L’ostéopathie, une vieille nouvelle profession en devenir
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Métiers, professions et carrières
Au Québec, un adulte sur quatre a déjà reçu un traitement ostéopathique. Pourtant, n’importe qui peut s’afficher comme ostéopathe à l’heure actuelle, la profession n’étant pas officiellement reconnue ni encadrée. Une situation en voie de changer bientôt, puisque l’Office des professions du Québec s’est récemment prononcé pour la création d’un ordre professionnel distinct pour les ostéopathes.
« C’est une avancée majeure pour la communauté ostéopathique et pour la protection du public », affirme d’emblée Bertrand Courtecuisse, président d’Ostéopathie Québec, la plus grande association d’ostéopathes de la province, qui milite pour la reconnaissance de la profession depuis des dizaines d’années.
L’avis publié par l’Office le 16 juin dernier recommande, entre autres, la création d’un ordre professionnel distinct pour les ostéopathes. L’Office y révèle qu’ « à l’heure où l’accès aux soins demeure un enjeu pour la population québécoise, l’encadrement professionnel des ostéopathes et leur contribution à l’offre de services de santé semblent plus pertinents que jamais ».
Bertrand Courtecuisse abonde en ce sens : « Le système de santé est sous pression. Parce que les ostéopathes interviennent majoritairement en première ligne, ils soulagent directement la population, mais aussi le système de santé indirectement. Ce sont des millions de traitements qui sont ainsi faits par année. »
Mais sans un réel encadrement de la profession, une réelle protection est difficile à garantir. « C’est une situation qui traîne depuis plusieurs années, déplore le président de l’association. Ça comporte un risque pourle public, si des actes ne sont pas dûment pratiqués. Et certains de ces actes sont à risque de préjudices. »
Par ailleurs, ce n’est pas seulementle public qui peut subir les conséquences de ce manque d’encadrement de la profession. « Les ostéopathes sont dans une zone grise où on peut parfois apparenter leur pratique à la pratique illégale de la médecine, fait valoir M. Courtecuisse. Ce n’est pas normal que les ostéopathes pratiquent sous le risque de poursuites. Dans le vide juridique actuel, on fait du mieux qu’on peut avec notre association et les mécanismes qu’on met en place pour protéger tout le monde, mais ça reste quand même très limité. »
Rappelons que l’ostéopathie est une approche exclusivement manuelle qui vise à rétablir la fonctionnalité des structures et des systèmes du corps humain pour en favoriser la capacité d’autorégulation. Dans sa pratique clinique, l’ostéopathe utilise des techniques précises d’ajustement manuel afin de redonner leur mobilité optimale aux os, aux muscles, auxfascias, aux nerfs et aux organes, peut-on lire sur le site d’Ostéopathie Québec. Cette mobilité vise à rétablir l’équilibre de l’organisme et à soulager les symptômes du patient.
« Un ostéopathe est un petit peu comme un horloger du corps humain, illustre le président. Il regarde toutes les interactions entre les structures, entre les articulations, les muscles, les ligaments, les tendons, qui peuvent être vus comme les engrenages, puis il remet cette structure en mouvement afin que l’horloge reparte. »
Un ordre qui protège public et professionnels
Il reste encore quelques étapes non négligeables à franchir avant que la profession soit réellement reconnue, dont la présentation d’un décret par le Conseil des ministres, mais M. Courtecuisse croit réaliste que le tout soit officialisé d’ici le mois de mars 2023.
« La création d’un ordre viendra réserver le titre d’ostéopathe, définir le champ d’exercice de la profession, réserver certaines activités aux professionnels ostéopathes, assurer le démarrage de formations universitaires qui respectent les plus hauts standards de la profession, mais aussi asseoir la collaboration avec les autres professionnels de la santé », résume M. Courtecuisse.
L’Université de Sherbrooke a d’ail-leurs annoncé sa volonté de créer un programme de maîtrise en ostéopathie. Actuellement, aucune formation universitaire n’existe, ce secteur n’étant exploité que par des écoles privées. Une situation qui bloque la reconnaissance de la profession depuis plusieurs années. « C’est la question de l’oeuf et de la poule, illustre M. Courtecuisse. Le problème, c’est que les universités ont de la difficulté à mettre sur pied une formation pour une profession de santé qui n’est pas encore encadrée, mais le fait qu’il n’y ait pas de formation universitaire consacrée à une profession ne favorise pas sa reconnaissance par l’Office. Forcément, ça n’avance pas ! »
Il affirme que les changements envisagés ont été accueillis favorablement par la communauté d’ostéopathes et que des mesures transitoires seront mises en place afin d’éviter les ruptures de service. « L’Office a demandé que tous les ostéopathes actuellement en pratique passent un examen de compétence afin de pouvoir entrer dans l’Ordre, explique le président. C’est sûr que pour des gensqui pratiquent depuis des années passer un examen peut être un peu anxiogène, mais on va mettre des mécanismes en place à l’association pour préparer nos membres le mieux possible au passage de cet examen. »
Ce vent qui tourne en faveur de la reconnaissance de la profession ne s’arrête pas aux frontières de la province ou du pays. « En 2020, il y avait environ 35 pays où l’ostéopathieétait reconnue, et aujourd’hui, on approche de la cinquantaine, note M. Courtecuisse. Des formations universitaires sont aussi en développement un peu partout dans le monde, et de plus en plus de recherche se fait en ostéopathie. Il y a vraiment undynamisme autour de la profession.
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