Se faire vacciner ou attendre d’accoucher?

Se faire vacciner ou attendre ? Enceinte de sept mois, Claudia Fontaine est devenue admissible à la vaccination contre la COVID-19 cette semaine. La femme de 35 ans, qui était agente de bord dans le monde d’avant, passe l’essentiel de son temps à la maison. Elle court peu de risques d’attraper le virus. Son conjoint, toutefois, travaille comme cuisiner. Et sa fille de deux ans va à la garderie. Se faire vacciner ou attendre, donc ?
« Au début de ma grossesse, je me disais que j’allais attendre d’accoucher », confie cette résidente du quartier Villeray, à Montréal. Le variant plus transmissible l’a poussée à se remettre en question. Et il y a un mois, son obstétricienne lui a conseillé de prendre le vaccin dès que ce serait possible. Elle ira donc recevoir une injection ce dimanche. « Ce n’est pas une décision que nous avons prise à la légère, nous y avons beaucoup réfléchi », confie cette Montréalaise.
Du côté des bénéfices potentiels, le portrait est clair. Les femmes enceintes sont plus à risque de complications de la COVID-19 que des femmes du même âge qui ne sont pas enceintes. Infectées, elles ont de plus grands risques de se retrouver aux soins intensifs et leur bébé a plus de risques de naître avant terme.
Du côté des risques posés par le vaccin, le portrait est plus flou. Les études cliniques initiales n’incluaient pas de femmes enceintes. Encore aujourd’hui, la littérature scientifique à ce sujet est très mince. Toutefois, les premiers constats qui émergent des campagnes vaccinales de certains pays sont d’excellent augure.
Aux États-Unis, plus de 100 000 femmes enceintes ont déjà reçu un vaccin à ARN messager (Pfizer ou Moderna) contre la COVID-19. L’agence fédérale de santé publique a publié le 21 avril une analyse de la sécurité vaccinale portant sur 827 femmes vaccinées dont la grossesse est achevée. Les taux de fausses couches, de naissances prématurées, d’anomalies congénitales ou de mort-nés étaient tous égaux ou inférieurs à la normale.
Des résultats rassurants
« C’est très rassurant », se réjouit Isabelle Boucoiran, gynécologue obstétricienne au CHU Sainte-Justine et membre du comité des maladies infectieuses de la Société des obstétriciens gynécologues du Canada. Seule nuance : des événements très rares pourraient échapper à l’analyse américaine, faute d’un nombre suffisant de participantes pour les voir survenir. D’éventuelles mises à jour permettront d’y voir plus clair.
« Sur le plan théorique, il n’y a pas de raison de penser qu’il puisse y avoir des conséquences sur la femme enceinte et sur le fœtus », précise en parallèle la médecin. Contrairement à certains vaccins contre-indiqués lors d’une grossesse (celui contre la rubéole, par exemple), les vaccins à ARN messager ne sont pas des vaccins « vivants ». Il est impossible qu’ils déclenchent une infection chez ceux qui les reçoivent.
Dans le corps humain, l’acide ribonucléique (ARN) du vaccin se dégrade très rapidement. Les scientifiques ne pensent pas que l’ARN peut traverser le placenta et rejoindre le fœtus. Les autres ingrédients du vaccin de Pfizer sont des lipides, des sels et du sucre. Chez les humains et les rongeurs, on ne trouve aucune trace du vaccin chez les nouveau-nés de mères vaccinées.
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« On détecte des beaux anticorps dans le lait et dans le sang du cordon ombilical, mais on ne voit pas de produits qui étaient contenus dans les vaccins », explique la médecin en santé publique Chantal Sauvageau, qui est membre du Comité d’immunisation du Québec (CIQ).
Depuis lundi, ce groupe d’experts associé à l’Institut national de santé publique du Québec recommande d’offrir la vaccination contre la COVID-19 aux femmes enceintes. Il conseille aussi de privilégier les vaccins à ARN messager, puisque davantage de données spécifiques aux femmes enceintes sont disponibles pour ceux-ci.
Même si les vaccins à ARN messager sont une nouvelle technologie, des résultats « très rassurants » ont été obtenus chez les femmes enceintes lors des essais cliniques d’un vaccin contre le Zika, soulève la Dre Sauvageau. « Un ensemble de données indirectes nous ont aidés à nous faire une tête » pour notre recommandation, explique-t-elle.
Au fédéral, le Comité consultatif national de l’immunisation conseille d’offrir la vaccination aux femmes enceintes « si une évaluation des risques révèle que les avantages l’emportent sur les risques ». Faute de données portant sur le début de grossesse, il juge « prudent » d’attendre 28 jours après la vaccination avant d’essayer de concevoir un enfant.
Évidemment, de futures mères se questionnent sur l’existence d’effets néfastes à long terme sur la santé de leur enfant. « Avec la COVID, on n’a pas de recul, il faut être honnêtes », explique la Dre Boucoiran. Toutefois, l’ensemble des études sur la vaccination pendant la grossesse — toutes maladies confondues — sont « très rassurantes » en ce qui concerne les conséquences à long terme. « Vraiment, il n’y a pas lieu de s’inquiéter », dit-elle.
Comme plusieurs de ses collègues, cette médecin discute ces jours-ci avec plusieurs patientes hésitantes. Elle leur dit que leur vaccination peut procurer des anticorps contre le coronavirus à leur bébé. Par ailleurs, elle souligne que le vaccin prévient la COVID-19 chez la mère après la naissance, ce qui limite les risques qu’elle doive se séparer de son nouveau-né.
« C’est sûr que les femmes posent beaucoup de questions, c’est légitime », dit la Dre Boucoiran. Après en avoir discuté avec ses patientes hésitantes, la plupart de ces dernières acceptent de prendre le vaccin, observe la gynécologue obstétricienne.