Le va-et-vient sanitaire fragilise les jeunes

La reprise des activités parascolaires et  du sport pour les jeunes, bien qu’elle risque d’entraîner une hausse des cas, est primordiale, car le bénéfice sur leur santé mentale serait plus important que le risque, plaident des  experts.
iStock La reprise des activités parascolaires et du sport pour les jeunes, bien qu’elle risque d’entraîner une hausse des cas, est primordiale, car le bénéfice sur leur santé mentale serait plus important que le risque, plaident des experts.

Le gouvernement Legault donne son feu vert à la reprise des activités parascolaires et du sport pour les jeunes dès lundi prochain. Des médecins qui travaillent auprès des enfants et des adolescents saluent cette décision. Mais ils exhortent Québec à ne pas tout arrêter si la situation sanitaire se détériore. La santé mentale des jeunes en dépend, affirment-ils.

« Il faut que ça tienne le coup, dit le Dr Olivier Jamoulle, chef du Service de médecine de l’adolescence au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. [Il ne faut pas tout refermer] dans quatre semaines parce que les cas augmentent. Il va falloir qu’on gère ça d’une autre façon et que les écoles restent ouvertes pour de bon, ainsi que les sports, pour les jeunes. »

Les adolescents fragilisés par la pandémie supportent mal le yoyo des mesures sanitaires (ouverture-fermeture-ouverture-fermeture…), signale le pédiatre. « Ce sont des jeunes pour qui toute rupture dans leur rythme est vraiment difficile » à vivre, précise-t-il.

La cinquième vague de COVID-19 a frappé fort parmi eux. Elle a été vécue « comme un retour en arrière » et a généré de la détresse, selon le Dr Martin Gignac, chef du Département de psychiatrie pour enfants et adolescents à l’hôpital de Montréal pour enfants. « Beaucoup de jeunes ne se sont pas bien adaptés à la reprise des cours en ligne, affirme-t-il. J’avais dirigé plusieurs de mes patients vers la première ligne, vers des pédiatres, mais depuis le début du mois de janvier, on a des demandes de consultation [de leur part]. »

La suspension des activités parascolaires, qui servent d’« exutoire pour gérer le stress et les émotions négatives », mine le moral des adolescents, indique le Dr Gignac. « C’est comme si on privait les jeunes de cet espace où ils peuvent se libérer », estime-t-il.

Crainte d’une autre vague en santé mentale

Difficile, pour le moment, de mesurer les répercussions réelles du dernier confinement sur la santé mentale des jeunes. « L’expérience des deux ans de pandémie [nous a montré] que, chaque fois qu’on a eu un pic infectieux, on a eu une vague de détresse psychologique quelques semaines plus tard, explique le Dr Jamoulle. Le recul [par rapport à la vague Omicron] n’est peut-être pas assez grand, mais les inquiétudes sont élevées concernant les répercussions de tous ces changements de rythme sur ces jeunes qui sont bousculés sans arrêt et qui n’ont plus de contrôle. »

Beaucoup d’adolescents « démotivés » sont devenus « extrêmement sédentaires », se désole le Dr Jamoulle. « Le temps d’écran a vraiment explosé, dit-il. C’est un peu le côté “démotivation générale” qui nous inquiète aussi. »

La Dre Marie-Claude Roy, membre du conseil d’administration de l’Association des pédiatres du Québec, salue la « très bonne décision » de Québec de permettre de nouveau les activités parascolaires et le sport pour les moins de 18 ans. « Mais on ne peut pas se permettre un nouveau recul, pense-t-elle. De la même façon qu’on s’est dit qu’on ne pouvait plus interrompre l’école, il est temps qu’on prenne les mêmes décisions pour le sport et les activités parascolaires. Et ce n’est pas un caprice pour les jeunes. »

Les sports et les activités parascolaires, notamment artistiques, sont essentiels au développement des jeunes pendant l’adolescence, une « période charnière » de courte durée, rappelle la pédiatre au CIUSSS de l’Estrie. « C’est une façon pour les adolescents de se construire comme individus, une façon d’aller chercher une gratification en dehors des murs de la maison, de se lier avec des pairs, de se laisser guider et inspirer par des entraîneurs », explique-t-elle.

En plus d’être bénéfique pour la santé mentale, le sport permet aux adolescents de garder la forme et d’adopter de saines habitudes de vie qu’ils conserveront une fois adultes. « J’ai beaucoup de patients qui ont arrêté de faire du hockey et qui ont pris du poids », déplore la Dre Roy.

La docteure estime que les matchs et les compétitions — suspendus jusqu’à nouvel ordre — doivent reprendre le plus rapidement possible. « C’est bien de développer ses habiletés techniques, mais qu’est-ce qui motive ces jeunes-là à s’entraîner en équipe, à se dépasser ? C’est évidemment de pouvoir jouer des matchs. » La Dre Roy reconnaît que ces allègements entraîneront une transmission de la COVID-19. Mais, selon elle, il faut l’accepter, comme on le fait pour les écoles.

Le Dr Martin Gignac, lui, invite les parents de jeunes à sortir « du discours ambiant un peu négatif ». « Je pense que les adultes devraient être conscients du fait que les jeunes ont besoin de modèles de résilience, et non pas de modèles de découragement, dit-il. Le danger, c’est que, par imitation, il y ait un discours qui ne soit pas rempli d’espoir. Comme adultes, on a la responsabilité de ne pas contaminer les jeunes, qui n’ont peut-être pas la maturité nécessaire pour prendre un pas de recul et dire que c’est seulement un moment à passer. »

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