Toujours plus de deux heures d’attente pour voir un médecin à l’urgence

Dans sa plateforme électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis de «réduire l’attente à 90 minutes en moyenne avant [qu’un patient voie] un médecin à l’urgence».
Photo: Adil Boukind Le Devoir Dans sa plateforme électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis de «réduire l’attente à 90 minutes en moyenne avant [qu’un patient voie] un médecin à l’urgence».

Malgré ses promesses, Québec n’est pas parvenu à réduire le temps d’attente pour la consultation d’un médecin à l’urgence. Le délai moyen de prise en charge médicale s’est élevé à 145 minutes (2 h 25) en 2021-2022, ce qui est légèrement supérieur à il y a cinq ans, d’après des données obtenues par Le Devoir. Le gouvernement Legault est bien loin de l’objectif de 90 minutes formulé à son arrivée au pouvoir, en 2018.

Dans sa plateforme électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis de « réduire l’attente à 90 minutes en moyenne avant [qu’un patient voie] un médecin à l’urgence ». Le gouvernement Legault maintient le cap pour 2022-2023. Mais le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a déjà révisé les cibles de son Plan stratégique 2019-2023. L’objectif de 2020-2021 est passé de 120 minutes à 132 pour la clientèle ambulatoire. Celui de 2021-2022 est moins ambitieux qu’à l’origine.

Depuis cinq ans, les Québécois qui vont à l’urgence doivent toujours être aussi patients entre le moment où ils passent au triage et celui où il voit un médecin. Ils ont attendu en moyenne cinq minutes de plus en 2021-2022 par rapport à 2017-2018. « Ça n’a pas bougé depuis 10 ans, dit le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher. Ça n’a pas empiré, mais ça ne s’est pas amélioré. »

Les délais moyens de prise en charge médicale, obtenus par Le Devoir auprès du MSSS, incluent la clientèle ambulatoire (dans la salle d’attente) et sur civière. Mais selon le Dr Boucher, l’attente pour les patients en soins ambulatoires est encore plus longue. « On estime actuellement à environ 2 heures et 50 minutes [170 minutes] le délai moyen de prise en charge médicale en ambulatoire. » En 2017-2018, ce chiffre s’élevait à 164 minutes, ajoute-t-il.

« Les services ambulatoires, c’est toujours la vache maigre de nos urgences, indique le Dr Boucher. Quand nos taux d’occupation sont très élevés, qu’il y a beaucoup de civières, qu’on manque d’employés, on coupe dans les soins mineurs, les soins ambulatoires. » D’où l’importance, poursuit-il, de réorienter les patients vers les ressources appropriées.

« Comprenable », dit Legault

Le Devoir révélait mardi que la durée moyenne de séjour sur civière aux urgences a atteint 16 heures et 45 minutes en 2021-2022, soit bien au-delà de la cible ministérielle d’origine, fixée à 12,5 heures.

Interpellé à ce sujet, le premier ministre François Legault a rétorqué que ce délai était « comprenable dans le contexte actuel », vu les 10 000 employés absents en raison de la pandémie et le rattrapage des opérations reportées. « Maintenant, ce qu’on souhaite, c’est de réduire ce temps-là à l’urgence, a-t-il affirmé. C’est déjà la moitié des personnes qui vont à l’urgence qui ne devraient pas être à l’urgence. Elles auraient dû être vues en première ligne dans une clinique privée ou un CLSC, en groupe de médecine de famille. » François Legault s’est dit convaincu de pouvoir améliorer la situation avec sa nouvelle députée, Shirley Dorismond, une infirmière.

Les oppositions y voient plutôt des aveux d’échec. « Je n’accepte pas la prémisse du gouvernement qui dit : “C’est structurel, ça a toujours eu lieu et il y a la pandémie, alors c’est ça qui est ça”, a indiqué le député libéral André Fortin. Si le gouvernement avait fait le travail convenablement au cours des dernières années, il aurait pu tendre vers sa promesse électorale, qui était un temps d’attente diminué, un temps d’attente de 90 minutes à l’urgence. »

S’il a reconnu que la pandémie avait « compliqué les choses », M. Fortin a néanmoins reproché au gouvernement de s’en servir comme « excuse » pour justifier ses « promesses brisées », que ce soit pour l’accès en santé ou aux services de garde, notamment.

Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, a quant à lui qualifié de « systémiques » les « échecs en santé » de la CAQ. « Ils avaient promis 90 minutes d’attente dans les urgences. C’est un échec. Ils avaient promis, comme tous les partis avant eux, un médecin de famille par Québécois. C’est un échec », a-t-il souligné.

Au Parti québécois, le député Joël Arseneau a énuméré une série de promesses non tenues de la CAQ, notamment concernant l’accès à des services en santé mentale ou à un médecin de famille. « Dans l’ensemble des enjeux en santé, ce qu’on constate, c’est que le gouvernement s’est donné des objectifs pour la campagne électorale et pour son mandat, mais on se demande quelles mesures ont été mises en place pour atteindre les objectifs, et on ne les voit pas », a-t-il déclaré.

À son avis, certaines promesses caquistes relevaient de la « pensée magique ». « Les problèmes étaient déjà là : quels étaient les moyens qu’ils avaient en tête [pour les régler] ? a-t-il demandé. On a perdu quatre ans. »

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