Situation critique aux urgences de l’Hôpital du Suroît

Le taux d’occupation des civières dépasse 200 % à l’urgence de l’hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield.
Jacques Nadeau Archives Le Devoir Le taux d’occupation des civières dépasse 200 % à l’urgence de l’hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield.

L’urgence de l’hôpital du Suroît à Salaberry-de-Valleyfield a fermé temporairement et partiellement ses portes dans la nuit de dimanche à lundi, faute de personnel suffisant.

Les cas urgents ont été traités, mais les patients avec des problèmes mineurs qui s’y sont présentés avant 8 h ont été invités à retourner à la maison.

Une affiche « Fermeture temporaire de l’urgence » avait d’ailleurs été installée à l’entrée, comme en témoigne une photo envoyée au Devoir.

Photo: Hôpital du Suroît

À 8 h lundi, le taux d’occupation sur civière au Suroît dépassait les 200 %. Des patients ont été installés dans les salles d’évaluation, signale la présidente du Syndicat des professionnelles en soins de Montérégie-Ouest-FIQ, Mélanie Gignac. « Les cubes où les médecins voient les patients sont pleins, a-t-elle précisé en entrevue, à 7h lundi. Il y a une dame assise dans un fauteuil en plein milieu de l’urgence. »

Le CISSS de la Montérégie-Ouest nie que l’urgence ait été fermée durant la nuit. L’établissement indique que les affiches « Fermeture temporaire de l’urgence » ont été retirées. « Des validations sont en cours pour savoir qui les a installées, puisque cette initiative n’avait pas eu l’approbation d’un gestionnaire ou de membres de la direction », affirme sa porte-parole Jade Saint-Jean.

Le CISSS reconnaît toutefois que des patients qui se sont rendus à l’urgence ont dû retourner chez eux. « Tous les patients ont passé au triage, mais il y avait peu de capacité, les cas non urgents (priorités 4 et 5) étaient invités cette nuit à retourner à la maison et à essayer de voir leur médecin de famille aujourd’hui ou à revenir après 8 h pour éviter qu’ils attendent trop longtemps », explique Jade Saint-Jean.

La pénurie de soignants est criante à l’hôpital du Suroît. « Au quart de soir, à l’urgence, on a seulement trois infirmières inscrites au tableau », soutient Mélanie Gignac. Elles devraient être entre 15 et 17, précise-t-elle. Les infirmières de jour doivent donc faire régulièrement du temps supplémentaire et du temps supplémentaire obligatoire.

Manque de lits d’hospitalisation

L’urgence du Suroît déborde, car les malades devant être hospitalisés ne peuvent monter aux « étages ». Un problème présent dans nombre d’urgences québécoises.

« En ce moment, on a des taux d’occupation [sur civière] qu’on ne voit habituellement pas aux mois de septembre-octobre. Ça nous inquiète », a affirmé la sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la Dre Lucie Opatrny, lors d’une entrevue avec Le Devoir la semaine dernière.

Selon elle, « des centaines » de lits sont fermés au Québec, en raison du manque de personnel. Beaucoup de patients, qui n’ont plus besoin de soins aigus, occupent aussi des lits d’hospitalisation parce qu’ils sont en attente d’une place en hébergement (CHSLD, ressource intermédiaire ou ressource de type familial) ou en réadaptation.

Au Suroît, 46 des 65 patients sur civière lundi matin y étaient depuis plus de 24 heures, d’après le MSSS. Ces malades en attente d’hospitalisation ne devraient pas se retrouver à l’urgence, selon le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher.

« On est en train de créer des unités d’hospitalisation aux urgences et ça nous enlève la possibilité de faire notre mission première, c’est-à-dire s’occuper des gens qui viennent avec des nouveaux problèmes, déplore-t-il. En ce moment, il y a plusieurs services ambulatoires dans les urgences où on ne fournit pas à la demande. »

Le Dr Boucher fait référence aux patients qui se rendent aux urgences d’eux-mêmes et non en ambulances. « À tous les jours, il y a encore 5000 à 6000 P4 et P5 [cas non urgents] qui viennent dans nos urgences pour être vus », dit-il. Ceux-ci peinent à voir leur médecin de famille ou à obtenir une consultation dans une clinique sans rendez-vous.

Le Dr Boucher estime que la fermeture partielle et temporaire d’une urgence — du centre ambulatoire durant la nuit, par exemple — n’est « jamais une bonne solution ». Mais il s’agit peut-être de la « moins pire des mauvaises solutions » pour offrir du repos aux soignants, pense-t-il.

Obliger les travailleurs de la santé à faire constamment du temps supplémentaire obligatoire pour maintenir la totalité des services peut entraîner des démissions, rappelle-t-il. « Une ou deux journées [de fermeture du centre ambulatoire] de temps en temps [la nuit], ça va peut-être permettre un répit afin qu’à plus long terme, ils continuent à venir travailler aux urgences. » D’après le Dr Boucher, des demandes ont déjà été formulées en ce sens dans certaines urgences du Québec.

D’autres détails suivront.

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