Raviver la lutte contre le VIH/sida

Le combat mondial contre le VIH/sida rebondira-t-il ? Depuis deux ans et demi, la pandémie de COVID-19 a contrecarré la lutte contre cette infâme maladie immunitaire. Mais les avancées pharmaceutiques liées à la lutte contre la COVID-19 ouvrent de nouvelles possibilités en matière de prévention et de guérison.
À la clé de ces essors, « on peut même rêver de guérir le VIH », souffle Jean-Pierre Routy, médecin et chercheur spécialiste de la maladie au Centre université de santé McGill (CUSM), qui copréside la 24e Conférence internationale sur le sida — le grand rendez-vous mondial des gens du milieu —, qui débute vendredi à Montréal.
« Ça fait trois ans qu’on n’a pas eu de congrès [en raison de la pandémie]. Les gens pourront se voir en vrai, rebâtir leur solidarité et leur esprit de groupe. Car on veut éviter que tous les chercheurs étudiant le sida partent vers d’autres domaines, comme les traitements immunologiques contre le cancer ou la COVID », indique le Dr Routy, rencontré dans son laboratoire du CUSM à quelques jours de la conférence.
Si la « grand-messe » du VIH/sida débarque dans la métropole cette année, c’est en grande partie grâce à ce médecin-chercheur qui a su rassembler des millions de dollars en financement auprès des gouvernements d’ici et d’ailleurs. Pour lui, l’aventure revêt un caractère particulier : c’est grâce à cette conférence, qui s’est déjà tenue à Montréal en 1989, qu’il a eu l’occasion d’obtenir un poste de chercheur en la matière au Québec.
Des centaines de personnes convergent donc vers la métropole québécoise pour participer à cette réunion, lors de laquelle on présentera des résultats scientifiques, on définira les axes de la recherche et on tentera de trouver des manières de passer à l’action.
« Se réengager » dans la lutte
En marge de la conférence, le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a présenté à Montréal, mercredi après-midi, sa mise à jour annuelle de la progression de la maladie sur la planète. Et la situation n’est pas rose : en 2021, on a observé la plus faible réduction en cinq ans du nombre de nouvelles infections dans le monde par rapport à l’année précédente (–3,6 %).
« Ce rapport est un signal d’alarme, alors que la communauté du VIH se réunit ici, à Montréal », a déclaré Anthony Fauci, le principal conseiller médical du président des États-Unis, qui participait par visioconférence à la présentation du rapport. « Le thème de la conférence — “Se réengager envers le sida et suivre la science” — ne saurait être mieux choisi », a-t-il ajouté.
Au tout début de la pandémie de COVID-19, le traitement du VIH a souffert d’un accès plus difficile aux soins de santé. Maintenant, c’est en grande partie le fléchissement du financement de la lutte contre le sida qui pose problème. En 2021, les ressources financières internationales disponibles pour le VIH étaient 6 % moins élevées qu’en 2010, note le rapport de l’organisme onusien.
« L’an dernier, en 2021, le sida et des maladies associées ont emporté une vie chaque minute », a rappelé la directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima, lors de la présentation. « Et ce, même si nous avons les médicaments nécessaires pour sauver ces vies. »
Espoirs pharmaceutiques
Ces médicaments, c’est ce qu’on appelle la trithérapie. Ils permettent à ceux qui les prennent quotidiennement de vivre presque normalement malgré une infection au VIH. Leur utilisation est généralisée dans les pays riches. En Afrique — le continent le plus touché par le VIH/sida —, 78 % des personnes aux prises avec le virus en bénéficient.
En parallèle aux efforts visant à offrir la trithérapie à toutes les personnes infectées, l’industrie pharmaceutique planche sur de nouvelles molécules.
De potentiels vaccins à ARN messager contre le VIH — qui pourraient prévenir la maladie ou soigner les personnes infectées — font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase 1 aux États-Unis. L’entreprise Moderna, qui bâtira une usine dans la région de Montréal et qui a signé un partenariat avec l’Université McGill, a d’ailleurs développé l’un des vaccins candidats.
Les anticorps monoclonaux — une autre classe de médicaments perfectionnée pour combattre la COVID-19 — suscitent eux aussi énormément d’espoir pour lutter contre le VIH. « Avec la trithérapie actuelle, on bloque le métabolisme du virus en neutralisant ses enzymes ; avec les anticorps monoclonaux, on s’attaque directement au virus », explique le Dr Routy.
En théorie, les anticorps monoclonaux ont la capacité de trouver dans le corps les cellules infectées (1 sur 100 000) et de les tuer. Cela permettrait non seulement de bloquer la reproduction du virus, mais carrément de l’éliminer. Plutôt que de laisser le virus en dormance grâce à la trithérapie, on s’en débarrasserait pour de bon.
Pour l’instant, l’ARN messager et les anticorps monoclonaux font l’objet d’essais cliniques séparés. Si ces essais se révèlent concluants, une utilisation synergique sera testée. « Tout le monde estime que seule une combinaison de différentes approches peut fonctionner » pour guérir le VIH, relève le Dr Routy.
Les entreprises pharmaceutiques ont également un intérêt tout particulier à s’engager dans ces nouvelles thérapies au fort potentiel : d’ici quelques années, leurs brevets sur les médicaments de la trithérapie expireront. Des concurrents pourront alors produire des versions génériques à prix réduit.