Le «contrat moral» des Fêtes a changé, reconnaît Legault
Le premier ministre François Legault a reconnu jeudi que le « contrat moral » qu’il avait proposé aux Québécois pour Noël a changé depuis la semaine dernière. Il a du même souffle imputé cette volte-face à la Santé publique.
« Je comprends que ce n’est pas noir ou blanc », a-t-il affirmé en conférence de presse. Il a ajouté que la Santé publique avait d’abord recommandé au gouvernement de permettre des rassemblements sur une période de quatre jours, puis a récemment précisé qu’il était préférable que les familles québécoises se rassemblent seulement deux jours entre le 24 et le 27 décembre. « Au début de la semaine dernière, la Santé publique m’a dit quatre jours ; à la fin de la semaine dernière, ils m’ont dit deux jours », s’est-il défendu.
Il a aussi servi un avertissement aux Québécois. « On aura une décision à prendre » si la situation pandémique empire d’ici Noël, a-t-il répété, tout en rappelant que l’autorisation avait toujours été conditionnelle à la stabilisation de la situation.
Lorsque Le Devoir a demandé au premier ministre sur quoi s’appuyaient les modifications à son « contrat moral », il a répondu qu’il n’était « pas le spécialiste » et a relayé la question au directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda.
« Il faut comprendre que quand on a dit une période de quatre jours entre le 24 et le 27 [décembre], c’était pour permettre ce qu’on appelle de la flexibilité, notamment pour des parents qui sont en garde partagée […] », a expliqué le Dr Arruda. À son avis, les Québécois ont « pu interpréter » que la permission de quatre jours voulait dire « on peut faire des rassemblements autant qu’on veut ».
Le gouvernement veut diminuer le risque de l’inévitable transmission communautaire au maximum. « D’ailleurs, on est venus préciser à nouveau que l’intention était de diminuer au maximum les rassemblements et on est revenus préciser que c’était deux rassemblements qu’on recommandait », a-t-il continué. Les deux rassemblements permis, « ce n’est pas déjeuner, dîner, souper avec un événement comme tel », a-t-il ajouté.
Le gouvernement a voulu recadrer son message après l’enthousiasme généré par l’annonce du « contrat moral » la semaine dernière, indique-t-on en coulisses. La crainte est que des rassemblements trop nombreux génèrent une nouvelle flambée de cas. Une autre source au sein de la garde rapprochée du premier ministre a indiqué qu’il ne fallait pas y voir un accrochage entre la Santé publique et le gouvernement. Selon celle-ci, l’équipe du Dr Arruda a fait un « bon boulot ».
Le directeur national de santé publique s’est gardé de donner un seuil de nombre de cas de COVID-19 par jour qu’il jugerait acceptable pour donner le feu vert final aux deux rassemblements de Noël. Il avait évoqué mardi que ce seuil devrait être en bas de 1000. « C’est un ensemble d’indicateurs parce que 1000 cas de gens qui sont jeunes, qui ne sont pas très malades, qui n’ont pas d’impact sur les hospitalisations, puis qu’on est encore capables de faire le contrôle des éclosions, que c’est dans des milieux particuliers, qu’on est capables d’enquêter, c’est très différent de 1000 cas qui… », a-t-il affirmé sans terminer sa phrase. Il a conclu en soulignant que la décision serait prise en vertu de l’épidémiologie, du contrôle des éclosions, du nombre de cas, du nombre de décès et de la capacité hospitalière.
Aucune modélisation
Si le gouvernement s’attend à ce que le nombre de cas de COVID-19 augmente au retour du congé de Noël, il est difficile de prévoir quelle pourrait être la teneur de cette hausse. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) n’a effectué aucune modélisation pour la période des Fêtes et ne prévoit pas de le faire pour l’instant, selon sa conseillère en communication, Sybille Jussome.
« Ce ne sont pas des travaux de modélisation qui ont mené à la décision du gouvernement », a indiqué le médecin-épidémiologiste pour l’INSPQ, le Dr Gaston De Serres, en entrevue au Devoir. Sachant que « plus on rencontre de monde, plus la transmission se fait », le gouvernement a choisi de faire « un compromis entre des objectifs sanitaires et des objectifs affectifs », la période d’isolement servant à « diminuer les risques de transmission secondaire au maximum ».
« De modéliser ça, c’est très, très compliqué, a spécifié le médecin-épidémiologiste. Comment les gens vont-ils l’appliquer ? Est-ce qu’ils vont faire une fête à dix ou est-ce qu’ils vont faire deux fêtes à dix ? À un moment donné, il n’y avait pas vraiment de clarté à l’égard de combien de rencontres à dix quelqu’un pouvait faire. »
L’impact des rassemblements de Noël dépend également du groupe d’âge auquel appartiennent les personnes qui pourraient être infectées par le coronavirus, mais également de leur lieu de résidence. « Si quelqu’un participe à une fête et vient d’une résidence privée pour aînés et qu’elle s’infecte, évidemment, les conséquences sont beaucoup plus graves que si c’est un aîné qui vit dans son domicile seul ou avec son conjoint ou sa conjointe. »
L’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) tiendra compte des deux rassemblements permis dans ses projections sur le nombre d’hospitalisations. Les dernières à avoir été publiée vendredi dernier s’arrêtaient au 17 décembre, mais suggéraient déjà une augmentation des hospitalisations, particulièrement dans les régions à l’extérieur de la grande région de Montréal.