Devrait-on élargir plus vite l’accès à la quatrième dose de vaccin?
À la lumière de la très grande contagiosité du variant BA.2, Québec devrait reprendre le flambeau de la prévention et élargir l’accès à la quatrième dose de vaccin contre la COVID-19. D’autant plus que les dernières données montrent que plus du tiers des personnes emportées par la maladie depuis décembre avaient moins de 80 ans.
C’est du moins ce que défend la Dre Cécile Tremblay, professeure au Département de microbiologie, immunologie et infectiologie de l’Université de Montréal, qui juge qu’il y a une « discordance » importante entre ce que prône Québec à l’égard de la quatrième dose et ce qui est observé sur le terrain.
« On est vraiment en retard sur la réalité. Limiter la vaccination aux gens de 80 ans et plus et aux personnes immunodéprimées, ça envoie le message que les moins de 80 ans ne sont pas à risque. Or, on le voit, le risque demeure élevé chez les plus de 60 ans. Avec un variant aussi contagieux, tous ceux qui ont des facteurs de comorbidité devraient pouvoir aller chercher cette quatrième dose », soutient la Dre Tremblay.
Ses propos concordent avec le portrait des décès liés aux différentes vagues de la pandémie de COVID-19 qu’a récemment publié l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Si 62,4 % des personnes emportées par le virus dans les trois derniers mois (lors de la cinquième vague) avaient 80 ans ou plus, près du tiers (32,5 %) étaient âgées de 60 à 79 ans, et 4,9 % de 20 à 59 ans.
Facteurs de risque
Ce même rapport avance que la présence de facteurs de comorbidité, ce qui inclut une trentaine de problèmes de santé et de maladies chroniques, augmente de quatre à huit fois le risque de décéder de la COVID-19, et ce, peu importe l’âge des personnes infectées. Or, selon l’INSPQ, environ 1,1 million de Québécois de 25 ans et plus en présentent plus de deux.
La vaccination vient toutefois grandement réduire le risque pour ces personnes plus vulnérables. Une étude des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) des États-Unis a mesuré qu’une dose de rappel faisait passer la protection maximale contre le risque d’hospitalisation pour cause de COVID (cinq mois après la deuxième dose) de 50 % à plus de 90 %. Cette protection diminuait toutefois à 78 % quatre mois plus tard, d’où la recommandation de l’organisme américain selon laquelle il faut prôner l’octroi d’une quatrième dose aux plus de 50 ans.
Il revient au Comité sur l’immunisation du Québec de décider s’il faut élargir l’accès à la quatrième dose aux personnes de 60 ans et plus, ou même à celles de 50 ans et plus, admet la Dre Tremblay. Mais, selon elle, « tout un bassin de la population n’a pas une immunité suffisante » à l’heure actuelle.
Les campagnes d’administration de la quatrième dose ont été amorcées dans les CHSLD et les résidences pour aînés. Or, les données de février et de mars montrent qu’une forte majorité des décès (70 % en mars) sont survenus chez des gens vivant dans leur domicile.
Plus d’une centaine de quinquagénaires sont ainsi décédés depuis le début de la cinquième vague, soit plus que lors de toute autre période. Depuis le début de la pandémie, cette vague est aussi celle qui a emporté le plus de personnes de 40 à 49 ans (23) et de 20 à 29 ans (5).
Le système de santé « trop vulnérable »
Compte tenu du nombre extraordinaire de soignants absents en raison de la COVID-19, l’infectiologue disait la semaine dernière craindre que cette sixième vague soit aussi délétère pour le réseau de la santé que la cinquième. Elle n’en démord toujours pas.
« Il manque un message public clair qui réitérerait les consignes de port du masque et d’isolement. Tout ce qu’on entend, c’est que les cliniques de vaccination ferment leurs portes. On sent que le gouvernement veut plaire aux gens. On ne parle pas de cette sixième vague. Les gens interprètent cela comme si la pandémie était terminée », déplore celle qui juge d’ailleurs que Québec doit maintenir à tout prix le port obligatoire du masque tant et aussi longtemps que la vague actuelle fait rage.
On comptait lundi plus de 11 140 travailleurs absents du réseau de la santé, dont plus de 7000 en congé de maladie en raison de la COVID-19, un niveau comparable à celui atteint à la fin décembre 2021, avant le pic de la cinquième vague. Une situation qui annonce la reprise des délestages et qui aura des répercussions sur des milliers de patients toujours en attente d’un traitement ou d’une opération.
« On voit bien qu’on ne peut pas contrer la transmission actuelle juste en disant aux gens de gérer eux-mêmes leur risque personnel. Notre système de santé est trop vulnérable. C’est de la pensée magique. On a aussi la responsabilité collective de protéger les plus démunis, et le gouvernement a la responsabilité de tenir la population informée et à jour sur la situation », souligne la Dre Tremblay.
Plus encore, croit-elle, le risque de COVID longue durée demeure aussi dans l’angle mort du discours gouvernemental. Les premières études à ce sujet estiment que de 20 % à 30 % des gens infectés souffriraient de symptômes à plus long terme. « Même des jeunes sont aux prises avec des symptômes pulmonaires, neurologiques ou cardiaques persistants. On doit cesser de banaliser ça et de dire que la COVID, c’est une grippe. »
Sans préconiser le retour à des mesures restrictives, la Dre Tremblay croit que Québec doit reprendre le flambeau rapidement, relancer la prévention et élargir sans plus tarder l’accès à une quatrième dose de vaccin. Et limiter, s’il le faut, l’accès à certains lieux clos à haut risque tant que cette sixième vague ne se sera pas apaisée.
Le masque au-delà du 15 avril?
Tout indique que l’obligation de porter le masque dans les espaces intérieurs publics sera prolongée au-delà du 15 avril. Le premier ministre François Legault a déclaré que la question serait discutée dès lundi soir avec les autorités de santé publique. La situation pandémique, a-t-il dit, impose la réflexion. « Pour l’instant, il n’est pas question d’ajouter des consignes, a-t-il d’abord précisé. Pour ce qui est du masque, c’est une des choses qu’on va regarder. Est-ce qu’on prolonge de quelques semaines le port du masque ? Je pense que c’est une mesure qui est relativement facile à appliquer et qui est efficace pour éviter les infections. » M. Legault a affirmé que son gouvernement suivrait les recommandations de la Santé publique, et que celles-ci seraient rendues publiques lors de la conférence de presse que donnera mardi le directeur national de santé publique par intérim, le docteur Luc Boileau.
La Presse canadienne