres pour savoir ce dont ils « ont besoin pour soigner leurs patients ». Environ 350 spécialistes en médecine interne sur les 700 qui pratiquent au Québec ont répondu au questionnaire jusqu’à présent. L’« immense majorité » a indiqué — dans une question ouverte, et non à choix de réponses — que le fonctionnement de la centrale de rendez-vous de leur hôpital devait être amélioré, rapporte le président de l’ASMIQ, le Dr Hoang Duong.
« Que les membres perçoivent tant de problèmes dans tant de centrales de rendez-vous, ça nous a surpris », dit le Dr Duong. Il précise que les participants à l’enquête, qui travaillent dans une vingtaine d’hôpitaux un peu partout au Québec, jugent cet enjeu prioritaire, tout comme le manque d’infirmières et de personnel. Rappelons qu’en plus de traiter des malades hospitalisés, les spécialistes en médecine interne voient des patients en clinique externe (mode ambulatoire).
Parmi les médecins sondés, beaucoup déplorent l’absence de rappel 24 heures ou 48 heures avant un rendez-vous, ce qui contribue aux fameux « no-shows », d’après le Dr Duong. « Si vous prenez rendez-vous chez votre dentiste, on fait un rappel. Vous faites une réservation au restaurant, on confirme la veille », affirme-t-il. Une telle procédure devrait être mise en place dans tous les hôpitaux, selon lui, pour éviter que des plages de temps ne soient perdues. Il dit d’ailleurs comprendre que des patients oublient leur consultation, surtout s’ils en ont plusieurs à gérer.
Le Dr Pierre McCabe, spécialiste en médecine interne à l’hôpital Anna-Laberge de Châteauguay, qualifie d’« archaïque » le système de prise de rendez-vous de centres hospitaliers comme le sien. « Ça peut prendre des heures pour avoir la ligne [téléphonique] parce qu’il manque de ressources [humaines] », dit-il.
Il comprend mal pourquoi de nouvelles technologies semblables à Clic Santé et Rendez-vous santé Québec (RVSQ) ne sont pas implantées dans les hôpitaux de la province. « Pourquoi on a ça en première ligne, pourquoi on a ça pour prendre un rendez-vous pour nos prises de sang, nos vaccins, et qu’on n’est pas capables de faire ça pour les systèmes hospitaliers ? » se demande-t-il.
Le CISSS de la Montérégie-Ouest reconnaît qu’« en raison du manque de personnel », sa centrale de rendez-vous fait face à « certains défis ». « Nous sommes bien conscients des désagréments causés et c’est pourquoi nous travaillons sur tous les fronts à rendre les postes plus attrayants et à favoriser le recrutement », écrit-on dans un courriel.
La pénurie de personnel pose aussi problème dans d’autres hôpitaux, selon les sources consultées.
Un nouveau système à Sacré-Coeur
Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal met en place depuis quelques mois un guichet unique de prise de rendez-vous avec les spécialistes. Les médecins envoient directement les demandes de consultations à la centrale, qui se charge d’offrir les rendez-vous aux patients en fonction de leur « priorité clinique ».
Selon la Dre Michelle Goulet, cheffe de service de médecine interne à l’hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal, son implantation est ardue. « De très nombreuses plages de rendez-vous sont demeurées inutilisées depuis novembre, et des médecins se tournent carrément les pouces en clinique. C’est inacceptable compte tenu des délais d’attente pour voir un médecin spécialiste », affirme-t-elle.
La Dre Goulet estime que le taux d’absentéisme des patients a presque doublé depuis l’arrivée du guichet. « Les patients nous disent régulièrement qu’ils n’ont pas eu d’appel ou qu’ils ont eu un message de dernière minute sur leur boîte vocale et qu’ils l’ont écouté trop tard », explique-t-elle. Elle déplore le manque de flexibilité de cette centrale, qui ne peut pas ajouter rapidement de rendez-vous lorsqu’un médecin se découvre de nouvelles disponibilités.
Selon l’ASMIQ, des internistes pratiquant ailleurs au Québec se plaignent aussi des délais pour ajouter des rendez-vous à leur agenda.
Interpellé au sujet de son nouveau guichet, le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal affirme que celui-ci assure « une meilleure gestion de l’offre et de la demande et permet d’avoir une vision globale ». L’établissement souligne qu’« une diminution de 25 % du nombre de rendez-vous hors délai a été enregistrée » en médecine interne depuis sa mise en place en novembre. Il invite les médecins à lui faire part de leurs « préoccupations ».
Un irritant pour les spécialistes, selon la FMSQ
Le dysfonctionnement des centrales de rendez-vous des hôpitaux irrite aussi les médecins d’autres spécialités, selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec.
« Nos systèmes sont désuets. On est vraiment à la préhistoire de la téléphonie », dit son vice-président, le Dr Serge Legault. Des centres hospitaliers se dotent toutefois de « systèmes téléphoniques un peu plus proactifs, où il y a des rappels téléphoniques par texto ou vocaux », précise-t-il.
Le Dr Duong espère que des changements seront apportés dans l’ensemble des centrales de rendez-vous des hôpitaux du Québec. « Le réseau verrait une amélioration de l’accès [aux services], pense-t-il. Les médecins pourraient voir plus de patients dans des délais qui soient plus judicieux, plus pertinents. Et l’expérience client, comme l’appelle le ministre Dubé, serait améliorée. »