Les racines du grand arbre généalogique, et génétique, des Québécois

André Lavoie
Collaboration spéciale
Photo datant du 17 juin 1942, prise par Conrad Poirier (1912-1968)
Fonds Conrad Poirier Photo datant du 17 juin 1942, prise par Conrad Poirier (1912-1968)

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche

Identifier précisément des restes humains ; découvrir qu’Anne Lemaître, une Fille du roi débarquée en Nouvelle-France avec ses trois enfants, compte plus d’un million de descendants ; retracer des déplacements de population dans des régions rurales supposément sédentaires... Ce sont quelques-unes des découvertes rendues possibles grâce au fichier de population BALSAC et à la biobanque Cart@gène, deux créations québécoises dont les alliances sont nombreuses, et fructueuses.

Mis sur pied il y a maintenant 50 ans par l’historien Gérard Bouchard, de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), et dirigé depuis 10 ans par Hélène Vézina, BALSAC s’appuie sur 400 ans d’histoire du Québec, et plus de 3,5 millions d’actes de naissance, de mariage et de décès. « Tous les prêtres qui ont consigné ces informations au fil des siècles n’auraient jamais pu deviner que cela serait un objet de recherche », souligne celle qui est également professeure au Département de sciences humaines et sociales de l’UQAC.

Et que dire des avancées spectaculaires de la génétique, prouesses qui relevaient de la science-fiction il n’y apas si longtemps ? C’est dans cet esprit d’innovation que fut créé Cart@gène, en 2007, sous la gouverne de Génome Québec, catalogue de données et d’échantillons biologiques prélevés dans la population québécoise. On compte 30 000 participants qui ont répondu à l’appel, et leur contribution va au-delà du volet génétique. « Le grand objectif de Cart@gène, c’est de faire avancer la recherche en santé au Québec, précise Guillaume Lettre, un de ses directeurs scientifiques, professeur agrégé au Département de médecine de l’Université de Montréal et spécialiste en génétique et en maladies cardiovasculaires. Nous nous intéressons tout autant aux questions de santé publique qu’épidémiologiques. En ce moment, nous examinons les facteurs sociodémographiques liés à la COVID-19. »

Histoires de gènes

 

Ces croisements de données n’en finissent plus de révéler des caractéristiques de la société québécoise : du « gagnant, gagnant » pour Guillaume Lettre et un idéal sans cesse renouvelé pour Hélène Vézina. « Un de mes rôles à BALSAC, c’est d’être à l’affût de ce dont les chercheurs ont besoin pour poursuivre leurs recherches, précise la directrice. On ne se contente pas de lire et d’informatiser les données : il faut les relier les unes aux autres pour reconstruire toutes les lignées généalogiques à partir du peuplement d’origine européenne. » Une tâche rendue possible grâce au fait que le Québec est une population « fondatrice », dont on peut retracer précisément les débuts.

Hélène Vézina salue l’esprit visionnaire de Gérard Bouchard et de son équipe qui, au début des années 1970, envisageait déjà BALSAC dans un esprit interdisciplinaire, où les sciences médicales côtoyaient les sciences sociales. « Beaucoup de collègues européens nous envient », dit-elle avec fierté. Une singularité qui profite aux travaux de Guillaume Lettre et des autres chercheurs de Cart@gène puisqu’il est possible de comprendre l’impact de maladies génétiques présentes dans certaines régions du Québec en analysant les différents mouvements de population.

Leurs recherches iront d’ailleurs beaucoup plus loin grâce à l’Initiative GenoRef-Q, projet ayant l’ambition de créer « un génome de référence de la population du Québec », précise le professeur de médecine. Une fois de plus, BALSAC apportera une dimension sociohistorique à la démarche composée cette fois de 2000 participants issus des 30 000 que compte Cart@gène. L’objectif sera d’établir le séquençage du génome de ces personnes, une opération que Guillaume Lettre sait décrire en termes simples : « Notre ADN, c’est comme un grand livre qui contient des mots. Eux représentent nos gênes, et certains de ces mots contiennent des fautes d’orthographe identifiables. »

Ce sont ces « fautes » qui peuvent déterminer la trajectoire de deux personnes que tout oppose : la première aux mauvaises habitudes de vie toujours debout à 75 ans et l’autre, sportive et soucieuse de son alimentation, subissant une crise cardiaque dans la cinquantaine. « Il y a toutes sortes de facteurs en cause, dont environnementaux, précise Guillaume Lettre, mais mon travail, c’est d’essayer d’identifier ce qui fait en sorte qu’un individu possède un risque plus bas, égal ou plus élevé que la moyenne de développer certaines maladies. »

Cette soif de connaissances n’est pas près de s’éteindre, selon Hélène Vézina, et la croissance exceptionnelle de la généalogie génétique au cours des 15 dernières en est la preuve. « C’est là pour rester », dit-elle sans hésitation.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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