Québec sensibilisera les travailleurs de la santé à la réalité autochtone

Une femme assistait à la vigie à la mémoire de Joyce Echaquan, fin septembre. Le ministre Dubé souhaite que les mesures de «sécurisation culturelle» soient implantées en priorité dans les hôpitaux près des communautés autochtones, comme celui de Joliette, où Joyce Echaquan est morte.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Une femme assistait à la vigie à la mémoire de Joyce Echaquan, fin septembre. Le ministre Dubé souhaite que les mesures de «sécurisation culturelle» soient implantées en priorité dans les hôpitaux près des communautés autochtones, comme celui de Joliette, où Joyce Echaquan est morte.

Des porte-parole de communautés autochtones accueillent favorablement les promesses du gouvernement du Québec en matière de « sécurisation culturelle » des services de santé et sociaux. Des formations et des services d’accompagnement développés avec les Premières Nations et les Inuits font notamment partie du bouquet de mesures annoncé vendredi et assorti de 15 millions en investissements sur cinq ans. Cette annonce fait écho à des « appels à l’action » du rapport Viens.

« Je crois que c’est un premier geste très significatif en regard d’une situation hautement préoccupante », a déclaré Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), en entrevue au Devoir. Il espère que cette « annonce politique » se traduira par un réel changement sur le terrain. « À mon sens, il faudrait au minimum encadrer le tout par une loi », ajoute-t-il.

En conférence de presse vendredi avant-midi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a expliqué que l’objectif poursuivi est de faire en sorte que les membres des Premières Nations et les Inuits se sentent à l’aise de recourir « en toute confiance » au réseau.

Les employés du système de la santé participeront à des formations sur les enjeux spécifiques à chaque communauté autochtone. « Cette formation, on va la faire avec les Premières Nations et les Inuits, ce n’est pas une formation qu’on va développer chez nous et imposer », a indiqué M. Dubé.

« Je vous dis, aujourd’hui, j’ai espoir », a ajouté son collègue aux Affaires autochtones, Ian Lafrenière, en faisant référence à la mort de Joyce Echaquan. C’était la première annonce à laquelle ce nouveau ministre procédait depuis sa nomination, le 9 octobre.

Le gouvernement a l’intention d’engager des « navigateurs de services » qui aideront les usagers autochtones à obtenir des soins, malgré les barrières linguistiques et l’éloignement de leur domicile. Ces derniers doivent être recrutés « à travers les Premières Nations ». Des agents de liaison assureront quant à eux de bonnes relations entre les établissements et leurs usagers autochtones.


Perplexité


 

Devant ces intentions ambitieuses, Ghislain Picard se dit toutefois « perplexe » par rapport aux sommes allouées pour l’instant (3 millions de dollars par année), qui lui semblent insuffisantes. Il espère également que les mesures seront mises en place d’une manière « large et universelle ». Pour l’instant, le ministre Dubé veut que le programme soit implanté en priorité dans les hôpitaux desservant un grand nombre d’Autochtones, comme celui de Joliette.

« Je suis quand même satisfait de voir que le gouvernement est sur la voie du changement », a quant à lui déclaré le chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, Paul-Émile Ottawa. Il ajoute que des mesures de sécurisation culturelle sont aussi nécessaires dans les écoles, à la protection de la jeunesse et dans le système de justice.

Pour mieux comprendre la réalité autochtone

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Des représentants de Manawan ont participé à l’élaboration du nouveau programme, mais aucun d’entre eux n’était présent à la conférence de presse à Montréal pour des raisons liées à la pandémie, selon les ministres. Constant Awashish, le grand chef du Conseil de la nation atikamekw, apparaissait cependant aux côtés de M. Lafrenière dans une vidéo publiée sur le compte Facebook du ministre en après-midi.

« Dans le futur, j’espère que nos enfants, nos femmes, puissent se sentir en sécurité. C’est ça l’objectif, puis c’est pour ça qu’aujourd’hui on collabore. On va être de bonne foi dans cette démarche-là, et le futur pourra nous témoigner du succès de cette collaboration », entend-on M. Awashish dire devant l’hôpital de Joliette et au son d’une musique dramatique.


Initiatives « les plus visibles »


 

La semaine dernière, le ministre Lafrenière a assuré qu’une série d’initiatives seraient prises cet automne afin de bonifier la réponse du gouvernement au rapport Viens. Dans la liste de 142 appels à l’action du document rédigé à la suite de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, le ministre cherche ceux « qui amènent des changements encourageants », qui sont « les plus visibles ». Une somme de 200 millions a été mise de côté dans le budget du printemps à cet effet.

Dans son témoignage devant la Commission en 2017, la professeure Carole Lévesque de l’Institut national de recherche scientifique faisait valoir que l’amélioration des relations entre les Autochtones et les services publics passe par une démarche globale de sécurisation culturelle.

« [Cette démarche] favorise le déploiement de services, de pratiques et d’initiatives en concordance avec les modes d’accompagnement de soins de prévention, de guérison, de transaction sociale et d’appréhension du monde autochtone, des modes qui prennent ancrage dans les systèmes de valeur et de savoir autochtones », disait-elle.

Cinq appels à l’action du rapport Viens font référence au concept de sécurisation culturelle. On parle notamment de sensibiliser les ordres professionnels à cette question, d’encourager les établissements de santé à mettre sur pied des services et des programmes répondant à ses principes et de financer « de façon récurrente et pérenne » ces programmes et services.

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