Plus de la moitié des jeunes Québécoises vivent anxiété ou dépression

Parmi les constats alarmants, 52 % des filles au secondaire et 56 % des filles aux cycles supérieurs présentent des symptômes d’anxiété ou de dépression.
Getty Images Parmi les constats alarmants, 52 % des filles au secondaire et 56 % des filles aux cycles supérieurs présentent des symptômes d’anxiété ou de dépression.

Les jeunes Québécois — et les jeunes Québécoises surtout — vivent des moments d’angoisse. La pandémie passée, leur santé mentale reprend un peu de mieux, mais le mal est fait.

C’est ce qui ressort du portrait photo d’une des plus grosses recherches sur la santé mentale des jeunes publiée mercredi. Près de 18 000 Québécois de 12 à 25 ans, provenant de 64 écoles, cégeps ou universités de l’Estrie, des Laurentides, de la Mauricie–Centre-du-Québec et de la Montérégie ont été sondés.

Parmi les constats alarmants,  52 % des filles au secondaire et 56 % des filles aux cycles supérieurs présentent des symptômes d’anxiété ou de dépression. « Nos filles n’allaient pas bien durant la pandémie et continuent de ne pas bien aller », résume la Dre Mélissa Généreux, médecin-conseil à la Santé publique de l’Estrie et responsable de cette enquête.

« Ça fait à peu près trois ans que je mesure qu’un jeune sur deux environ a des niveaux de symptômes compatibles avec de l’anxiété ou de la dépression. La première fois, je pensais que c’était une erreur. Non, non, c’est vraiment le cas. [Ça s’explique en partie] parce que nos jeunes sont quand même très près de leurs émotions. Je pense qu’il faut saluer ça. Ils ne se gênent pas pour dire ouvertement qu’ils pleurent souvent, sont découragés, anxieux, dorment mal, etc. », explique la professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke.

« Et je me suis demandé si c’est un peu à cause de la phase de l’adolescence, cette connexion avec les émotions et des émotions plus fortes. Mais, ceci étant dit, quand on en vient au point de dire : “Oui, j’ai pensé que je serais mieux mort dans les deux dernières semaines”, ce n’est pas rien. Ce n’est pas juste un état d’âme passager. Il y a quand même un acte de désespoir. C’était comme ça l’an passé, c’est comme ça cette année. Un jeune sur quatre pense qu’il serait mieux mort dans les deux dernières semaines ! »

Ces idées noires et inquiétantes ne font pas que passer. Pas moins de 10 % des jeunes affirment ressentir ce mal-être profond plus d’un jour sur deux. Cette statistique grimpe à 14 % chez les filles et descend à 5 % pour les garçons au secondaire.

L’isolement provoqué par la pandémie n’est pas étranger à ce mal de vivre. « Est-ce que je peux parler de mes problèmes avec mes amis ? » a été une question posée dans un sondage tout juste avant la pandémie, en 2020. Environ 79 % des jeunes se disaient d’accord avec cette affirmation. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 64 % à répondre de la même manière.

Les écrans qui dominent

La consommation de pixels, et tout particulièrement ceux des réseaux sociaux, a augmenté durant la pandémie, surtout chez les filles. Ces écrans omniprésents expliquent en partie ces maux de l’âme.

« C’est inquiétant que les réseaux sociaux soient aussi populaires, autant d’heures par jour par autant de jeunes », avance la Dre Mélissa Généreux. « Les jeunes qui passent au moins quatre heures par jour sur les réseaux sociaux rapportent deux fois plus d’anxiété ou de dépression que ceux qui y passent moins de deux heures par jour. »

Les réseaux sociaux ont cependant leurs avantages. Les amis, les amours et les loisirs y gagnent au change, aux dires des jeunes eux-mêmes. A contrario, la réussite scolaire, les relations familiales et, au sommet des conséquences négatives, le sommeil en pâtissent.

Nos jeunes sont quand même très près de leurs émotions. Je pense qu'il faut saluer ça. Ils ne se gênent pas pour dire ouvertement qu'ils pleurent souvent, sont découragés, anxieux, dorment mal, etc.

 

« Les filles au secondaire sont nombreuses à rapporter des impacts négatifs des écrans sur leur sommeil (63 %) et la perception de leur apparence (51 %) », précise le coup de sonde.

Les jeunes, nouveaux travailleurs

Cet effort de « surveillance de la santé mentale » confirme une tendance déjà visible : les jeunes travaillent. Beaucoup. La conciliation étude-travail concerne maintenant plus de la moitié des adolescents.

« J’ai double, triple vérifié mes résultats, insiste la Dre Généreux. Je ne le croyais pas vraiment. C’est incroyable comment, dès la 1re secondaire, il y a plus que la moitié des jeunes dans notre enquête qui travaillent. Puis, 20 % au premier cycle [1re et 2e secondaire] travaillent plus de 15 heures par semaine. C’est sérieux ! »

Et ce n’est pas une quête d’autonomie ou un sens des responsabilités qui motivent ces jeunes. Ils vendent leurs heures de jeunesse principalement « pour [se] payer des choses dont [ils ont] envie » et « pour faire des économies pour plus tard ».

« J’ai un peu cette préoccupation qu’on vient étouffer ce vide dans la vie familiale, ou la vie avec les amis qui n’est pas au top, ou l’intérêt pour l’école qui n’est pas au top, par du travail qui permet de se procurer un bonheur matériel rapide », philosophe la chercheuse. « J’ai juste peur que ça nous amène dans un cercle vicieux vers des bonheurs rapides à court terme plutôt que des investissements à long terme à l’école et dans nos relations amicales ou familiales. C’est ce qui ressort de nos données. »

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