Des experts appellent à la prudence lors des grands rassemblements pendant les matchs

Jeudi, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Centre Bell pendant plusieurs heures alors que le Tricolore menait et gagnait son sixième match contre les Golden Knights. 
Photo: Hubert Hayaud Le Devoir Jeudi, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Centre Bell pendant plusieurs heures alors que le Tricolore menait et gagnait son sixième match contre les Golden Knights. 

Le risque de transmission de la COVID-19 est faible à l’extérieur, mais il existe, surtout lorsque les règles sanitaires ne sont pas respectées, rappellent des experts, quelques jours après que des milliers de partisans du Canadien de Montréal se sont rassemblés près du Centre Bell pour encourager leur équipe favorite, sans masque ni distanciation physique.

« On parle d’une probabilité faible à l’extérieur. Cela étant dit, on n’est pas à l’abri. Il suffirait d’un seul super propagateur qui crie et qui chante suffisamment fort, qui hurle et qui postillonne sur plusieurs personnes, pour que ce soit le début d’une éclosion », laisse tomber la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva.

Jeudi, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Centre Bell pendant plusieurs heures alors que le Tricolore menait son sixième match contre les Golden Knights de Las Vegas. Au moment de l’annonce de la victoire du Canadien, qui prendra part à la finale de la Coupe Stanley pour la première fois en 28 ans, les partisans du Tricolore ont crié de joie, avant de s’aventurer dans les rues du centre-ville. La plupart d’entre eux ne portaient pas de masque et ne respectaient pas la distanciation physique, a constaté Le Devoir. 

« C’est très inquiétant », glisse l’épidémiologiste Nimâ Machouf, qui voit là « un danger » réel en matière de transmission de la COVID-19.

On crie, on chante, on s’embrasse. Ce sont toutes des choses qu’on ne doit pas faire avec la situation dans laquelle on est, qui est quand même fragile.

Dans les prochains jours, au moins deux matchs du Canadien auront d’ailleurs lieu au Centre Bell, les 2 et 5 juillet, tandis qu’un troisième pourrait lui aussi avoir lieu à domicile le 9 juillet, tout dépendant de la performance du Tricolore dans la série finale de la Coupe Stanley. En prévision de ces événements, des experts appellent les partisans à la prudence.

« Le fait d’être tous collés comme des sardines, quelques milliers de personnes, c’est sûr que ça peut mener à quelques cas de transmission [de la COVID-19] », estime l’expert en virologie et professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, Benoit Barbeau. « Ce ne serait pas surprenant », ajoute-t-il.

L’expert rappelle cependant que de nombreuses études démontrent que le risque de transmission de la COVID-19 est nettement plus faible à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le nombre de nouveaux cas de la COVID-19 dans la province a par ailleurs suivi une courbe descendante dans les derniers jours.

« C’est sûr qu’à l’extérieur, le risque de transmission est 19 fois moins élevé qu’à l’intérieur » , confirme Nimâ Machouf. Il n’est cependant « pas nul », surtout lorsque les règles sanitaires de base sont négligées.

« On crie, on chante, on s’embrasse. Ce sont toutes des choses qu’on ne doit pas faire avec la situation dans laquelle on est, qui est quand même fragile », lance l’experte.

Les jeunes plus à risque

Le taux de vaccination contre la COVID-19 des jeunes traîne d’ailleurs de la patte par rapport à l’ensemble de la population. Ainsi, 66,1 % des Québécois de 18 à 29 ans ont reçu une dose en date de vendredi, contre 80,7 % pour l’ensemble des personnes de 12 ans et plus, indique l’Institut national de santé publique du Québec. Quant à la deuxième dose, à peine 6,3 % des personnes âgées de 18 à 29 ans l’ont reçu jusqu’à maintenant.

Or, « c’est certain que ces gens-là vont représenter une grande proportion des attroupements que l’on va voir près du Centre Bell ou dans les rues de Montréal lors d’un match [du Canadien] », souligne M. Barbeau. Les jeunes sont ainsi plus à risque de contracter le variant Delta de la COVID-19, plus contagieux, qui a forcé samedi l’imposition d’un nouveau confinement de deux semaines dans l’ensemble de la ville de Sydney, l’une des plus grandes d’Australie.

« C’est pour ça que la campagne vaccinale, qui a été un succès au Québec jusqu’à maintenant, doit renchérir et inciter cette tranche d’âge là à être pleinement vaccinée, afin qu’on prévienne des éclosions durant l’été, mais aussi qu’on se positionne plus favorablement face à une quatrième vague à l’automne », constate ainsi Benoit Barbeau.

Pour augmenter le taux de vaccination des jeunes, Mme Borgès Da Silva propose notamment de prolonger les horaires des cliniques de vaccination plus tard en soirée et d’augmenter la présence de celles-ci dans les différents secteurs de Montréal afin de réduire le temps de déplacement nécessaire pour se rendre à celles-ci. « Il faut absolument amener la vaccination [aux jeunes] », illustre-t-elle.

Capacité limitée

 

Afin de réduire les risques de transmission de la COVID-19, la Ville de Montréal et le SPVM auraient avantage à encourager et à tolérer l’installation d’écrans dans les parcs de Montréal les soirs de matchs du Canadien afin de répartir les partisans en plus petits groupes, estime Nimâ Machouf. « J’aime mieux voir 100 rassemblements de 100 personnes qu’un rassemblement de 10 000 personnes [devant le Centre Bell] », illustre-t-elle.

L’épidémiologiste estime d’ailleurs que la capacité d’accueil du Centre Bell pourrait être augmentée, dans le contexte où l’ensemble des spectateurs doivent porter le masque et respecter la distanciation physique. Le Centre Bell peut actuellement accueillir 3500 spectateurs sur une capacité de plus de 21 000.

« Je ne dirais pas qu’il faut le remplir. Mais si les gens sont regroupés par bulles et bien répartis, on peut augmenter la capacité bien au-delà de 3500. Un tiers de capacité, ce serait sécuritaire », analyse-t-elle.

Benoit Barbeau ne partage toutefois pas son avis. « Si vous commencez à augmenter le nombre [de spectateurs], on risque premièrement d’avoir plus de difficulté à contrôler le respect des mesures. Mais également, il y aura plus de gens qui vont être en contact l’un avec l’autre », appréhende le virologue.



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