Les changements climatiques augmentent les risques d’infections virales interespèces

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De la savane à la forêt boréale, des milliers de virus circulent « silencieusement » chez des centaines d’espèces animales. Du lot, au moins 10 000 virus pourraient infecter l’humain, mais les occasions de sauter de leur espèce à la nôtre manquent.
Les changements climatiques devraient cependant donner l’occasion à tout ce beau monde de se rencontrer et d’échanger ses virus, selon une étude parue la semaine dernière dans la revue scientifique Nature.
En se basant sur une imposante modélisation numérique portant sur 3100 espèces de mammifères, les chercheurs évaluent qu’environ 300 000 « premières rencontres » auront lieu entre des espèces qui n’interagissent normalement pas, ce qui occasionnera environ 15 000 « débordements viraux » d’ici 2070.
Certains lieux seront particulièrement propices aux rendez-vous. Les animaux qui fuiront la chaleur auront par exemple tendance à monter en altitude. Ainsi, deux espèces vivant de part et d’autre d’un massif montagneux pourraient se rejoindre au bout de leur ascension.
Certaines espèces auront aussi un effet disproportionné. Puisqu’elles volent, les chauves-souris — qui sont par ailleurs un réservoir viral important — pourront se déplacer plus rapidement pour s’adapter aux changements climatiques. Elles compteront pour la majorité des échanges viraux, estiment les scientifiques menés par Colin J. Carlson, de l’Université Georgetown, à Washington D.C.
Même s’il ne concerne pas l’Homo sapiens dans un premier temps, chaque échange viral augmente la possibilité de créer des « ponts » qui peuvent aider les virus à nous atteindre en bout de parcours. Ajoutons que les risques soulignés dans l’étude ne sont qu’une partie du problème : la modélisation ne comprend pas les oiseaux ni les agents pathogènes autres que les virus.
La multiplication climatique des débordements viraux serait déjà l’œuvre. En entrevue à The Atlantic, le virologue Vineet Menachery fait remarquer que la nouvelle publication dans Nature indique que la fréquence élevée de flambées virales observée dans les dernières décennies n’est pas une anomalie, mais plutôt « ce à quoi on devrait s’attendre, et qui pourrait même s’accélérer ».