Une troisième dose de trop pour les aînés ayant eu la COVID-19
Avis aux 70 ans et plus : si vous avez souffert de la COVID-19, une troisième dose de vaccin n’est plus recommandée. Le Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) a changé son fusil d’épaule après que des aînés en CHSLD qui avaient déjà contracté la maladie ont été victimes d’importants effets secondaires lors de la dose de rappel.
C’est la Dre Sophie Zhang, co-cheffe adjointe de l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui a alerté le CIQ et le ministère de la Santé et des Services sociaux à ce sujet.
La Dre Zhang et les médecins pratiquant dans les CHSLD qu’elle gère ont observé « beaucoup beaucoup beaucoup d’effets secondaires » chez les aînés qui avaient eu la COVID-19 et avaient déjà reçu deux doses, contrairement à ceux qui n’avaient pas contracté la maladie.
L’opération vaccinale a débuté le 18 octobre. Une troisième injection du vaccin Moderna a été donnée aux résidents. Peu de temps après, de nombreux aînés ont souffert de forte fièvre et ont vu leur état général se dégrader (perte d’appétit, faiblesse, fatigue et léthargie), indique la Dre Zhang. « Dans certains cas, plus sévères, la personne avait de la difficulté à respirer et le taux d’oxygène baissait », ajoute-t-elle. Des aînés se sont aussi retrouvés en delirium, selon la médecin.
Ébranlée par la situation, l’équipe du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a cessé 48 heures plus tard la troisième dose chez les aînés ayant déjà eu la COVID.
Des résidents sont-ils décédés ? « C’est vraiment délicat comme question, répond la Dre Zhang. Quand un aîné en CHSLD décède, comment dire que c’est le vaccin ou pas le vaccin [qui a entraîné la mort] ? » Elle rappelle que l’espérance de vie des résidents est « très courte » et que des décès sont enregistrés chaque semaine dans ces milieux de vie.
La Dre Zhang précise toutefois que son équipe a soumis à la Santé publique « plusieurs déclarations de manifestations cliniques inhabituelles », la procédure à suivre « quand il y a un effet secondaire grave ou un décès, si on pense qu’il y a un lien peut-être avec le vaccin, surtout parce que c’est arrivé peu de temps après ».
Changement de position du CIQ
Le CIQ a analysé les données préliminaires recueillies par la Dre Zhang et ses collègues. « On n’a pas eu de signaux du même ordre de la part des autres régions », précise le Dr Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste membre du CIQ.
Le comité a néanmoins modifié ses recommandations dans un avis rendu public le 9 novembre. Depuis, l’administration d’une troisième dose de vaccin « n’est plus recommandée » pour les aînés qui ont contracté la COVID. Il s’agit d’un changement de position puisque dans un avis rendu public le 28 septembre, le CIQ indiquait que « les personnes ayant fait une infection et ayant reçu par la suite deux doses de vaccin pourraient aussi recevoir une dose de rappel six mois ou plus après la dernière dose reçue ».
Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal s’est basé sur cet avis pour lancer rapidement sa campagne vaccinale dans les CHSLD le 18 octobre. À l’époque, la dose de rappel de Moderna n’avait pas encore été approuvée par la Food and Drug Administration, l’équivalent américain de Santé Canada. Ce n’est que deux jours plus tard que le produit a été homologué aux États-Unis avec un demi-dosage, soit 50 microgrammes plutôt que 100.
« Nous, on a donné du 100 microgrammes, dit la Dre Zhang. Probablement qu’on n’aurait pas dû donner le Moderna à ce moment-là. »
Selon le Dr De Serres, « la conjonction de ce dosage plus élevé et l’administration du vaccin Moderna à des gens qui avaient déjà fait l’infection et qui avaient eu deux doses » a « possiblement contribué » aux effets secondaires constatés chez ces aînés. « Mais qu’est-ce qui serait arrivé si on avait donné 50 microgrammes plutôt que 100 ? C’est pas clair », dit-il.
La Dre Caroline Quach-Thanh, qui siège aussi au CIQ, souligne qu’à la fin septembre, au moment de la publication de l’avis sur la pertinence d’une troisième dose chez les aînés vivant en CHSLD et en résidences privées, « personne ne savait » que Moderna soumettrait une dose de rappel avec un dosage « différent ». « Pfizer avait fait la demande d’homologation de sa troisième dose avec la même dose, 30 microgrammes [d’ARN messager] », affirme-t-elle.
Les recommandations du CIQ ont été faites dans l’« urgence du moment », plaide la microbiologiste-infectiologue. « Il y avait quand même une pression du terrain parce qu’ils avaient peur que l’immunité baisse et qu’ils se retrouvent avec des éclosions, dit-elle. Il commençait à y avoir des infections dans des résidences pour personnes âgées. »
Selon la Dre Quach-Thanh, cet événement est néanmoins la preuve que le CIQ peut changer ses recommandations « quand il y a un signal sur le terrain, aussi petit soit-il ».
La Dre Zhang, elle, tient à rassurer les aînés sur la troisième dose. « Si c’était ma mère, qu’elle n’avait pas eu la COVID et qu’elle avait reçu deux doses, je serais très à l’aise qu’elle prenne sa troisième dose. Je ne suis pas inquiète des effets secondaires. Mais si sa mère avait eu la COVID, je lui dirais “prends pas ta 3e dose, tu es correcte avec deux”. »
Une infection compte pour une dose. Et peut-être même un peu plus.
3e dose recommandée pour les 50 ans et plus au Canada
Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) « recommande fortement » qu’une dose de rappel d’un vaccin à ARN messager, soit ceux de Pfizer-BioNTech et Moderna, soit offerte aux Canadiens âgés de 50 ans et plus, aux travailleurs de la santé de première ligne, à ceux qui ont reçu les vaccins à vecteur viral (AstraZeneca ou Janssen) ainsi qu’aux communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Quant aux 18 à 49 ans, le CCNI « recommande » qu’une dose de rappel d’un vaccin à ARN messager puisse être proposée « au moins six mois après » la deuxième dose.
En point de presse vendredi, le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé s’est réjoui des recommandations du CCNI. Il a dit attendre les recommandations du directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda. « J’espère bien être capable de vous annoncer quelque chose en début de semaine prochaine », a-t-il indiqué.