Des infirmières de GMF appelées en renfort à l’hôpital de Mont-Laurier

Après avoir obligé cet été des infirmières de groupes de médecine de famille (GMF) à travailler à l’hôpital de Mont-Laurier, voilà que le CISSS des Laurentides fait appel aux mêmes soignantes pour combler des quarts à l’unité de médecine et chirurgie. Les sept professionnelles visées refusent d’être déplacées, signale le syndicat.
Sylvie Yale est l’une d’elles. « Ce qu’on veut juste dire aux gens dans la population, c’est qu’on ne veut pas y aller parce qu’on se soucie de leur sécurité », dit l’infirmière de 44 ans qui n’a pas travaillé en milieu hospitalier depuis 19 ans. « On ne se sent pas aptes, et ce n’est pas avec une petite formation qu’on devient aptes à travailler en médecine-chirurgie et à l’urgence. »
Sylvie Yale a été suspendue huit jours par le CISSS des Laurentides parce qu’elle a refusé les quarts que son employeur lui a imposés cet été à l’unité de médecine et de chirurgie.
L’infirmière, qui travaille à temps complet dans un GMF-U de Mont-Laurier, a perdu la prime de rétention de 15 000 $ octroyée par Québec. Deux de ses consoeurs — dont l’une a fait l’objet d’une chronique de Patrick Lagacé dans La Presse — ont subi les mêmes sanctions.
Le Syndicat des professionnelles en soins des Laurentides (FIQ-SPSL) dénonce le sort réservé à ces soignantes et demande que ces déplacements, une « pratique inacceptable », cessent. Il interpelle le ministre de la Santé Christian Dubé afin qu’il intervienne « sans délai et directement auprès du CISSS des Laurentides ». Une lettre, dont Le Devoir a pu prendre connaissance, lui a été acheminée à ce sujet le 29 septembre.
Pas de déplacement obligatoire, dit le CISSSLe CISSS des Laurentides assure que les déplacements obligatoires, en vigueur durant l’été, sont terminés depuis le 5 septembre. « Un appel aux volontaires a été fait la semaine dernière afin de couvrir les services de l’unité de médecine », écrit l’établissement de santé dans un courriel. Aucun gestionnaire n’était disponible pour accorder une entrevue au Devoir.
Le syndicat interprète autrement cet « appel aux volontaires ». « Une gestionnaire a mentionné à une de nos membres qu’ils étaient prêts à procéder au congédiement si les déplacements étaient refusés », soutient sa présidente, Julie Daignault.
Le CISSS des Laurentides rétorque qu’il mise sur une « approche volontaire ». « À ce stade-ci, la direction n’a pas l’intention d’imposer quoi que ce soit, affirme l’établissement de santé. Nous allons faire le lien avec les équipes si la compréhension n’a pas été la bonne. »
Lors d’une réunion la semaine dernière, l’employeur a soumis une proposition aux infirmières de GMF et de GMF-U de Mont-Laurier : pourvoir ensemble pendant un an l’équivalent d’un poste à temps complet à l’unité de médecine afin de remplacer une infirmière enceinte en congé préventif. Chacune aurait travaillé un quart toutes les deux semaines. Une formation « adéquate » leur aurait été offerte, selon le CISSS.
Toutes ont refusé. « Elle est où, la logique, au départ, le raisonnement, de dire “on prend ces gens-là de la première ligne et on les envoie sur les unités” ? » demande Sylvie Yale. Elle fait valoir qu’à titre d’infirmière clinicienne en GMF-U, elle contribue à réduire les visites aux urgences en s’occupant, par exemple, de patients ayant une infection urinaire.
La Dre Geneviève Levy, médecin responsable du GMF de la Lièvre à Mont-Laurier, comprend mal pourquoi on veut dégarnir la première ligne. « Il va juste y avoir plus de gens à l’urgence », dit-elle. Or, celle-ci déborde. Au cours des derniers jours, le taux d’occupation sur civière à l’urgence de Mont-Laurier s’élevait à 240 %. Il a diminué depuis pour atteindre 100 % à 13 h jeudi.
Pénurie majeure de personnel
La situation à l’hôpital de Mont-Laurier est « très fragile » en raison du manque criant d’infirmières, estime la cheffe de l’hospitalisation, la Dre Florence Beaulieu-Doré. Seuls 28 des 42 lits de l’hôpital sont ouverts.
« Nos infirmières travaillent déjà beaucoup, dit la médecin de famille. Elles sont fatiguées. On a épuisé notre bassin [de soignantes] à Mont-Laurier et aux alentours. Là, on est rendus à solliciter des infirmières du sud [des Laurentides] : de Sainte-Agathe-des-Monts, Saint-Eustache et Saint-Jérôme. »
Certaines viendront d’ailleurs travailler à l’hôpital Mont-Laurier au cours des prochaines semaines, selon le CISSS.
L’établissement de santé souligne qu’il fait du « recrutement intensif » et qu’il explore diverses solutions, comme les horaires rotatifs et les quarts de travail de 12 heures, pour pallier le manque d’infirmières. Et pourquoi ne pas recourir aux agences privées de placement ? « L’éloignement de Mont-Laurier limite le bassin de main-d’oeuvre disponible auprès des agences », répond-il.
La Dre Beaulieu-Doré suggère d’offrir une prime aux infirmières qui travaillent à Mont-Laurier afin d’attirer des soignantes. Elle souligne d’ailleurs que les médecins de famille qui pratiquent dans les Hautes-Laurentides (MRC d’Antoine-Labelle) ont droit à une bonification de tarif parce que la région est considérée comme éloignée. Des agents administratifs, des préposés aux bénéficiaires et des aides de service pourraient aussi être embauchés afin d’aider les infirmières, selon elle.
« On ne veut pas fermer de lits, dit la Dre Beaulieu-Doré. Mais ultimement, s’il n’y a personne pour voir des patients, ce n’est pas sécuritaire de les garder à l’hôpital sans infirmière. »