Les vaccins ralentissent déjà l’épidémie au Québec: la preuve en graphiques
Le coronavirus n’a qu’à bien se tenir : les vaccins ralentissent déjà l’épidémie au Québec. Depuis environ deux mois, les doyens de la province échappent à la remontée des hospitalisations provoquée par la troisième vague.
Si une image vaut mille mots, un graphique en vaut bien quelques-uns. À partir de données publiques, Le Devoir a tracé des courbes qui mettent en évidence l’influence de la vaccination sur les hospitalisations. Au Québec, l’effet est clair et net chez les personnes de 80 ans et plus.
« C’est une excellente nouvelle », se réjouit le microbiologiste-infectiologue Alex Carignan, qui est chercheur à l’Université de Sherbrooke et membre du Comité d’immunisation du Québec. « C’est encourageant parce qu’on voit que la baisse la plus importante, tant pour les cas que les hospitalisations, survient dans les groupes chez lesquels on a une couverture vaccinale plus importante. »
Pour plus facilement comparer les différents groupes d’âge, nous exprimons le nombre d’hospitalisations en fonction du maximum atteint au plus fort de la deuxième vague. Chez les personnes de 80 ans et plus, le nombre actuel équivaut à seulement 12 % de sa valeur de début janvier. Chez les adultes de moins de 60 ans, par contre, les hospitalisations ont pratiquement rejoint le sommet de la deuxième vague il y a une dizaine de jours.
La différence par rapport à l’automne 2020 est marquée. À l’époque, tous les groupes d’âge suivaient la même tendance. La vaccination, commencée dans les CHSLD à la mi-décembre, a ensuite changé la donne.
L’effet sur les personnes de 80 ans et plus est « impressionnant », convient Marina Klein, infectiologue et chercheuse au Centre universitaire de santé McGill. Toutefois, nuance-t-elle, on ne peut pas conclure que c’est uniquement là l’effet de la vaccination.
« Il faut aussi penser ce que ce groupe [de 80 ans et plus] était déjà beaucoup touché, déjà beaucoup infecté », note-t-elle. Il pourrait ainsi avoir bénéficié d’une immunité naturelle acquise à la suite d’infections précédentes, contrairement aux groupes plus jeunes.
Quoi qu’il en soit, la moins grande présence des personnes très âgées se ressent à l’hôpital. « Présentement, il n’y en a plus beaucoup. L’âge moyen des personnes hospitalisées commence à diminuer », dit la Dre Klein, faisant écho aux constats de plusieurs de ses collègues depuis que le variant B.1.1.7, aussi connu sous le nom de variant britannique, est bien en selle parmi les cas de la province.
Est-ce un effet de la virulence accrue du variant, ou bien de la protection des aînés ? « C’est probablement une combinaison des deux », répond la médecin. Rappelons que le variant B.1.1.7, qui domine maintenant largement au Québec, est plus transmissible, mais également plus propice à créer des formes graves de la maladie.
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Actuellement, environ 90 % des Québécois de 70 ans et plus ont reçu au moins une dose. C’est également le cas de 69 % de sexagénaires. Globalement, plus de 31 % de la population est a reçu au moins une injection.
Sur notre graphique, on peut également déceler l’effet du vaccin chez les septuagénaires, souligne le Dr Carignan. Les vaccins atteignent leur plein potentiel environ trois semaines après l’injection.
« Graduellement, avec l’augmentation de la couverture chez les plus jeunes, on verra aussi bientôt des bénéfices importants », dit-il.
Aux États-Unis
Alimentée par des fabricants locaux de vaccins, la campagne de vaccination progresse bien aux États-Unis. Plus de 40 % des Américains ont reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19.
Notre graphique, qui suit le même principe que celui pour le Québec, montre que la vaccination y prévient aussi des hospitalisations depuis quelques mois, surtout dans les tranches les plus âgées de la population.
D’un bout à l’autre du spectre d’âge, l’effet de la vaccination se fait sentir « en cascade » — un reflet de la priorisation des différents groupes pour la vaccination.
Les personnes de 85 ans et plus sont huit fois moins nombreuses à être hospitalisées en raison de la COVID-19 qu’au début du mois de janvier. Les adultes de 18 à 49 ans, moins vaccinés, ont quant à eux vécu une importante recrudescence d’hospitalisations en avril.
L’exemple des États-Unis rend le Dr Carignan optimiste. « Sans nécessairement arriver à une immunité collective, il semble y avoir un tournant quand on s’approche de 40 % de couverture vaccinale », observe-t-il.
En France
En France, l’épidémie de COVID-19 a suivi une trajectoire bien différente. Elle prend de l’ampleur depuis décembre et vient tout juste de ralentir.
Après un départ difficile, la campagne de vaccination a maintenant atteint une certaine vitesse de croisière. Un peu plus de 20 % des Français ont reçu au moins une dose de vaccin, et environ 8 % ont reçu deux doses.
L’effet sur les courbes d’hospitalisation se fait aussi sentir dans l’Hexagone. Pour ce pays, nous comparons le nombre d’hospitalisations dans chaque groupe d’âge à sa valeur au 1er janvier.
Les Français de moins de 60 ans sont aujourd’hui deux fois et demi plus nombreux à se trouver sur les lits d’hôpital en raison de la COVID-19 qu’au début de l’année. Chez les plus âgés, heureusement, la vaccination a prévenu une telle catastrophe. Les personnes de 80 ans et plus sont légèrement moins nombreuses à l’hôpital, malgré une très forte transmission du virus dans la communauté.
Comme au Québec, d’autres effets que la vaccination peuvent également expliquer pourquoi tous les groupes d’âges ne suivent pas la même tendance. Le variant B.1.1.7, majoritaire en France depuis février, influence certainement la dynamique de transmission.
Pour Marina Klein, un constat s’impose en attentant que la campagne de vaccination soit terminée. « L’infection peut toucher tout le monde, à n’importe quel âge, et peut avoir des conséquences graves pour tout le monde », dit-elle en appelant à ne pas baisser la garde tout de suite.