Près de 30 000 cas parmi les employés du réseau de la santé

À Montréal, le nombre de patients COVID hospitalisés a doublé en un mois. Une tendance qui, combinée à la contamination accrue des travailleurs, met le réseau de la santé à rude épreuve.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir À Montréal, le nombre de patients COVID hospitalisés a doublé en un mois. Une tendance qui, combinée à la contamination accrue des travailleurs, met le réseau de la santé à rude épreuve.

À la vitesse à laquelle se propage la COVID-19 dans le réseau de la santé, plus de 30 000 employés auront été infectés d’ici la fin de 2020. Tandis que les éclosions s’accélèrent dans les hôpitaux de Montréal, des voix réclament que le personnel des unités de soins à risque soit vacciné pour éviter des ruptures de services.

La flambée des infections au sein des employés de la santé se poursuit au rythme de 240 à 250 nouveaux cas quotidiens et frappe de plein fouet les hôpitaux généraux, précise le Dr Gaston de Serres, chercheur à l’Institut national de santé publique du Québec.

« Autant de cas en une journée, c’est ahurissant. Chaque jour, les cheveux me dressent sur la tête. On sait que la majorité des employés s’infectent au travail, mais nous n’avons pas de réponse claire sur le comment », dit-il.

À ce jour, plus de 27 400 travailleurs sur les 300 000 employés du réseau de la santé ont contracté la COVID-19, dont 10 000 ces deux derniers mois. L’INSPQ vient de lancer une enquête pour éclaircir les causes de ces infections en chaîne malgré le port des équipements de protection personnelle (EPI) et le renforcement des mesures de prévention des infections dans les établissements depuis le début de la deuxième vague.

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Mercredi, la Direction de la santé publique de Montréal (DSP) rapportait 30 éclosions dans ses hôpitaux, 429 cas de COVID-19 actifs parmi le personnel et 500 employés en attente de résultats. Le cap des 1000 patients hospitalisés a été franchi jeudi au Québec. À Montréal, le nombre de patients atteints de la COVID hospitalisés a doublé en un mois. Une tangente qui, combinée à la contamination accrue des travailleurs, met le réseau de la santé à rude épreuve.

« Je pense qu’il va falloir revoir les priorités de vaccination. Les hospitalisations augmentent, alors que les employés sont déjà épuisés. À court terme, la seule façon de protéger les hôpitaux, c’est le vaccin », a indiqué au Devoir un gestionnaire du réseau qui a requis l’anonymat. D’autres provinces ont choisi de vacciner tout leur personnel soignant. Le Québec prévoit toujours de prioriser les résidents des CHSLD et leurs soignants.

Au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, certains syndicats sont inquiets. « On nous dit que la situation est critique, que des zones chaudes de certains hôpitaux sont remplies, que plusieurs options sont envisagées, même rétablir le décret pour exiger des quarts de 12 heures et réduire les vacances du personnel », affirme Kathleen Bertrand, présidente du Syndicat des professionnelles en soins du Nord-de-l’Île-de-Montréal (FIQ).

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Mercredi, la Direction de la santé publique de Montréal rapportait 30 éclosions dans ses hôpitaux, 429 cas de COVID-19 actifs parmi le personnel et 500 employés en attente de résultats.

La direction du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, aux prises avec deux éclosions actives, une à l’hôpital Sacré-Cœur, l’autre à l’hôpital Jean-Talon, et 66 employés atteints de la COVID, assure pourtant disposer d’une bonne marge de manœuvre, avec 36 patients dans ses unités COVID, totalisant 100 lits. Par contre, 44 des 50 lits aux soins intensifs des hôpitaux Sacré-Cœur, Jean-Talon et Fleury sont occupés.

Deux éclosions sont en cours, à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et à l’hôpital Santa Cabrini, où 16 employés au total ont été déclarés positifs, 45 attendent un résultat et 17 sont en isolement préventif, selon le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Plus de 60 patients atteints de la COVID-19 y sont hospitalisés, dont 9 aux soins intensifs.

« C’est inquiétant »

L’hôpital de Verdun fait face à plusieurs éclosions, alors que l’hôpital général de Lakeshore lutte contre six éclosions dans ses murs. Le 8 décembre, deux éclosions y avaient engendré une centaine de cas, parmi le personnel et des patients. La présidente du Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Johanne Riendeau, peine à s’expliquer pareille propagation du virus dans son établissement. « On utilise les équipements recommandés par l’INSPQ. Il n’y a pas de mouvement de personnel comme lors de la première vague. Les règles de prévention et de contrôle des infections sont suivies. On ne sait vraiment pas comment la contamination arrive. C’est inquiétant. »

La plupart des urgences de la métropole ont aussi été frappées par de petites éclosions, ajoute le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec. « Y a-t-il risque de rupture de services ? C’est un concept “gris” pour nous, car déjà il y a des patients avec de petits problèmes qui ne sont plus pris en charge. On manque déjà de personnel, on est déjà en heures supplémentaires. »

« On ne voudrait pas que les nouveaux cas et les hospitalisations explosent dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Il [faudrait] tout annuler pour s’occuper juste de la COVID-19, ce qu’on ne voudrait pas », craint pour sa part le Dr Germain Poirier, président de la Société des intensivistes du Québec.

Roxanne Gariépy, infirmière à l’unité de soins intensifs de l’Hôpital régional de Saint-Jérôme, a découvert qu’elle était atteinte de la COVID-19 le 28 octobre, à l’occasion d’un test salivaire hebdomadaire. Elle n’avait aucun symptôme. « J’étais surprise, dit-elle. On est extrêmement rigoureux. Il n’y a pas eu d’éclosion dans notre unité depuis le début [de la pandémie]. »

Comment a-t-elle pu être infectée ? Son conjoint et ses deux filles ont obtenu un résultat négatif. « Mon petit doute, c’est que mon masque à cartouches [dont le filtre stoppe 100 % des particules] commençait à être usé. » Elle le désinfecte après chaque utilisation. « Il y a peut-être eu un petit bris de matériel », avance-t-elle. Dans son équipe, une seule autre infirmière a contracté la COVID-19. Autant de circonstances que l’INSPQ espère élucider au cours des prochaines semaines, pour mieux comprendre l’importante contamination des employés du réseau de la santé.

En données

Québec a signalé jeudi 1855 nouveaux cas de COVID-19 et 22 autres décès des suites du virus. Trois des nouveaux décès enregistrés sont survenus dans les dernières heures, quatorze entre le 10 et le 15 décembre, trois avant le 10 décembre et deux à une date inconnue. Les hospitalisations continuent de grimper : on en rapportait 27 de plus que la veille, pour un cumul de 1002. Parmi les patients, 134 se trouvaient aux soins intensifs, en hausse de 6. Au total, 969 doses de vaccin ont été administrées dans la journée de mercredi, comparativement à 1315 mardi.

La Presse canadienne

 

 

 

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