Pas de lien de causalité entre le vaccin d’AstraZeneca et les thromboses

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les bénéfices que procure le vaccin d’AstraZeneca dépassent largement les risques.
Photo: Christophe Ena Associated Press Selon l’Organisation mondiale de la santé, les bénéfices que procure le vaccin d’AstraZeneca dépassent largement les risques.

Un vent de panique semble souffler sur l’Europe, dont les pays membres sont de plus en plus nombreux à suspendre l’administration du vaccin d’AstraZeneca en raison de la formation de caillots sanguins chez des personnes ayant reçu ce vaccin. Engagé dans une course contre les variants, le Québec continue de l’utiliser, étant donné qu’aucun lien causal n’a été confirmé à ce jour entre ce vaccin et des problèmes de coagulation : une décision qui se conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Selon l’OMS, les bénéfices que procure le vaccin d’AstraZeneca dépassent largement les risques, ce qu’estime également le Dr Don Vihn, microbiologiste et infectiologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Le 10 mars dernier, l’Agence européenne des médicaments (EMA) rapportait 30 cas de thromboses parmi environ cinq millions d’Européens ayant reçu le vaccin du laboratoire suédo-britannique. Ce petit nombre de cas de thromboses est clairement inférieur à celui observé dans la population générale, a fait valoir l’EMA.

Au Royaume-Uni, où plus de 10 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été administrées, on a fait le même constat. « Étant donné le grand nombre de doses administrées et la fréquence à laquelle les thromboses sanguines peuvent se produire naturellement, les éléments dont nous disposons n’indiquent pas que le vaccin en soit la cause », a affirmé à la BBC Phil Bryan, responsable des vaccins de la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, l’agence britannique de pharmacovigilance.

Dans l’histoire de la vaccination des dernières décennies, « il n’est jamais arrivé que l’on ait dû cesser d’utiliser d’un vaccin parce qu’il induisait la formation de caillots sanguins », ajoute le Dr Vinh.

« Pendant qu’on attend de savoir s’il y a effectivement un lien causal, il faut se demander s’il n’est pas plus sûr de recevoir le vaccin d’AstraZeneca qui entraîne un risque de caillot de 0,0006 % — soit 30 cas sur 5 000 000 —, alors que la COVID-19 qu’une personne pourra contracter induit la formation de caillots dans au moins 20 % des cas et entraîne une forte mortalité chez les aînés », indique-t-il.

« Si on ne faisait pas face à une pénurie de vaccins, on pourrait cesser d’utiliser le vaccin d’AstraZeneca et privilégier l’administration des autres vaccins en attendant que la lumière soit faite. Si on pouvait s’offrir ce luxe qu’ont les Européens qui disposent d’usines de production sur leur territoire, on le ferait, mais, malheureusement, nous ne sommes pas dans cette situation », poursuit-il.

Lundi, la France, l’Allemagne et l’Italie suspendaient à leur tour l’administration du vaccin d’AstraZeneca, emboîtant ainsi le pas aux Pays-Bas, à l’Irlande, au Danemark, à la Norvège, à l’Islande, à la Bulgarie, ainsi qu’à la Thaïlande et à la République démocratique du Congo. L’Autriche, le Luxembourg, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie avaient quant à eux interrompu uniquement l’utilisation de lots spécifiques du vaccin.

Seule une association temporelle entre la présence de caillots sanguins et la vaccination a motivé ces suspensions, qui ne devraient durer que le temps de faire la lumière sur ces coïncidences, souligne le Dr Vinh. « Jusqu’à maintenant, on n’a parlé que d’une association temporelle, mais cela ne donne aucune preuve de causalité. Peut-être que les personnes vaccinées avaient d’autres facteurs de risque qui les prédisposaient à la formation de caillots. Les agences de réglementation doivent procéder à des investigations pour déterminer s’il y a effectivement un lien causal entre la formation de caillots et certains lots du vaccin ou le vaccin en général », explique-t-il. « Mais s’il s’avère y avoir un lien causal, le petit nombre de cas problématiques signifierait qu’il ne s’agit pas d’un phénomène global, mais plutôt celui associé à certains lots. »

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a tenté de se faire rassurant lundi. « Les premières informations disponibles indiquent qu’il n’y aurait pas de lien de causalité direct entre l’administration du vaccin et certains problèmes de coagulation répertoriés, a-t-il indiqué par communiqué. Pour l’instant, rien n’indique que ces troubles, qui ne figurent pas sur la liste d’effets secondaires du vaccin, sont attribuables à ce dernier. »

Il a rappelé que plusieurs pays européens avaient agi par mesure de précaution et qu’aucun incident lié au vaccin d’AstraZeneca n’avait été rapporté au Canada à ce jour. Par ailleurs, un système de surveillance a été mis sur pied, tant au Québec qu’au Canada, et une veille internationale est effectuée pour suivre l’évolution de la situation.

Le Québec a reçu 113 000 doses du vaccin Covishield, développé par AstraZeneca, pour la vaccination à domicile. Il sera d’abord injecté aux personnes qui reçoivent déjà des services de santé à la maison.

Avec Mylène Crète

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