Les consultations non urgentes mises de côté

Entre 9000 et 9200 Québécois se rendaient chaque jour dans les urgences au mois de décembre, selon le Dr Gilbert Boucher.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Entre 9000 et 9200 Québécois se rendaient chaque jour dans les urgences au mois de décembre, selon le Dr Gilbert Boucher.

Les Québécois qui ont un suivi annuel avec leur médecin de famille dans les prochaines semaines doivent s’attendre à un report de leur rendez-vous. Vague Omicron oblige, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) demande aux omnipraticiens de délaisser des activités médicales non urgentes et de libérer des plages horaires pour du « sans-rendez-vous » accessible à toute la population.

« Tout ce qui est de routine et sans pertinence immédiate est reporté », explique le Dr Réal Barrette, coprésident du Comité clinique de dépistage COVID-19 et 1re ligne du MSSS, en entrevue avec Le Devoir. Il cite comme exemples le suivi d’un patient ayant un « diabète stable » ou des « cas de CNESST » (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) qui n’impliquent pas de retour au boulot dans un court horizon.

« Un patient qui a des lombalgies depuis quatre mois et que je vois aller, il ne sera pas prêt dans trois semaines [pour retourner au travail]. Ça ne donne rien de le revoir dans trois semaines, explique le Dr Réal Barrette, un médecin de famille propriétaire de cinq groupes de médecine de famille (GMF) et super-cliniques (GMF-Réseau) à Montréal. Je vais lui donner un rendez-vous dans six semaines. »

Tout ce qui est de routine et sans pertinence immédiate est reporté

 

Les employés dont le retour au travail est imminent seront vus, assure-t-il. Si la situation sanitaire l’exige, les médecins de famille pourraient aussi « en arriver à prioriser les travailleurs de la santé et les travailleurs essentiels » en arrêt de travail, ajoute le Dr Barrette.

Moins de patients aux urgences

 

En libérant des plages de consultation, les médecins de famille peuvent voir davantage de patients « sans rendez-vous » et contribuer à désengorger les urgences des hôpitaux. Les centres hospitaliers redirigent d’ailleurs les malades jugés non prioritaires vers les cliniques. Et « ça marche », selon le Dr Barrette.

« Ça aide beaucoup, confirme le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec. Il y a beaucoup moins de patients qui viennent en ce moment aux urgences pour de petits problèmes. »

Entre 9000 et 9200 Québécois se rendaient chaque jour dans les urgences au mois de décembre, selon le Dr Gilbert Boucher. « On est rendu à 6500 ou 6700, dit-il. L’accès à la première ligne, c’est sûr que ça a aidé. Mais les gens ont aussi peur de venir à l’hôpital [en raison de la COVID-19]. »

Le Dr Barrette observe aussi une tendance « à moins consulter ». « Les gens sortent moins, font moins d’activités et se blessent moins, ajoute-t-il. Ils ont aussi accès à leur propre médecin de famille plus rapidement. » Les patients orphelins ont aussi accès aux cliniques sans rendez-vous même s’ils ne sont pas suivis en GMF.

Selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), bien des patients demandent une téléconsultation plutôt qu’une rencontre en cabinet, afin d’éviter de contracter la COVID-19. Les problèmes de santé mentale se prêtent bien à cette formule, rappelle le directeur des communications de la FMOQ, Jean-Pierre Dion, puisque la détresse est grande dans la population. « Probablement qu’entre 35 et 40 % des consultations en première ligne actuellement ont un lien avec la santé mentale », estime-t-il.

Plus de patients en attente d’un médecin de famille

Le délestage d’activités en première ligne a aussi un effet sur la prise en charge de nouveaux patients au Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF). Le MSSS dit prioriser les « patients avec vulnérabilités, car ces rendez-vous sont complexes à organiser et nous ne souhaitons pas les repousser ».

Actuellement, le délai d’attente moyen pour les patients enregistrés au GAMF et jugés prioritaires (atteints d’un cancer, du VIH/sida ou âgés de plus de 70 ans ou de moins de deux ans) est de 462 jours, selon le MSSS. Il atteint 609 jours pour les personnes jugées non prioritaires.

D’après le MSSS, 945 260 Québécois étaient sur la liste d’attente du GAMF au 31 décembre 2021, une hausse de 15 841 personnes par rapport au mois précédent. Ce nombre s’élevait à 630 722 en mars 2020.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a annoncé à la mi-novembre le déploiement d’ici le printemps 2022 du Guichet d’accès à la première ligne pour la population orpheline (GAP), qui vise à offrir des services aux personnes sans médecin de famille.



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