La 5e vague, plus mortelle que les deux précédentes
La 5e vague, gonflée par Omicron, a fait plus de victimes à ce jour que les 3e et 4e vagues réunies, et a emporté dans son funeste sillage plus de 1700 Québécois en moins de deux mois.
Au moment où Québec relâche l’étau des mesures sanitaires et où les hospitalisations reculent, on parle peu des personnes qui succombent dans la vague actuelle. Or, les chiffres démontrent que la vague dominée par le variant Omicron s’avère l’une des plus mortelles depuis le début de la pandémie.
En seulement 57 jours, la marée actuelle d’infections a entraîné le décès de 1704 personnes, indique l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), et semble avoir détrôné le variant Delta sur le plan des victimes. En nombre absolu, cette 5e vague — toujours en cours — est d’ores et déjà près de trois fois plus mortelle que la 3e vague (printemps 2021) et cinq fois plus que la 4e (automne 2021). En janvier 2022, le sommet des décès quotidiens (79) a même dépassé celui observé (70) au plus fort de la 2e vague (janvier 2021).
Le Québec est resté marqué par l’ampleur de la vague qui a décimé les CHSLD et les résidences pour aînés en 2020. Celle liée à Omicron semble quant à elle faucher loin des regards surtout des personnes vivant à domicile. « Ce nombre de décès s’explique par le nombre d’infections qui a explosé et qui a dépassé celui des autres vagues. Le taux de décès est moindre, mais de façon absolue, il y en a plus. Il nous reste à analyser le profil des gens qui ont été touchés et quel variant était en cause », explique la Dre Rodica Gilca, médecin-conseil à l’INSPQ et coordonnatrice d’une étude en cours sur la mortalité liée à la COVID.
Pour l’instant, on sait que la très forte contagiosité d’Omicron, combinée à une transmission communautaire intense et soutenue en décembre et en janvier, a frappé les aînés vivant chez eux, jusqu’ici épargnés. L’INSPQ n’a toutefois pas encore de données sur le statut vaccinal des personnes décédées depuis le début de la 5e vague.
Mais on observe que 81 % des personnes atteintes de la COVID décédées en décembre vivaient à leur domicile, ainsi que 64 % de celles emportées au cours du mois de janvier. Les gens très âgés comptaient pour la vaste majorité de ces décès, mais deux fois plus de quinquagénaires et trois fois plus de sexagénaires sont morts depuis décembre que lors de la 4e vague.
Quel rôle l’accès à la troisième dose de vaccin pourrait-il avoir joué dans cette nouvelle vague de décès ?
Le Dr Réjean Hébert, gériatre qui a été ministre de la Santé sous le dernier gouvernement péquiste et qui avait qualifié d’« âgicide » le sort réservé aux aînés en CHSLD lors de la 1re vague, lance à nouveau un cri d’alarme. « Encore 1700 morts. Je suis bouleversé par cette insouciance. On dirait qu’on a développé une tolérance à la mort des aînés, et que tout ce qui compte maintenant, ce n’est plus de prévenir les morts, mais de sauver le système de santé ! »
Ce dernier estime que les retards dans l’octroi de la troisième dose aux aînés vivant à domicile pourraient expliquer en partie ce funeste tableau. « Les stratégies déployées pour donner la première et la deuxième dose aux aînés à domicile n’ont pas été aussi bien organisées pour la troisième dose. Les rendez-vous sont centralisés et difficiles d’accès. Cinquante mille personnes de plus de 70 ans à Montréal n’ont toujours pas reçu leur troisième dose », dit-il.
La Direction régionale de santé publique de Montréal n’a pas pu confirmer ce chiffre mercredi, et ne dispose pas encore de données fines par arrondissements sur la couverture vaccinale liée à la dose de rappel. Mais l’INSPQ fait état d’un taux de vaccination atteignant 80 % pour la dose de rappel chez les Montréalais de plus de 70 ans qui vivent dans la communauté. Il s’agit néanmoins du plus bas taux recensé au Québec, après le Nunavik (77 %), suivi par Laval (83 %) et la Mauricie (84 %).
Funeste partout
« On aimerait avoir plus d’informations sur le profil des gens qui décèdent actuellement, avance le Dr Hoang Duong, interniste à l’hôpital Le Gardeur et président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec. Dans ceux qui sont hospitalisés ou aux soins intensifs, il y a une très importante surreprésentation des personnes non vaccinées, ainsi que des plus jeunes immunodéprimés. »
La situation n’est pas différente en Ontario, comme ailleurs dans le monde. Dans la province voisine, janvier a été le troisième mois parmi les plus mortels depuis le début de la pandémie avec plus de 1000 morts, affirme Santé publique Ontario. Une situation due au nombre fulgurant de personnes infectées, et dont les répercussions auraient été bien pires en l’absence d’un taux de vaccination élevé. Au cours des cinq dernières semaines, plus de gens ont contracté la COVID-19 en Ontario que depuis le début de la pandémie.
En France, les autorités de santé publique viennent aussi de déclarer qu’Omicron entraîne désormais plus de décès que le variant Delta, compte tenu du grand nombre de personnes infectées et hospitalisées.
Aux États-Unis, la mortalité liée à la COVID s’est alourdie encore davantage avec la poussée d’Omicron, laquelle a entraîné un nombre de décès dépassant celui attribué l’automne dernier au variant Delta. Les États-Unis affichent présentement le plus haut taux de décès de la COVID-19 parmi les pays les plus riches de la planète, indiquait lundi le New York Times.
Au Québec, affirme la Dre Gilca, s’il est clair que la 5e vague est plus mortelle, il est encore difficile de mesurer la part des décès attribuables au variant Omicron, devenu prédominant (80 %) à la fin décembre. « Le variant Delta circulait encore en décembre. Donc, il se peut que des gens soient décédés du variant Delta jusqu’au début janvier. Après, on présume que la majorité des décès devaient être dus à Omicron », dit-elle.
Compte tenu des changements survenus dans les politiques de dépistage par test PCR, il est impossible de dire avec précision à l’heure actuelle le nombre réel d’infections dues à Omicron, et par conséquent le taux de mortalité associé à ces infections, ajoute la Dre Rodica Gilca. Mais selon elle, il est en deçà de 1 %. Au début de l’épidémie au Québec, le taux de mortalité avait atteint 10 %, pour ensuite chuter autour de 1 % à la fin de la 1re vague et au commencement de la 2e.