Les professionnels de la santé veulent le pouvoir de diagnostiquer

En pleine campagne électorale, le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) interpelle le prochain gouvernement. Le regroupement des ordres professionnels québécois estime que les médecins doivent partager davantage encore leur pouvoir de diagnostic avec d’autres professionnels — les psychologues et les podiatres chirurgiens, par exemple — afin d’améliorer l’accès aux soins de santé de première ligne.
« Nous, on dit au prochain gouvernement que ça doit être une priorité », affirme la présidente du CIQ, Danielle Boué. Trop de Québécois, déplore-t-elle, doivent prendre un « bâton de pèlerin » pour obtenir des services de santé physique ou mentale.
Elle cite en exemple le cas d’une personne qui présente des symptômes de dépression et qui consulte un psychologue. « C’est sûr que le psychologue va l’évaluer et va pouvoir la traiter, dit Danielle Boué. Sauf qu’il ne peut pas la diagnostiquer. Il ne peut pas établir le malaise ou la cause précise [du trouble]. Il a la compétence pour le savoir, mais, légalement, il ne peut pas le faire. »
Cela donne lieu à des non-sens, selon elle. Les personnes suivies par un psychologue doivent obtenir une consultation auprès d’un médecin si elles ont besoin d’un billet pour congé de maladie ou pour remboursement de frais par l’assureur. Même combat pour les patients ayant subi une intervention chez un podiatre chirurgien et dont l’état de santé nécessite un arrêt de travail, poursuit-elle.
« On est en rareté de main-d’oeuvre ! dit Danielle Boué. On cherche à être de plus en plus efficaces et efficients, mais on vient toujours dédoubler [les ressources]. »
Vingt-neuf ordres consultés
Le CIQ rend public mardi un document de 24 pages intitulé Agir maintenant pour améliorer l’accès en santé et services sociaux. Rédigé en collaboration avec 29 ordres en santé et relations humaines, dont le Collège des médecins du Québec, le rapport propose diverses pistes de solution. Il résulte de travaux entamés au printemps à la suite de la présentation de la réforme du système de santé du ministre Christian Dubé.
Dans son document, le CIQ met notamment en avant l’idée d’élargir la couverture du panier de services assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Ainsi, un patient blessé au genou pourrait, par exemple, consulter directement un physiothérapeute en cabinet privé, service qui serait remboursé par la RAMQ ou son assureur.
« Cet élargissement du panier de services assurés permettrait d’éviter que des patients choisissent de se rendre dans les urgences hospitalières ou dans des cliniques médicales sans rendez-vous uniquement pour des raisons financières, écrit-on dans le document. Cela améliorerait le flux des soins pour l’ensemble de la population. »
Le CIQ plaide notamment en faveur de la création d’un nouveau titre d’emploi dans le réseau de la santé et des services sociaux : thérapeute conjugal et familial. « Ces professionnels existent, ils sont déjà membres d’un ordre, ils ont des activités, mais il n’y a pas de titre d’emploi dans le réseau. Pourquoi on ne les embauche pas, ces gens-là, pour aider l’ensemble du réseau en santé mentale à prendre en charge les patients plus rapidement ? » se demande Danielle Boué.
D’autres mesures sont énumérées, comme permettre aux dentistes d’effectuer « des radiographies à l’aide d’un appareil portable en résidence privée » ou permettre aux infirmières auxiliaires « d’évaluer une clientèle stable et à évolution prévisible ».
Selon le CIQ, « beaucoup de discussions » sont en cours pour apporter des changements législatifs élargissant le champ de pratique de professionnels. Mais le processus pourrait être accéléré.
« Ce qu’on a observé au cours des dernières années, c’est que, quand il y a une volonté politique de faire des modifications législatives, elles arrivent très rapidement. On l’a vu avec les infirmières praticiennes spécialisées et les pharmaciens », dit Danielle Boué.
Contacté par Le Devoir, le Collège des médecins du Québec n’a pas souhaité commenter le document « à cette étape-ci ». Dans le rapport, le CIQ écrit que le Collège « se dit favorable à une approche de révision des activités professionnelles propres à chaque ordre, axée sur l’accessibilité aux soins de santé ».