Québec ne prévoit pas de rouvrir l’accès aux tests PCR pour tous

Depuis le 5 janvier 2022, seuls les personnes qui font partie de certains groupes prioritaires peuvent aller passer un test PCR dans un centre de dépistage afin de confirmer un diagnostic de COVID-19.
Jacques Nadeau Le Devoir Depuis le 5 janvier 2022, seuls les personnes qui font partie de certains groupes prioritaires peuvent aller passer un test PCR dans un centre de dépistage afin de confirmer un diagnostic de COVID-19.

Depuis le 5 janvier, il n’est plus possible pour la population générale d’aller passer un test PCR dans un centre de dépistage afin de confirmer un diagnostic de COVID-19. Quatre mois et une nouvelle vague plus tard, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) affirme qu’il n’est toujours pas prévu « d’élargir davantage » l’accès à ces tests en centre de dépistage, dans « un souci d’utilisation efficace des ressources disponibles, et de dépister les clientèles les plus vulnérables ».

La moyenne de 15 000 tests quotidiens effectués actuellement auprès des clientèles prioritaires « permet d’avoir les données suffisantes pour suivre adéquatement l’évolution de la pandémie », assure le MSSS dans un courriel transmis au Devoir. Les travailleurs de la santé, les personnes sans abri, les membres de communautés autochtones, le personnel symptomatique du réseau scolaire et les personnes âgées de 70 ans et plus ayant des symptômes sont notamment parmi les groupes priorisés.

Le MSSS n’a pas voulu s’avancer sur des groupes qui pourraient être ajoutés aux clientèles prioritaires. Les personnes symptomatiques qui ne figurent pas dans lesdits groupes sont donc toujours invitées à utiliser des tests rapides.

Pour la spécialiste en santé publique Roxane Borgès Da Silva, ce « changement de paradigme » est tout à fait pertinent à l’heure où le Québec apprend à vivre avec le virus. « Est-ce qu’on a besoin d’allouer des ressources humaines au dépistage massif comme on le faisait auparavant, dans un contexte de pénurie et où ça coûte très cher, sachant qu’il existe d’autres méthodes ? » demande-t-elle.

« On est arrivés à un stade où on est très corrects avec un outil de dépistage plus “santé publique” [comme les tests rapides], un peu comme on le fait avec les alcootests, les tests de grossesse ou les gens diabétiques qui testent eux-mêmes leur glycémie », donne-t-elle comme exemples.

Québec a distribué au cours des derniers mois plus de 60 millions de tests antigéniques rapides. Le MSSS affirme également que l’entente avec l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a été renouvelée « pour permettre à la distribution de continuer aussi longtemps que jugé nécessaire ».

« Combler le manque de connaissances »

« Avoir des données, c’est le nerf de la guerre quand on est en gestion de crise pour savoir à quoi s’attendre », rappelle Roxane Borgès Da Silva. Or, l’introduction des tests rapides et l’accès restreint aux tests de dépistage PCR depuis la cinquième vague ont décidément affecté les données sur la pandémie dans la province, telles que le nombre de cas confirmés, leur répartition par âge et sexe, les cas actifs et rétablis, le nombre de prélèvements, le taux de positivité et le nombre d’éclosions selon le milieu.

« À partir de la fin de l’année 2021 et du début de l’année 2022, ces résultats ne sont plus représentatifs de la situation pour l’ensemble du Québec », peut-on lire sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Or, l’enjeu demeure, puisque très peu de Québécois transmettent les résultats de leurs tests rapides sur la plateforme gouvernementale d’autodéclaration. Selon la dernière étude CIRANO du 21 au 26 avril, seulement 27,4 % des répondants y avaient inscrit leur résultat positif de test rapide.

Pour sa part, Janusz Kaczorowski, professeur titulaire et directeur de recherche au Département de médecine de famille et médecine d’urgence et au CRCHUM de l’Université de Montréal, croit que certaines stratégies pourraient être mises en place pour améliorer ces résultats. L’obligation d’entrer ses résultats de tests rapides en ligne afin d’obtenir de nouvelles boîtes, par exemple, serait un bon incitatif, selon lui.

Par conséquent, en l’absence de dépistage ouvert à tous et de données fiables provenant des tests rapides, ce sont maintenant les sondages qui prennent le relais afin d’estimer les tendances pandémiques.

Après que Roxane Borgès Da Silva et une équipe de plusieurs chercheurs du CIRANO eurent sondé la population pour estimer les tendances de la pandémie depuis le mois de janvier, l’INSPQ — en partenariat avec le MSSS — s’apprête maintenant à reprendre le flambeau.

Un projet de vigie sondant 30 000 adultes québécois vaccinés et servant à estimer le nombre de cas dans la province vient tout juste d’être mis en branle. « Ce projet de vigie pourrait être reconduit dans les prochaines semaines et servira comme outil de suivi de l’évolution de la pandémie », peut-on lire sur le site. L’INSPQ ignore toujours quand les premiers résultats seront disponibles, selon un porte-parole.

Même s’il existe certes des biais d’échantillonnage, une méthode par sondage s’avère « très intéressante » comme solution de rechange, estime Roxane Borgès Da Silva.

« Pour les tests PCR, on voyait bien dans les sondages de l’INSPQ de l’automne que les gens allaient de moins en moins se faire tester, et c’est encore plus le cas avec l’avènement des tests rapides. Dans ce contexte, pour savoir quelle est la tendance de l’incidence des cas, une méthode par sondage permet de combler le manque de connaissances qu’on a », juge-t-elle.

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