La FIQ veut mettre fin au temps supplémentaire obligatoire
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme
Si la convention collective de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) vient d’être signée après plus de 18 mois d’âpres négociations, il est un point sur lequel les discussions continuent particulièrement d’achopper : le recours jugé outrancier au temps supplémentaire obligatoire (TSO). Abhorré par les professionnels en soin ? C’est peu dire ! À en croire le syndicat, il s’agirait de LA principale raison expliquant la désertion du personnel ces dernières années et sa frilosité à remonter à bord malgré les appels du pied du gouvernement.
« Notre qualité de vie passe par l’arrêt du TSO. On ne le répétera jamais assez, c’est ce qui a éteint la flamme chez nos professionnels en soin », estime, catégorique, Patrick Guay, vice-président aux relations de travail à la FIQ.
Pour M. Guay, cela explique d’ailleurs la réponse plutôt timide qu’ont recueillie à ce jour les arguments financiers brandis par le gouvernement pour favoriser l’embauche d’infirmières. « L’argent ne réglera pas tout. Il faut modifier et améliorer les conditions de travail et c’est là qu’on verra un engouement et plus de personnes disposées à venir nous prêter main-forte », insiste-t-il.
Comptant 76 000 membres, ce syndicat — qui traverse une crise interne ayant atteint son sommet cette semaine avec la démission de son ex-présidente Nancy Bédard, remplacée, pour l’intérim, par Nathalie Lévesque, désignée à l’unanimité à l’issue d’un conseil national extraordinaire, mercredi — représentant la grande majorité des infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques de la province, vient de lancer un plan de mobilisation en vue de mettre fin au TSO comme mode de gestion d’ici le 15 novembre prochain. Pour ce faire, la FIQ a notamment décidé de mettre en demeure les ordres professionnels et la Direction nationale des soins et services infirmiers.
Impossible conciliation
« Le TSO a un impact majeur sur nos vies. Quand on vient vous voir à la fin de votre quart de travail pour vous dire qu’on t’oblige à rester, cela signifie que si vous êtes une infirmière monoparentale et que vous avez un enfant à la garderie, vous allez devoir trouver quelqu’un pour aller le chercher. Tout le monde ne dispose pas de parents, d’un conjoint, etc. pour s’en occuper. Un stress additionnel est mis sur la vie familiale », souligne M. Guay, qui considère que la conciliation travail-famille n’existe plus pour les professionnels en soins de santé. « Notre vie est régie en fonction du travail », résume-t-il.
Aussi, le TSO constitue-t-il un irritant d’autant plus grand qu’il s’accompagne d’une surcharge de travail due à la pénurie de main-d’œuvre, pénurie que l’imposition du TSO contribue à aggraver. « En plus de devoir faire un deuxième quart de travail non voulu, je dois faire l’ouvrage d’un deuxième professionnel en soins qui n’est pas là. Cette situation augmente le risque d’erreurs médicales. C’est un engrenage sans fin : qui dit surcharge de travail, dit plus d’accidents, plus d’absences invalidité et [ultimement] moins de personnes dans le réseau », fait valoir M. Guay en détaillant les méandres de ce « cercle vicieux », qui contribue à l’épuisement professionnel du personnel infirmier.
Des chiffres qui en disent long
Publié à l’automne 2020, un rapport de Statistique Canada sur les heures supplémentaires travaillées par les professionnels en soin infirmiers pendant la pandémie permet de se faire une idée du phénomène. D’après ces données, au Québec, la moyenne des heures supplémentaires hebdomadaires est passée de 6,2 heures en mai 2019 à 16,9 heures en mai 2020.
Par ailleurs, selon une étude pancanadienne parue en juin 2020 et réalisée avant la pandémie par des chercheurs de l’Université de Regina, une infirmière sur trois (36,4 %) a reçu un résultat positif de trouble dépressif majeur, tandis que plus d’une infirmière sur quatre a reçu un résultat positif de trouble anxieux généralisé (26,1 %) et d’épuisement professionnel (29,3 %). Enfin, une infirmière sur trois mentionne avoir eu des idées suicidaires (33 %). Aussi, la principale source de stress extrême mentionnée par le personnel infirmier dans cette étude est le manque de main-d’œuvre (83,4 %).
Patrick Guay croit quant à lui que seule une décision politique ferme du gouvernement pourra mettre un terme à cette situation depuis longtemps décriée. Or, selon lui, la détresse des professionnels en soin n’est pas comprise par le ministre de la Santé. La FIQ l’invite ainsi à venir faire un quart de travail de 16 heures afin qu’il constate la situation par lui-même.
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