L’avis du CCNI sur les vaccins «préférentiels» sème confusion et craintes

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a semé de la confusion et des craintes, lundi, en contredisant les recommandations que les Canadiens reçoivent depuis des semaines : prendre le premier vaccin contre la COVID-19 qui leur sera offert, sans attendre.
L’Association des pharmaciens du Canada affirme que la recommandation du CCNI est inutile et risque de rendre plus difficile l’atteinte de l’immunisation collective. Phil Emberley, directeur intérimaire des affaires professionnelles à l’Association, se dit « déçu » de cette recommandation, qui pourrait selon lui pousser plus de Canadiens à hésiter à se faire vacciner, ou à recevoir leur deuxième dose.
Le Comité consultatif a indiqué lundi que sur papier, il était préférable de se faire vacciner avec le Pfizer-BioNTech ou le Moderna, à ARN messager (ARNm), plutôt qu’avec un vaccin à vecteur viral, comme l’AstraZeneca ou le Johnson et Johnson. Dans certains cas, donc, les Canadiens devraient peut-être attendre « de se voir proposer un vaccin à ARNm ». Tout dépend, en fait, des risques que pose la COVID-19 dans son milieu.
« Depuis le début, on a toujours dit que les vaccins à ARN messager étaient préférentiels par rapport aux vaccins à vecteur viral », soutenait lundi la docteure Caroline Quach, présidente du CCNI.
Les vaccins Johnson & Johnson et AstraZeneca ont été associés à un effet secondaire, extrêmement rare, de caillots sanguins. Le CCNI recommande aux Canadiens de déterminer si le risque de contracter la COVID-19 en attendant de recevoir l’un de ces vaccins « préférentiels » l’emporte sur les avantages d’une administration plus immédiate d’un vaccin à vecteur viral comme l’AstraZeneca.
La docteure Shelly Deeks, vice-présidente du CCNI, explique ainsi qu’une personne qui travaille chez elle dans une province où il n’y a pas beaucoup de cas de COVID-19 pourrait vouloir attendre un vaccin Pfizer ou Moderna. Par contre, l’évaluation avantages/risques serait très différente dans le cas d’une personne qui travaille en usine sans équipement de protection individuelle dans une province où la COVID-19 se propage comme une traînée de poudre, souligne-t-elle. Celle-là devrait prendre le premier vaccin qui lui serait offert.
Mais les recommandations du CCNI sur les vaccins « préférentiels » semblent contredire l’avis donné depuis longtemps par Santé Canada : le meilleur vaccin, c’est le premier qui s’offre à vous. Certains médecins se sont d’ailleurs immédiatement tournés vers les réseaux sociaux pour dénoncer cette récente recommandation du CCNI, qui sème selon eux la confusion et ne fait rien pour encourager la vaccination chez les « hésitants ».
« Cela me fait mal de dire cela, mais il est plus que temps de prendre avec un grain de sel les recommandations du CCNI », a écrit sur Twitter l’urgentologue torontois Brian Goldman. « Pour le bien de votre santé […] prenez le premier vaccin qui vous est proposé. »
Un effet secondaire extrêmement rare
Les personnes qui ont reçu l’AstraZeneca se sont également tournées vers les réseaux sociaux pour exprimer leur colère d’avoir été « trompées » par les autorités avec ce « vaccin de second ordre ». D’autres se sont demandé s’ils devraient annuler leur rendez-vous pour la première dose d’AstraZeneca ou refuser la deuxième dose.
Le risque de caillots sanguins, connu sous le nom de thrombocytopénie thrombotique immunitaire induite par le vaccin (TTIV), est estimé entre un cas sur 100 000 doses administrées et un cas sur 250 000. Mais cet effet secondaire est si nouveau que l’on sait encore peu de choses sur le risque réel, les raisons pour lesquelles il se produit et les personnes les plus susceptibles de développer des caillots.
Sept cas ont été signalés à ce jour au Canada, tous chez des personnes qui avaient reçu l’AstraZeneca ; environ 1,7 million de doses avaient été distribuées au 24 avril. Aux États-Unis, 17 cas avaient été confirmés sur plus de huit millions de doses du vaccin Johnson & Johnson administrées au 23 avril.
Santé Canada a approuvé l’utilisation du vaccin Johnson & Johnson au Canada, mais aucun Canadien ne l’a encore reçu, car le premier lot livré la semaine dernière fait toujours l’objet d’une enquête à la suite de rapports de violations de la sécurité et du contrôle de la qualité dans l’usine américaine impliquée dans sa production.
Le CCNI suggère que les provinces et les territoires pourraient vouloir donner la priorité à ce Johnson & Johnson, seul vaccin à injection unique approuvé au Canada, pour les personnes qui ont de la difficulté à programmer une deuxième dose. Le comité recommande que le Johnson & Johnson, comme l’AstraZeneca, ne soit administré qu’aux personnes de plus de 30 ans.
L’AstraZeneca et le Johnson & Johnson sont des vaccins à vecteur viral, une technologie qui prend un virus du rhume commun, le manipule afin qu’il ne puisse pas se répliquer et rendre quelqu’un malade, puis lui attache la protéine de pointe du virus SRAS-CoV-2 qui cause la COVID- 19. En voyant la protéine de pointe, le système immunitaire développe déjà une réponse qui sera utile si l’organisme rencontre un jour le vrai virus SRAS-CoV-2.
Les vaccins Pfizer et Moderna utilisent la technologie de l’ARNm : on attache la protéine de pointe du coronavirus à une molécule qui délivre des messages au corps pour exécuter certaines tâches. Dans ce cas-ci, le message est de développer une réponse immunitaire contre le SRAS-CoV-2.
Jusqu’à présent, 12,8 millions de Canadiens ont reçu au moins une dose d’un des vaccins autorisés : environ les deux tiers ont reçu le Pfizer, 20 % le Moderna et les autres l’AstraZeneca.