La pandémie n’aurait pas entraîné une hausse des suicides

Les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale pourraient se faire sentir dans les années à venir.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Les effets de la crise sanitaire sur la santé mentale pourraient se faire sentir dans les années à venir.

Les données obtenues auprès des coroners laissent croire que malgré la détresse qu’elle a créée, la pandémie de COVID-19 n’a pas entraîné une hausse du nombre de suicides au Québec l’an dernier. Ce constat est toutefois préliminaire puisque de nombreuses enquêtes sont encore en cours.

L’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) en vient à cette conclusion à la lumière des observations effectuées par les 85 coroners établis dans toutes les régions du Québec. Mais elle se montre prudente car 75 % des investigations ne sont pas encore complétées.

L’AQPS croit que l’invitation des autorités à faire appel aux ressources d’aide et la perspective de voir la pandémie prendre fin ont permis de réduire l’effet des facteurs de risque que sont le stress, l’isolement et l’anxiété causés par la crise sanitaire.

« Par contre, il faut rester prudents et alertes parce que le retour à la normale ne se fera pas pour tout le monde », prévient Jérôme Gaudreault, directeur général de l’AQPS. « Il y en a qui peuvent avoir perdu un proche à cause de la COVID ou avoir de la difficulté à se réintégrer sur le marché du travail. Il y a beaucoup d’entrepreneurs qui ont des difficultés avec leur entreprise, » rappelle-t-il.

Selon lui, les effets de la pandémie pourraient se faire sentir à long terme. « Si autour de nous, tout recommence à revenir à la normale et qu’on constate que les gens sont contents de se revoir, mais que nous, à l’intérieur, on ne le sent pas, ça peut être difficile à vivre. Ça peut être particulièrement dur à supporter pour les gens qui sont vulnérables », explique-t-il. De là l’importance de demeurer à l’affût de ceux qui vont avoir besoin d’aide dans les mois, voire les années, à venir, ajoute-t-il.

Les gens en détresse sont nombreux à chercher de l’aide. Le Regroupement des centres de prévention du suicide signale que ses organismes membres ont enregistré une hausse de 20 % du nombre d’appels en septembre dernier et que cette augmentation est demeurée stable au fil des mois. Sa présidente, Lynda Poirier, note toutefois que la hausse est moins prononcée à Montréal et à Québec (autour de 7 %) que dans les autres régions. « C’est une hypothèse, mais probablement parce qu’il y a moins de services en région alors que dans les grands centres, il y a davantage de services spécifiques », avance-t-elle.

Le Regroupement observe par ailleurs un nombre grandissant de jeunes en détresse de 25 ans et moins — et leurs proches — qui communiquent avec les centres d’appels. « C’est nouveau pour nous », convient Mme Poirier.

Baisse depuis 2000

 

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a pour sa part publié les plus récentes données colligées en matière de suicide. Le bilan de 2018 fait état de 1054 décès par suicide, une légère baisse par rapport à 2017 alors que 1058 personnes s’étaient enlevé la vie. Chez les hommes de 35 à 49, on observe une petite diminution, mais les taux sont les plus élevés chez les femmes et les hommes âgés de 50 à 64 ans. Globalement, le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes.

Une baisse importante des suicides avait été observée dans les années 2000, passant de 1620 cas en 1999 à 1127 en 2010. Depuis, la diminution s’est ralentie.

En revanche, la tendance à la hausse des hospitalisations pour tentatives de suicide observée dans les dix dernières années se poursuit. Elles ont même doublé chez les adolescentes de 15 à 19 ans.

Les données toxicologiques recueillies par les coroners révèlent par ailleurs que dans le cas d’un suicide sur cinq, le seuil de 80 mg d’alcool dans le sang avait été dépassé. Comme les taux d’alcool ne peuvent pas toujours être mesurés, il est possible que l’alcool soit en cause dans un plus grand nombre de décès, avance l’AQPS. « L’alcool augmente le niveau d’impulsivité des gens. Ça fait en sorte que ça peut encourager un passage à l’acte qui ne serait peut-être pas arrivé s’il n’y avait pas eu présence d’alcool », indique Jérôme Gaudreault.

Besoin d’aide? N’hésitez pas à appeler la Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)

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