L’anxiété gériatrique, ou quand l’angoisse n’a pas d’âge
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Bien vieillir, rester jeune
Si nous sommes nombreux à connaître des personnes âgées anxieuses, peu d’entre nous prennent le temps d’y voir de possibles troubles anxieux pouvant parfois perturber de manière significative le quotidien de nos aînés. Sébastien Grenier, psychologue et fondateur du programme de recherche sur l’anxiété gériatrique de l’Université de Montréal, s’intéresse à ce problème de plus en plus courant.
Alors que l’anxiété chez les jeunes fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années, l’anxiété gériatrique, elle, demeure inconnue du public. Pourtant, les symptômes sont bel et bien les mêmes : pensées anxiogènes constantes, incapacité à fonctionner en raison d’un trop grand stress, maux physiques, phobies ciblées, entre autres. Si l’anxiété est le mal du siècle, elle n’épargne certainement pas les membres de l’âge d’or.
Un mal bien caché ?
« Il faut d’abord définir ce qu’est une personne âgée », explique Sébastien Grenier. Car si pour une majorité de Québécois, les personnes de 65 ans et plus sont des personnes âgées, il existe des différences non négligeables entre les tranches d’âge lorsqu’il s’agit d’anxiété. « Nos études visent effectivement les gens de 65 ans et plus, mais pour avoir fait beaucoup de consultations en clinique privée avec des gens âgés de 80 à 85 ans, je peux vous assurer qu’on parle d’une anxiété très différente selon la période de la vie », précise le spécialiste.
En effet, s’il y a un élément qui change du tout au tout en fonction de l’âge des personnes souffrant de troubles anxieux, c’est le déclencheur de l’anxiété. L’anxiété d’une jeune de 20 ans sera par exemple liée à ses résultats universitaires, à ses finances ou à son logement. Pour une personne anxieuse entrant dans la soixantaine, le déclencheur sera par exemple le départ à la retraite et l’adaptation à une nouvelle vie. Chez les personnes plus âgées, les déclencheurs seront parfois moins concrets et plus profonds. On peut penser à la peur de l’abandon ou à la peur de l’isolement. Pour d’autres, ce sera la peur d’un mal physique qui prendra le dessus, par exemple la peur de tomber ou encore la peur d’être atteint d’une maladie incurable.
Il faut être bien entouré pour être heureux, et ça, ce n’est pas un secret ! C’est plus important que tout, et encore plus pour les personnes âgées. »
« Le problème avec l’anxiété gériatrique, c’est qu’elle est souvent camouflée par les problèmes physiques qui, eux, seront diagnostiqués par le médecin, explique Sébastien Grenier. Parfois, il s’agit réellement d’anxiété mal gérée et camouflée. Par exemple, quand une personne âgée va voir son médecin pour des maux chroniques au ventre ou des migraines, ceux-ci peuvent être causés par l’anxiété, et ça rend la tâche difficile au médecin. »
L’équipe de recherche de M. Grenier conseille donc aux proches de personnes âgées d’être attentifs aux changements de comportement et de demeurer très à l’écoute de leurs états d’âme.
Soulager de notre mieux
Si l’anxiété gériatrique est plus ardue à diagnostiquer et qu’il peut être complexe pour les proches de déterminer à quel moment les inquiétudes prennent trop de place dans la vie d’une personne âgée, un signe ne ment pas : la capacité de cette personne à fonctionner. L’interférence des inquiétudes dans le quotidien de la personne âgée est une question fondamentale lorsqu’on parle de diagnostic.
« C’est un aspect qui n’est pas évident à déterminer même chez les jeunes. Je crois que, peu importe l’âge, la question demeure la même : est-ce que les inquiétudes empêchent la personne de fonctionner dans la journée ? Est-ce que ça l’empêche de dormir ? C’est lorsque l’inquiétude est constante qu’elle mérite d’être traitée de façon médicale », explique M. Grenier.
Même si un traitement par médication peut parfois sembler l’option la plus facile pour les proches d’une personne anxieuse, ce n’est pas nécessairement le cas. De son point de vue de psychologue, Sébastien Grenier déconseille d’ailleurs les médicaments en premier recours à ceux qui souffrent d’anxiété, qu’ils soient vieux ou jeunes.
« Je suis convaincu que la psychothérapie devrait demeurer la meilleure voie pour les personnes souffrant d’anxiété. Et puis, certains médicaments de type antidépresseur ont également comme effet d’augmenter les pertes d’équilibre et les risques de chute en plus d’augmenter les troubles de mémoire », explique-t-il.
Outre la psychothérapie de style cognitivo-comportementale, M. Grenier recommande un environnement bienveillant et constant pour les personnes âgées, doublé d’une écoute attentive de la part de leurs proches. Lorsque ces personnes ont des proches à qui se confier et à qui parler de leurs angoisses, elles deviennent rapidement plus sereines et le pas vers la thérapie se fait plus facilement.
« Il leur faut des gens avec qui elles sont à l’aise pour les aider à verbaliser comment elles se sentent, conclut le chercheur. Il faut être bien entouré pour être heureux, et ça, ce n’est pas un secret ! C’est plus important que tout, et encore plus pour les personnes âgées. Écoutez-les, c’est le meilleur moyen de leur venir en aide. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.