Pénurie d’œstrogène en gel sur les tablettes

Certaines hormones bio-identiques sont en rupture de stock dans les pharmacies.
Photo: Michaël Monnier archives Le Devoir Certaines hormones bio-identiques sont en rupture de stock dans les pharmacies.

Certaines hormones bio-identiques sont en rupture de stock dans les pharmacies, victimes du succès que leur ont attiré le documentaire Loto-Méno et la décision récente de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) de les rembourser.

Selon plusieurs gynécologues et pharmaciens interrogés par Le Devoir, des patientes traitées avec l’estradiol sous forme de gel (commercialisé sous le nom d’Estrogel), un traitement que Québec a accepté de rembourser depuis juin 2022, se heurtent depuis quelques semaines à des ruptures de stock.

Or, cette hormone doit être prise de façon régulière par les femmes qui suivent une hormonothérapie pour atténuer les symptômes persistants de la ménopause ou de la post-ménopause, notamment l’insomnie, les bouffées de chaleur ou la fatigue extrême.

Selon plusieurs gynécologues, certaines patientes se sont fait dire par leurs pharmaciens « d’étirer leur dose » et de patienter jusqu’au retour normal des approvisionnements, une situation qui pourrait rendre la vie de certaines patientes très pénibles.

« Il y a des femmes qui vont se remettre à avoir des saignements à répétition, ou à ne pas dormir. Leur dire de prendre une demi-dose, ça ne marche pas. Plusieurs sont inquiètes », affirme la Dre Diane Francoeur, obstétricienne-gynécologue au CHU Sainte-Justine.

Un traitement coûteux

La pénurie d’Estrogel inquiète également la Dre Sophie Desindes, professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la ménopause, qui estime que plusieurs de ses patientes devront se priver du traitement aux hormones bio-identiques, faute d’assurances privées.

La pénurie, qui découlerait en partie de la publicité accordée aux hormones bio-identiques par la diffusion du documentaire Loto-Méno — qui a fait bondir le nombre de prescriptions — et du choix de la RAMQ de ne rembourser qu’un seul oestrogène bio-identique sous forme de gel, aurait pu être évitée selon la Dre Desindes, puisqu’il en existe d’autres tout aussi efficaces.

80 $
C'est le prix mensuel, en moyenne, des traitements d'hormonothérapie bio-identiques, ce qui est plus onéreux que les hormones traditionnelles.

« Les femmes qui prennent ce gel et qui n’ont pas d’assurances privées vont devoir diminuer leurs doses, car plusieurs ne pourront pas payer. L’impact sera une nuisance énorme à leur qualité de vie, car les symptômes peuvent revenir rapidement quand le traitement est interrompu », dit-elle.

Les traitements d’hormonothérapie bio-identiques, plus onéreux que les hormones traditionnelles, peuvent coûter environ 80 $ par mois.

Une pénurie annoncée

Compte tenu de la situation, la Dre Desindes invite fortement les femmes touchées par la pénurie à demander à leur médecin un substitut sous forme orale (couvert par la RAMQ), si elles ne présentent pas de risque de thromboses. Québec couvre aussi l’estradiol sous forme de timbres transdermiques, mais seulement dans le cadre d’un médicament d’exception chez les patientes pour qui l’estradiol oral est contre-indiqué.

« Ça ne donne rien de souffrir. Les femmes doivent se tourner vers une solution temporaire. Le choix de Québec de ne couvrir qu’un seul estradiol en gel est vraiment décevant, car il en existe d’autres très efficaces », souligne-t-elle.

L’Association québécoise des distributeurs en pharmacie a confirmé que l’Estrogel faisait l’objet d’un rapport de pénurie depuis plusieurs semaines, et on n’envisage pour l’instant pas de retour à la normale avant le mois de mars. Les appels faits par Le Devoir dans plusieurs pharmacies ont confirmé cette situation, plusieurs pharmaciens affirmant avoir déjà écoulé leurs stocks de ce produit.

La compagnie multinationale Organon, qui produit ce gel prescrit à des dizaines de milliers de femmes au Québec et au Canada, a indiqué par courriel vendredi qu’elle avait avisé Santé Canada de cette situation dès septembre, et a confirmé que « les niveaux disponibles ne satisfont pas à la demande actuelle ».

« Le marché générique éprouve actuellement une rupture en approvisionnement », ajoute la compagnie, qui dit travailler activement pour résoudre ce problème « dans les semaines à venir. »

« Nous reconnaissons que cette pénurie puisse causer des inconvénients aux patientes, et nous demeurons déterminés à rétablir l’approvisionnement d’Estrogel le plus rapidement possible. »

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