1% des patients génèrent le quart des dépenses de santé

Plus du quart des dépenses publiques liées aux soins de santé sont le fait de 1 % des utilisateurs du réseau. Si le coût des hospitalisations pèse de moins en moins lourd dans la facture totale, celui lié aux médicaments a plus que triplé chez ces grands utilisateurs en près de 20 ans.
Tel est du moins le constat d’une étude réalisée par une équipe de chercheurs de HEC Montréal et de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, qui trace l’évolution des coûts liés aux soins de santé publics au Québec entre 1997 et 2016.
« 1 % des plus grands utilisateurs de soins de santé comptent à eux seuls pour un peu plus du quart des dépenses », constatent dans leur analyse les chercheurs Nicholas-James Clavet et Julien Navaux, ainsi que Raquel Fonseca et Pierre-Carl Michaud, tous les deux titulaires de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels.
Ce portrait, tiré à partir de données inédites de la RAMQ et de MED-ECHO, une banque de données sur les diagnostics et le coût des séjours hospitaliers au Québec, démontre que la grosse part des dépenses liées au système de santé découle d’une très faible proportion de la population.
« Le but n’est pas de juger cela, ou de dire que c’est mauvais. Mais si on cherche à améliorer l’utilisation de nos ressources, c’est à cette part de grands utilisateurs du système de santé qu’il faudrait s’intéresser », affirme l’un des auteurs, Pierre-Carl Michaud.
Comme les dépenses de santé augmentent à un rythme soutenu — 5,3 % par année en moyenne depuis 1997 — et comptent pour plus de la moitié des dépenses de l’État, ces chercheurs estiment que les soins requis par ce groupe d’utilisateurs doivent être évalués de plus près pour voir où des gains pourraient être réalisés.
Cette étude révèle en outre que les coûts liés aux hospitalisations chez ce « 1 % » (âgé de 63 ans en moyenne) sont en recul de 7 points de pourcentage depuis 20 ans, et ce, malgré le vieillissement de la population. Les coûts liés à des soins à l’hôpital dans ce groupe ont fondu de 23 % à 16 % des dépenses de santé totales. Notamment parce que la durée des séjours a reculé, en 19 ans, de 46 à 40 jours en moyenne.
Fait intéressant, les dépenses hospitalières ont aussi reculé de 15 points de pourcentage pour l’ensemble de la population, et ne grugent désormais que 36 % des dépenses de santé de l’État comparativement à plus de 50 % en 1997. Et cela, même si la durée moyenne des séjours de tous les usagers n’a guère changé.
C’est la part des médicaments dans la facture totale qui ne cesse, elle, de gonfler depuis deux décennies, passée de 16 % en 1997 à 28 % en 2016 pour l’ensemble de la population. Chez les grands utilisateurs, le poids du coût des médicaments a plus que triplé.
« On n’a pas à dire si c’est souhaitable ou non, mais il serait pertinent de regarder si cela répond aux besoins réels de ces gens », soutient un des coauteurs, Julien Navaux. « Il y aurait avantage à étudier le rapport coût-efficacité de ces médicaments. Chez ces grands utilisateurs, en suivant la même cohorte d’année en année, on a observé que plusieurs des gens [qui reçoivent ces soins et médicaments] sont en fin de vie et que 27 % décèdent dans l’année », ajoute Pierre-Carl Michaud.
Diagnostics changeants
Un autre des constats majeurs de cette étude est le changement important survenu en ce qui a trait aux diagnostics liés aux dépenses de santé.
Dans les hôpitaux, les coûts associés aux maladies de l’appareil circulatoire (25 % chez les grands utilisateurs) dominent toujours dans le total des dépenses. Mais ceux liés aux problèmes de santé mentale ont dégringolé (de 8 à 2 % des diagnostics) en 20 ans.
Les bouleversements survenus dans la prévalence de certaines maladies et dans leurs traitements sont encore plus visibles dans les dépenses totales liées aux médicaments. Ainsi, les maladies cardiovasculaires, qui engloutissaient 34 % des dépenses pharmaceutiques de l’État en 1997 ne comptent plus que pour 15 % du total. Dans le fameux club du « 1 % », ces dépenses sont passées de 20 % à moins de 5 % de la facture totale.
«Cela peut s’expliquer par le développement de meilleurs traitements, notamment des interventions chirurgicales cardiaques », avance Pierre-Carl Michaud.
En contrepartie, le coût associé aux agents anticancéreux a bondi, révélant l’incidence croissante du cancer dans une population de plus en plus âgée. Chez les grands utilisateurs, les dépenses liées aux antinéoplasiques, pour lutter contre le cancer, ont grimpé de 3 à 18 % des dépenses pharmaceutiques en 20 ans.
Somme toute, la part du lion des dépenses de santé associées aux grands utilisateurs reste tout de même un défi, et découle en grande partie des hospitalisations, cinq fois plus longues que pour le reste de la population. Seule bonne nouvelle, malgré le vieillissement de la population qui s’accélère depuis 20 ans, la part des dépenses de santé associée à la dernière année de vie connaît un léger recul, selon une autre étude réalisée par le même groupe. Peut-être un signe que moins de gens décèdent à l’hôpital, et davantage dans leurs milieux de vie.