Une sixième vague de COVID-19 peu affectée par les mesures sanitaires
La sixième vague de COVID-19 générée par le sous-variant BA.2 est la première depuis le début de la pandémie à avoir été peu influencée par les mesures sanitaires et à avoir suivi une courbe « naturelle ».
C’est du moins ce qu’observe l’Institut national de santé publique du Québec, après avoir traversé six vagues, ponctuées de diverses restrictions et mesures populationnelles destinées à « aplatir la courbe » et à influencer le cours de la pandémie.
Selon le Dr Gaston De Serres, médecin-conseil à l’INSPQ, tout concourt à démontrer que les dernières mesures sanitaires toujours en place en avril et mai, hormis l’accès à la vaccination, ont eu peu d’effet sur la trajectoire de la sixième vague.
C’est pourquoi l’INSPQ s’attend à des effets très limités de la levée récente du port du masque sur la tendance à la baisse actuelle des cas et des hospitalisations.
« La courbe des infections a commencé à baisser bien avant l’abandon du port du masque. C’est la première vague qui évolue de façon naturelle parce que le virus est si contagieux qu’il rencontre de plus en plus d’individus, et qu’il poursuit sa course, indépendamment des mesures sanitaires », affirme Gaston De Serres.
Et cela parce que le port du masque, limité à quelques lieux publics, n’a pas suffi à endiguer la transmission soutenue du virus.
« La transmission a été surtout intrafamiliale, générée par les enfants, ou par des visites et regroupements privés, là où il n’y avait pas de masques requis. Le nombre de situations où le masque était encore obligatoire était trop limité pour avoir un impact majeur », ajoute ce dernier.
Le Dr De Serres souligne la très grande différence de contagiosité entre les divers variants qui ont marqué les premières vagues de la pandémie et les plus récents. « Les sous-variants BA.1 et BA.2 sont trois fois plus contagieux, donc des lieux autrefois non problématiques pour la transmission le sont maintenant. C’est pourquoi tellement de gens ont été infectés. Mais l’immunité acquise par le très grand nombre de récentes infections et par les vaccins semble avoir créé une barrière qui a amené le virus à reculer naturellement [lors de la sixième vague]. Il ne va pas disparaître, mais il a fléchi de façon naturelle », explique-t-il, notamment à la faveur du réchauffement des températures.
Lors des vagues antérieures, les mesures de santé publique avaient « étranglé » le virus en forçant une baisse des contacts sociaux, note ce chercheur. Bien que moins contagieux, plusieurs des variants précédents engendraient des symptômes plus graves. « Et ça a marché pour protéger notre système de santé. Ça a créé une diminution artificielle, par la baisse des contacts », dit-il.
En ce moment, les contacts entre citoyens ont repris un cours normal, comme en témoigne l’épidémie d’influenza qui bat son plein, elle aussi nourrie par le retour des activités entre humains. Mais cette récente reprise n’influence guère pour l’instant le nombre des hospitalisations qui, comme les cas, continue de fléchir, ajoute ce médecin-conseil à l’INSPQ.
Par contre, la montée de nouveaux sous-variants très contagieux (BA.2.12.1 aux États-Unis et BA.4 et BA.5 en Europe), qui donnent du fil à retordre aux autorités de santé, pourrait changer la donne. En Nouvelle-Angleterre, la prédominance du sous-variant 2.12.1 a poussé cette semaine le maire de New York à placer sa ville en « haute alerte ». Avec une hausse de 24 % des hospitalisations en deux semaines, les Centres de prévention et de contrôle des malades (CDC) viennent de recommander à nouveau au tiers des Américains vivant dans les États où sévit une forte transmission de porter le masque dans les lieux publics intérieurs.
Certains observateurs craignent que la vague qui sévit aux États-Unis soit pire que les précédentes, ces nouveaux sous-variants pouvant échapper à l’immunité conférée par les vaccins actuels et à une infection antérieure au BA.1 (premier sous-variant d’Omicron). Car les descendants BA.4, BA.5 et BA.2.12.1 disposent de mutations spécifiques augmentant cette capacité. À moins que n’émergent de nouveaux vaccins plus efficaces contre la réinfection, de tels variants pourraient mettre à mal les systèmes de santé et engendrer deux pics par année, en dépit d’une vaccination généralisée, avancent certaines études préliminaires.
Effets sur les décès
Selon le Dr De Serres, il est maintenant clair que les décès dus à la COVID et les hospitalisations frappent maintenant davantage de personnes triplement vaccinées qu’avant, même si les vaccins demeurent en partie efficaces contre les formes graves de la maladie.
« La COVID va continuer de frapper les personnes vulnérables et il y en a beaucoup dans notre population. Depuis l’arrivée d’Omicron, les vaccins ne sont plus aussi efficaces chez ces personnes, comme c’était le cas avec les variants précédents », dit-il.
Cette situation explique que les hospitalisations impliquant la COVID, malgré le recul des cas d’infections, continuent d’être nombreuses.
Dans ce contexte épidémiologique, Alain Lamarre, immunologiste à l’Institut national de recherche en santé (INRS), croit que l’abandon du port du masque continuera à avoir des conséquences néfastes pour toute une classe de gens dont l’immunité vaccinale faiblit rapidement avec le temps. « La mauvaise nouvelle, c’est qu’un nombre significatif de décès risque de faire partie de notre paysage pour un bon bout de temps, dit-il. Un bassin important de gens assez malades risquent d’être exposés au virus et de continuer d’en décéder. »