Une nouvelle stratégie de recherche de contacts à Montréal

Pour limiter la propagation de la COVID-19, la Direction régionale de santé publique de Montréal adopte une nouvelle stratégie qui a fait ses preuves au Japon. Dès aujourd’hui, elle recommencera à appeler elle-même les contacts de cas à risque modéré. Elle tentera aussi de retrouver les sources de contamination. Dans sa mire, les « événements de supertransmission ».
Depuis près de deux mois, les Montréalais ayant contracté la COVID-19 devaient eux-mêmes communiquer avec les gens qu’ils avaient fréquentés et qui étaient à risque modéré d’infection (par exemple, des amis avec qui ils auraient discuté plus de 15 minutes à moins de deux mètres).
La Santé publique était débordée et se chargeait uniquement de contacter les personnes atteintes, les proches vivant avec elles, leurs partenaires sexuels et leurs proches aidants.
La Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal se dit maintenant en mesure de reprendre les appels des contacts à risque modéré. « Le nombre de cas a atteint un plateau — autour de 250 par jour — et [pendant ce temps], on a continué d’augmenter nos effectifs, explique la Dre Geneviève Cadieux, cheffe médicale par intérim du secteur prévention et contrôle des maladies infectieuses. On a plus de ressources humaines. »
Ce qui a été démontré, c’est que, pour être capable de contenir la transmission, il faut surtout remonter en arrière pour voir où les gens ont contracté [le virus], pour retrouver le "hub" et aller chercher les contacts
La DRSP ambitionne désormais de trouver les lieux de contamination, à l’image de certains pays asiatiques, comme le Japon. L’objectif ? Cibler le plus rapidement possible les « événements de supertransmission ».
« Selon des études menées dans des pays asiatiques, de 10 % à 20 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 sont responsables de 80 % de la transmission, indique la Dre Geneviève Cadieux. Donc, retourner en arrière et prioriser les événements où il y aurait pu avoir plusieurs personnes infectées, c’est plus rentable dans un sens. »
La DRSP de Montréal souhaite que trois questions supplémentaires soient posées aux gens qui subiront un test de dépistage : font-ils partie d’un groupe de personnes (équipe sportive, communauté religieuse, chorale, etc.) parmi lesquelles il y a eu un ou plusieurs cas de COVID-19 dans les deux dernières semaines ? Ont-ils fréquenté un endroit ou un événement (souper de famille élargie, rassemblement d’amis, mariage, etc.) associé à un ou à plusieurs cas au cours des deux dernières semaines ? Ont-ils été proches de gens qui parlaient fort, chantaient ou respiraient fort dans un endroit clos ?
« On a demandé que ces trois questions soient ajoutées au logiciel de l’entreprise Deloitte [une plateforme choisie par le gouvernement pour améliorer le dépistage], dit la Dre Cadieux. Technologiquement ou techniquement, ce n’est pas difficile à faire. » La Santé publique dit toutefois ignorer quand ces informations pourront être intégrées au nouveau logiciel, un « projet complexe », indique la Dre Cadieux.
La Dre Marie-France Raynault, cheffe du Département de santé publique et de médecine préventive du CHUM, se dit « très contente » que la DRSP de Montréal recommence à joindre directement les contacts de cas à risque modéré.
Elle craignait en effet que des personnes infectées taisent leur diagnostic et ne demandent pas aux gens qu’elles avaient fréquentés de s’isoler. « Peut-être que les commerçants n’étaient pas trop chauds à l’idée d’empêcher leurs clients de fonctionner pendant 14 jours », avance la Dre Raynault. Des individus atteints de la COVID-19 pouvaient aussi avoir peur d’être victimes de « représailles » ou « d’être mal vus », selon elle.
Ces problèmes ne se posent désormais plus, puisque la Santé publique garde confidentiel le nom des personnes infectées lorsqu’elle avise les contacts.
La Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, salue aussi l’approche de la DRSP de Montréal, inspirée du Japon. « Ce qui a été démontré, c’est que, pour être capable de contenir la transmission, il faut surtout remonter en arrière pour voir où les gens ont contracté [le virus], pour retrouver le hub et aller chercher les contacts », dit-elle.
À la différence du Japon, le Québec ne dispose toutefois pas d’une application de recherche de contacts efficace, déplore la Dre Quach-Thanh. « Alerte COVID, qui fonctionne avec Bluetooth, vous dit que vous avez été en contact avec un autre téléphone qui appartient à quelqu’un qui [a été déclaré] positif, dit-elle. Le problème avec le Bluetooth, c’est que si vous étiez en auto avec les fenêtres fermées à un feu de circulation dans un bouchon, le téléphone va vous dire que vous avez été en contact. Ça ne veut rien dire. »
Le CHU de Sainte-Justine demande d’ailleurs à ses employés de désactiver Alerte COVID dans l’hôpital, indique la Dre Quach-Thanh, car l’application ne tient pas compte du port de l’équipement de protection individuelle.
La Dre Quach-Thanh croit que la Santé publique devrait pouvoir compter sur des « données électroniques beaucoup plus accessibles ». « Le problème actuellement, c’est qu’il n’y a personne qui veut d’une application intrusive. En Asie du Sud-Est, l’intrusivité est totale, mais ça les aide à retracer beaucoup plus rapidement les cas. »
D’ici là, la DRSP de Montréal a bien l’intention de mettre sa nouvelle approche en œuvre. Et si les cas repartaient à la hausse ? La métropole a enregistré 285 nouvelles infections de COVID-19 lundi et 308 la veille. « Probablement qu’à 400 nouveaux cas par jour, il faudrait rehausser les effectifs pour être capables de maintenir cette stratégie-là », dit la Dre Geneviève Cadieux.
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