Comment «vivre avec le virus» en pleine sixième vague?
Tandis qu’enfle la sixième vague au Québec, les citoyens portent désormais sur eux la responsabilité de se protéger. Le Devoir a interrogé trois experts pour préparer ses lecteurs à « vivre avec le virus ».
Sommes-nous bien protégés avec trois doses de vaccin ?
Avec trois injections dans le bras, le risque de tomber gravement malade diminue d’environ 80 %, d’après plusieurs études. Ce pourcentage doit être nuancé en fonction de notre âge, explique le Dr Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec. « Avec trois doses, si j’ai 20 ans, les risques d’avoir des complications sont vraiment très faibles. À 70 ans, le risque, même si on est vacciné, devient beaucoup plus faible, mais reste beaucoup plus élevé que si on avait 20 ans. »
Le Dr Karl Weiss, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal, note que l’arrivée de médicaments qui soulagent les cas les plus graves compense maintenant les failles des vaccins. « Ce n’était pas disponible dans les vagues précédentes », relève-t-il.
À (re)lire:
- Les tests rapides antigéniques dépistent plus tardivement les infections à Omicron
- Quel risque de se faire réinfecter par Omicron?
- 16% de surmortalité au Québec en janvier 2022 à cause d'Omicron
- La 3e dose efficace contre Omicron, confirme l’INSPQ
- Suivez l'évolution de la COVID-19 au Québec
- Pour en savoir plus sur les variants du virus de la COVID-19
La capacité du vaccin à prévenir la « COVID longue » reste quant à elle incertaine, avance pour sa part le Dr André Veillette, immunologiste à l’Institut de recherches cliniques de Montréal. « Ce n’est pas très clair, mais ce serait environ 50 %. »
Comment bien gérer notre isolement ?
On doit se considérer comme contagieux « tant qu’on a de la fièvre et que nos symptômes ne sont pas en voie de résolution », précise le Dr Gaston De Serres.
Ensuite, « après cinq jours, la plupart des gens ne sont pas infectieux », indique le Dr Weiss, qui conseille tout de même aux personnes infectées de rester prudentes durant dix jours.
Un test négatif obtenu après la disparition des symptômes signifie que l’on est guéri. « On peut en être raisonnablement confiant », ajoute le Dr De Serres.
Le Dr Veillette recommande toutefois un surplus de prudence et d’isolement à ceux qui souhaitent rencontrer des personnes âgées ou vulnérables. « Les partys, on devrait y aller mollo pendant quelques semaines. On retourne au Zoom », poursuit-il. Si quelqu’un a le besoin « absolu » d’être présent en personne, il doit respecter les mesures de protection (port du masque, lavage des mains, distanciation), qui permettent encore de prévenir la transmission du virus.
Devrait-on continuer de porter un masque même lorsque ce ne sera plus obligatoire ?
« Il ne faut pas croire que si quelque chose n’est plus obligé par le gouvernement, ce n’est plus nécessaire de le faire », nous prévient le Dr De Serres, d’autant plus que le port du masque « n’est pas si douloureux » comparativement aux bienfaits qu’il apporte sur le plan de la santé publique.
Le port du masque protège surtout les gens que l’on croise, mais peut également prévenir la contagion pour soi-même. « Les gens qui ont des facteurs de risque, facultativement, ces gens-là devraient continuer de porter un masque dans les espaces publics », recommande ainsi le Dr Weiss, qui note que plusieurs milieux continueront de l’exiger, notamment les hôpitaux.
Quoi faire si l’on a des symptômes, mais que l’on est déclaré négatif ?
« Ça m’est arrivé la semaine dernière, raconte le Dr Veillette. J’avais le nez bouché, mal à la gorge, mais j’ai obtenu un résultat négatif deux fois. […] Ce que j’ai fait, j’ai décidé de faire comme si j’avais la COVID-19 : j’ai évité les gens pendant 10 jours. »
Cette règle de précaution vaut pour n’importe quel symptôme grippal, ajoute-t-il. « Ça peut être une autre infection respiratoire, mais tu ne veux pas non plus la donner aux autres. C’est une étiquette de comportement. »
Une autre raison est que les tests rapides déclarent des « faux négatifs » dans 15 % à 25 % des cas symptomatiques. « La façon dont vous allez faire le prélèvement va être déterminante pour la validité du test », souligne le Dr Weiss.
Ces tests ont été d’ailleurs accueillis avec « beaucoup de réticence » par la communauté médicale, relève le Dr De Serres, en raison du faux sentiment de sécurité qui vient avec un résultat négatif.
Sommes-nous condamnés à contracter la COVID-19 ?
C’est « inévitable », selon le Dr André Veillette, « surtout avec les nouveaux variants ». Cependant, « beaucoup de gens vont l’attraper sans s’en rendre compte ».
Tout le monde va, un jour ou l’autre, « rencontrer le virus », nuance le Dr De Serres, car plusieurs personnes possèdent une immunité suffisante pour ne jamais tomber malades.
Il est aussi fort probable que plusieurs personnes l’attrapent plusieurs fois. Chaque fois, la gravité des symptômes risque, heureusement, de diminuer, à l’image de la grippe, selon le Dr De Serres. « On rencontre dans notre vie 2, 4, 5, 10 fois le virus de la grippe. La première fois, quand on était enfant, on en a arraché un petit peu. » Au fil des contacts, notre corps a appris à côtoyer le virus, et donc, « la majorité des adultes qui rencontrent le virus dans une saison de grippe n’ont aucun symptôme grâce à l’immunité acquise. Quant à la COVID-19, pour plusieurs personnes, c’est leur première exposition à ce virus-là ».
Cette fatalité ne signifie pas que l’on devrait s’exposer au virus par exprès, assurent les trois experts. « Pendant une grande vague qui va mettre le système de santé sous tension, ce n’est pas le temps de devenir malade », de dire le Dr De Serres.