«Le poumon noir de Montréal» inquiète les experts

Le secteur Assomption Sud–Longue-Pointe s’étend sur trois kilomètres, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le secteur Assomption Sud–Longue-Pointe s’étend sur trois kilomètres, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

Des médecins, des spécialistes de la santé publique et des environnementalistes exigent une évaluation d’impact sur la santé (EIS) dans le secteur Assomption Sud–Longue-Pointe, à Montréal. Selon eux, les habitants de ce quadrilatère jouxtant le port doivent être protégés de nouveaux projets industriels mettant à mal leur santé et leur qualité de vie.

« Ce secteur, c’est le poumon noir de Montréal », dit Thomas Bastien, le directeur général de l’Association pour la santé publique du Québec, qui fait partie des signataires d’une requête officielle transmise la semaine dernière à la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal ainsi qu’à la Ville de Montréal.

Les EIS intègrent différents paramètres — comme la pollution de l’air, les îlots de chaleur, le bruit, l’accès à la nature, la possibilité de transport actif — qui influencent la santé des populations. Elles évaluent les répercussions du développement d’un secteur dans son ensemble. Ces rapports, signés par les DRSP, comprennent aussi des recommandations.

« On parle de développement économique, mais c’est aussi important de parler de développement sanitaire, de développement culturel, de développement social », explique la présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), Claudel Pétrin-Desrosiers. Elle fait également partie des signataires de la requête, dont un résumé est publié dans la section Opinion du Devoir.

« Fardeau de pollution »

Le secteur Assomption Sud–Longue-Pointe s’étend sur trois kilomètres le long du fleuve Saint-Laurent, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. La gare de triage Longue-Pointe, l’avenue Souligny et l’autoroute 25 le bordent respectivement à l’ouest, au nord et à l’est. On y trouve notamment une base militaire, de grands stationnements, des entrepôts, des réservoirs pétroliers et de modestes maisons.

« C’est un secteur qui, historiquement, a enduré un fardeau démesuré de pollution », souligne la Dre Pétrin-Desrosiers. Une EIS offrirait aux décideurs de l’information « objective et scientifique », permettant d’éviter d’aggraver les inégalités socioenvironnementales qui affectent déjà la population, fait-elle valoir.

C’est dans l’ouest du secteur Assomption Sud–Longue-Pointe que l’entreprise Ray-Mont Logistiques veut bâtir une plateforme intermodale pouvant stocker jusqu’à 10 000 conteneurs maritimes. Ce projet, qui suscite l’opposition de citoyens depuis des années, ne fera pas l’objet d’une évaluation complète du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Décision prochaine

 

La Ville de Montréal, pour sa part, planifie de développer l’Écoparc industriel de la Grande Prairie dans ce secteur. Des réaménagements routiers sont au menu. L’administration de Valérie Plante, opposée au projet de Ray-Mont Logistiques, a toutefois été forcée par les tribunaux à accorder les permis de construction à l’entrepreneur. Ce dernier la poursuit maintenant pour avoir retardé les travaux.

La Direction régionale de santé publique de Montréal a confirmé au Devoiravoir reçu la requête d’EIS. Elle jugera dans les prochaines semaines s’il est avisé de procéder à son étude. Le secteur Assomption Sud–Longue-Pointe est « en transformation » et une EIS permettrait « d’apporter des recommandations en amont [des projets de développement] pour réduire les risques à la santé », souligne-t-on.

Les EIS sont préconisées par Québec, notamment à travers sa Politique gouvernementale de prévention en santé. Les autorités ont eu recours à ce nouvel outil à quelques dizaines de reprises ces dernières années dans plusieurs régions de la province. À Montréal, l’exercice a seulement été réalisé pour le Réseau express vélo.

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